Billet : Crise de langue (par Karim Boukhari)
Cette anecdote : 2 M a reçu le projet d’une émission en berbère, son comité de lecture n’y a rien compris, alors la chaîne a invité l’auteur du projet à bien vouloir le traduire en arabe ou en français avant de la lui (re)soumettre. Vous trouvez cela normal ?
On peut considérer l’anecdote sous un angle officiel et palabrer jusqu’au nouvel an berbère sur l’amazighité, le linguisme, les quotas, etc. Bien à vous ! Pour aller plus vite, on se contentera de jongler avec la chose en nous mettant à la place de tout le monde. Oui, tout le monde. Les journalistes et techniciens berbérophones de la chaîne sont moitié amusés moitié choqués, dans tous les cas incapables d’être du moindre secours à l’auteur. A la direction, on est fier d’avoir à monter un projet en berbère et embarrassés de n’avoir aucun berbérophone pour décider de son intérêt. Au comité de lecture, on se tourne les pouces en attendant la version arabe, ou française, du projet. La suite n’en sera que plus dure : que faire de ce projet, une fois traduit ? L’accepter les yeux fermés parce qu’il est berbérophone, et que l’état encourage la "bérbèrophonie" ? Ou le refuser parce qu’il est berbérophone, et que le comité de lecture est incapable d’évaluer un projet dont il ne comprend pas la langue ?
Le projet, dans tout cela, aura emprunté des cheminements incroyables avant d’atteindre sa destination finale : la télévision ou la poubelle. S’il se concrétise, c’est qu’il aura été traduit du berbère à l’arabe ou au français, avant d’être retraduit en berbère pour être tourné. C’est très compliqué. Pour la chaîne, pour l’auteur, pour le public qui aura à consommer le produit final. Mais c’est à l’image, humble et anecdotique, des difficultés de ce pays face à des questions trop longtemps ignorées… Bon courage à tout le monde.
Cette anecdote : 2 M a reçu le projet d’une émission en berbère, son comité de lecture n’y a rien compris, alors la chaîne a invité l’auteur du projet à bien vouloir le traduire en arabe ou en français avant de la lui (re)soumettre. Vous trouvez cela normal ?
On peut considérer l’anecdote sous un angle officiel et palabrer jusqu’au nouvel an berbère sur l’amazighité, le linguisme, les quotas, etc. Bien à vous ! Pour aller plus vite, on se contentera de jongler avec la chose en nous mettant à la place de tout le monde. Oui, tout le monde. Les journalistes et techniciens berbérophones de la chaîne sont moitié amusés moitié choqués, dans tous les cas incapables d’être du moindre secours à l’auteur. A la direction, on est fier d’avoir à monter un projet en berbère et embarrassés de n’avoir aucun berbérophone pour décider de son intérêt. Au comité de lecture, on se tourne les pouces en attendant la version arabe, ou française, du projet. La suite n’en sera que plus dure : que faire de ce projet, une fois traduit ? L’accepter les yeux fermés parce qu’il est berbérophone, et que l’état encourage la "bérbèrophonie" ? Ou le refuser parce qu’il est berbérophone, et que le comité de lecture est incapable d’évaluer un projet dont il ne comprend pas la langue ?
Le projet, dans tout cela, aura emprunté des cheminements incroyables avant d’atteindre sa destination finale : la télévision ou la poubelle. S’il se concrétise, c’est qu’il aura été traduit du berbère à l’arabe ou au français, avant d’être retraduit en berbère pour être tourné. C’est très compliqué. Pour la chaîne, pour l’auteur, pour le public qui aura à consommer le produit final. Mais c’est à l’image, humble et anecdotique, des difficultés de ce pays face à des questions trop longtemps ignorées… Bon courage à tout le monde.