La FIFA favorise ouvertement l’Afrique du Sud pour le mondial 2010. Saâd Kettani crie à la manip.
Blatter nous a encore roulés
Ce qui fait le plus mal dans cette nouvelle fin de non recevoir, c’est qu’on nous a dupés dans une quatrième tentative pour laquelle nous étions le mieux préparés. C’est comme si nous n’étions bons qu’à être amadoués.
Abdellatif Mansour
La FIFA de Blatter et consorts nous a encore fait un coup fourré. À une semaine de la décision finale devant désigner le pays qui abritera la coupe du monde de football en 2010, le rapport des inspecteurs de la FIFA est tombé comme un météorite téléguidé. La démarche est d’une sournoiserie édifiante. Il s’agit de préparer les candidats à un résultat annoncé.
Celui d’une Afrique du Sud en pole position, loin devant le Maroc et l’Égypte, deux outsiders qui reçoivent, juste pour leur amour propre, le satisfecit du Jury, mais qui ne se retrouvent pas moins hors course.
La pillule est difficile à avaler. Elle reste au travers de la gorge. Car voilà un Maroc qui se présente pour la quatrième fois, pour le même objectif, et qui se fait recaler avec une régularité d’horloger. Je vois d’ici monter des voix pour dire que nos trois premières tentatives étaient trop fantaisistes pour être prises au sérieux. Soit, c’était d’autres commis d’État chargés de parler au nom d’un autre Maroc.
Mondialisation
Par contre, personne, au marocanisme naturellement chevillé au corps, n’a osé soutenir que cette candidature-là était de trop. Saâd Kettani, président du comité d’organisation, a appris la nouvelle à Kuala Lumpur, où il était en déplacement pour les besoins de la campagne de 2010. Il a immédiatement installé un comité de crise, comme pour signifier que le Maroc, fort de ses atouts, ne baisse pas les bras. Et que les manigances sont trop flagrantes pour qu’on se considère vaincus sans faire valoir nos droits.
Car voilà des inspecteurs de la FIFA qui sont venus parmi nous, qui ont vu et qui ont pondu des comptes -rendus pas du tout -disons pas vraiment, pour être objectifs- conformes à ce qu’ils ont constaté. Et qu’ont-il constaté, au fait, tout aussi objectivement? Ils ont été les témoins d’un pays qui, certes, se débat dans des problèmes dont il n’a pas l’exclusivité, mais qui a mobilisé tous ses moyens pour honorer, au plus fort de ses capacités, sa prétention légitime à accueillir une coupe du monde de football.
Ils ont pris connaissance, avec les techniques et les paramètres d’évaluation dont ils disposaient, du cahier de charge marocain, dûment agréé par des bureaux d’études à la renommée internationale, tel Alan Rottenberg, maître d’œuvre de deux jeux olympiques et d’une coupe du monde aux Etats-Unis. Mieux, ils ont eu à prendre le pouls d’un peuple totalement mobilisé, profondément convaincu de la possibilité de leur pays à arracher, cette fois-ci, l’honneur et la responsabilité d’accueillir une telle manifestation.
Jamais, au grand jamais, sur l’histoire centenaire de la FIFA, le rapport d’évaluation des atouts et faiblesses des pays postulants, n’a été rendu public à la veille du verdict annonciateur du candidat gagnant. Si la règle a été, cette fois-ci, transgressée, c’est qu’il y a une raison que la raison sportive ignore, mais que la logique de la bande à Blatter, jusqu’ici confidentielle, a été amenée à être actionnée au grand jour. Cette raison est que le Maroc est un trop bon candidat et qui, en plus, est tellement insistant qu’on ne peut s’en débarrasser qu’en découvrant les cartes, comme unique moyen de le mettre hors-circuit. C’est ce qui a été fait par la publication du rapport assassin des inspecteurs de la FIFA.
En ayant recours à ce type de subterfuges, l’ONU du football qu’est la FIFA se met à découvert comme un organisme en retard d’une bonne mondialisation. En fait, la FIFA milite pour un statu-quo où la coupe du monde du foot, dans sa manifestation mondiale, tous les quatre ans, appartient aux puissances économiques confirmées. Vous diriez mais le Brésil, le Mexique et l’Argentine sont-ils des économies puissantes, mondialement reconnues comme telles? Cette question est une vraie colle. On en arrive à se dire des vérités vraies.
D’abord sur l’Afrique du Sud, pas comme dans un pugilat où tous les coups sont permis, mais pour éclairer l’opinion publique sur les tenants et les aboutissants d’un challenge à l’issue pipée, dans les vestiaires, avant l’entrée théâtrale dans l’arène faussement démocratique du 15 mai, à Zurich.
Soyons d’abord quittes avec un acquit de conscience vis-à-vis d’un homme qui se trouve être une forme de conscience universelle vivante. Je veux nommer Nelson Mandela.
Esclavagisme
Mais un homme, aussi multidimensionnel soit-il, ne peut pas faire, à lui seul, un pays nouveau et totalement affranchi, après cinq siècles d’apartheid et d’esclavagisme. L’Afrique du Sud n’est toujours pas sortie de la mainmise blanche sur les ressources et les ressorts économiques du pays.
L’apartheid politique a été aboli, mais la ségrégation raciale au niveau socio-économique est toujours présente. Non seulement les afrikaaners blancs n’ont rien perdu de leurs privilèges, mais les noirs qui ont combattu l’apartheid sont toujours parqués dans des bantoustans et des ghettos, à Soweto et ailleurs.
Les 90% de la population, noirs, évidemment, sont, dans leur grande majorité, chômeurs et bidonvillois. Ils expriment leur désarroi par des larcins et de la petite délinquance agressive. Ce qui fait de ce pays un espace où la sécurité corporelle est un vain mot. Un risque pour les footballeurs et leurs familles, qui feront le déplacement en Afrique du Sud.
Embrassades
On en vient à la question qui tue. La question qui dévoile les stratagèmes de la FIFA et de ses commanditaires, avant d’avoir coupé le souffle aux autres candidats et à leurs peuples médusés. Pourquoi l’Afrique du Sud et pas le Maroc, l’Égypte, la Tunisie ou pour élargir le cercle, la Libye ? Bien que l’on court, tout à fait légitimement, pour le Maroc, ces quatre pays ont un dénominateur commun : ils sont arabes et musulmans.
Une tare congénitale que le Maroc paie au prix fort, en échange de la tendance lourde de sa politique arabo-islamique. Retenez cette déduction facilement mémorisable: en un siècle de coupe du monde de football, aucun pays d’extraction arabo-berbère et de culture islamique n’a eu le privilège d’accueillir cette manifestation ludique aux retentissements mondiaux.
Ce qui fait le plus mal dans cette nouvelle fin de non recevoir, c’est qu’on nous a dupés dans une quatrième tentative pour laquelle nous étions le mieux préparés. C’est comme si nous n’étions bons qu’à être amadoués par des accolades et des embrassades, nous les gentils arabes et les musulmans modérés, mais que les jeux se font ailleurs. Il est proprement regrettable que ces jeux-là se fassent au détriment d’un pays qui n’aspire qu’à être la meilleure passerelle entre le monde arabo-africano-islamique et l’Occident. Tout le contraire d’un pays à l’extrême extrémité australe dont on a fait un Occident délocalisé.
Finalement, si Pretoria remporte les faveurs de la FIFA, c’est que le foot-business est toujours roi. Par la grâce de son sérénissime Joseph Blatter.
Journal hebdo