Kabylie : Le complexe régionaliste
Le cas Matoub : était-il régionaliste ?
dimanche 30 juillet 2006
Un jour de 1998, disparaîssait celui que l’on peut considérer sans flagornerie, ni hypocrisie posthume, comme le chantre de la chanson kabyle : Lounès Matoub. Défendant son identité berbère et sa kabylie natale, il semblait indifférent aux accusations de régionalisme ou même "d’anti-arabisme". L’idée d’autonomie n’était à l’époque pas d’actualité mais une question se pose aujourd’hui : Lounès était-il partisan d’un statut spécifique pour la Kabylie ?
En 1998, disparaîssait le symbole de la turbulente Kabylie : Lounès Matoub, laissant la région orpheline de sa sentinelle la plus déterminée et la plus courageuse. Une région qui ne cesse de pleurer cet artiste hors normes qui, mieux que quiconque, a su défendre avec abnégation sa région et son identité berbère, survolté par l’adversité et indifférent à une accusation qui est aujourd’hui la hantise des artistes ou responsables politiques originaires de la Kabylie : le régionalisme.
Qu’est-ce que le régionalisme ? Sans consulter le Larousse, on peut définir cela comme un attachement charnel à sa région, à fortiori lorsque celle-ci se trouve privée de ses droits les plus élémentaires. Mais aujourd’hui, l’heure est à "l’unité nationale", concept omniprésent sur la scène politique algérienne. Il ne saurait être question de placer son appartenance identitaire ou régionale avant la sacro-sainte nation algérienne, produit de plus d’un siècle de colonialisme français. Celle pour qui mourir est le plus beau des sacrifices.
Cette idée est tellement ancrée dans les mentalités algériennes qu’être qualifié de "régionaliste" est devenu la pire des insultes et peut vous valoir une mise en quarantaine médiatique certaine. Pourtant, ce mot est séduisant. Et l’idée qu’il contient également. Mais pour le citoyen algérien, matraqué par la propagande conservatrice, toute idée novatrice est dangereuse et il n’est pas difficile, pour les spécialistes de la désinformation, d’y déceler de "l’anti-patriotisme" ou de "l’atteinte à l’unité de la nation".
Malgré cet édifiant constat, des gens, purs produits de la pensée libre et critique, telle que la défendait le chanteur défunt, sont passés outre les mentalités rétrogrades pour proposer une réforme annonçant une autre Algérie : l’autonomie de la Kabylie, entité inexistante administrativement. Audace ou blasphème ? Courage ou témérité ? En tout état de cause, la tollé prévisible suscité par cette revendication, formulée par Ferhat Mehenni, ex-RCD, au cours d’une conférence de presse à Tizi-Ouzou, n’a eu pour effet que le renforcement de la détermination de ces "Makisards", nom donné aux militants du Mouvement autonomiste kabyle (MAK) en Kabylie. Bien sûr, les critiques les plus virulentes sont venues de... Kabylie !
En effet, les propriétaires auto-proclamés de la région (dont il ne réclame même pas une simple reconnaissance administrative), véritables gouroux de la soumission à l’ordre établit et au... régime ont sentis le vent de la menace souffler trés fort sur leurs privilèges. D’où des réactions anti-autonomistes démesurées que l’on peut attribuer à l’instinct de survie. Fort heureusement, Ferhat Mehenni en a vu d’autres et sa détermination n’a d’égale que son amour de sa région natale. Il n’est pas atteint de "nationalisme" et ne semble pas vouloir s’en excuser. Il aime l’Algérie mais pas celle des arabo-islamistes conservateurs. Et c’est pour cette raison qu’il refuse de se résigner au marasme ambiant.
Au péril de sa vie, c’est cet état d’esprit qui animait notre éternel Lounès. En défendant courageusement, démocratiquement et pacifiquement leurs idées, Ferhat et Lounès sont devenus les symboles de cette région et de son aspiration à la liberté.
En s’appropriant leur pays, ils ont passé un message fort à la population : l’Algérie n’appartient à personne. En appartenant à personne, elle appartient à tout le monde. Chacun est libre de se l’approprier et d’en défendre, toujours démocratiquement et pacifiquement, la conception qu’il en a.
Lounès et Ferhat se sont opposés en leur temps pour des raisons autres qu’idéologiques mais il semble que le message que Lounès souhaitait faire passer était autonomiste, comme l’atteste son dernier album, ou à l’avant-garde, il appelait à "détruire l’Algérie actuelle pour la rebâtir sur des bases fédéralistes". Lounès, reposes en paix, ta pensée est plus vivante que jamais.
Arezki BAKIR
Le cas Matoub : était-il régionaliste ?
dimanche 30 juillet 2006
Un jour de 1998, disparaîssait celui que l’on peut considérer sans flagornerie, ni hypocrisie posthume, comme le chantre de la chanson kabyle : Lounès Matoub. Défendant son identité berbère et sa kabylie natale, il semblait indifférent aux accusations de régionalisme ou même "d’anti-arabisme". L’idée d’autonomie n’était à l’époque pas d’actualité mais une question se pose aujourd’hui : Lounès était-il partisan d’un statut spécifique pour la Kabylie ?
En 1998, disparaîssait le symbole de la turbulente Kabylie : Lounès Matoub, laissant la région orpheline de sa sentinelle la plus déterminée et la plus courageuse. Une région qui ne cesse de pleurer cet artiste hors normes qui, mieux que quiconque, a su défendre avec abnégation sa région et son identité berbère, survolté par l’adversité et indifférent à une accusation qui est aujourd’hui la hantise des artistes ou responsables politiques originaires de la Kabylie : le régionalisme.
Qu’est-ce que le régionalisme ? Sans consulter le Larousse, on peut définir cela comme un attachement charnel à sa région, à fortiori lorsque celle-ci se trouve privée de ses droits les plus élémentaires. Mais aujourd’hui, l’heure est à "l’unité nationale", concept omniprésent sur la scène politique algérienne. Il ne saurait être question de placer son appartenance identitaire ou régionale avant la sacro-sainte nation algérienne, produit de plus d’un siècle de colonialisme français. Celle pour qui mourir est le plus beau des sacrifices.
Cette idée est tellement ancrée dans les mentalités algériennes qu’être qualifié de "régionaliste" est devenu la pire des insultes et peut vous valoir une mise en quarantaine médiatique certaine. Pourtant, ce mot est séduisant. Et l’idée qu’il contient également. Mais pour le citoyen algérien, matraqué par la propagande conservatrice, toute idée novatrice est dangereuse et il n’est pas difficile, pour les spécialistes de la désinformation, d’y déceler de "l’anti-patriotisme" ou de "l’atteinte à l’unité de la nation".
Malgré cet édifiant constat, des gens, purs produits de la pensée libre et critique, telle que la défendait le chanteur défunt, sont passés outre les mentalités rétrogrades pour proposer une réforme annonçant une autre Algérie : l’autonomie de la Kabylie, entité inexistante administrativement. Audace ou blasphème ? Courage ou témérité ? En tout état de cause, la tollé prévisible suscité par cette revendication, formulée par Ferhat Mehenni, ex-RCD, au cours d’une conférence de presse à Tizi-Ouzou, n’a eu pour effet que le renforcement de la détermination de ces "Makisards", nom donné aux militants du Mouvement autonomiste kabyle (MAK) en Kabylie. Bien sûr, les critiques les plus virulentes sont venues de... Kabylie !
En effet, les propriétaires auto-proclamés de la région (dont il ne réclame même pas une simple reconnaissance administrative), véritables gouroux de la soumission à l’ordre établit et au... régime ont sentis le vent de la menace souffler trés fort sur leurs privilèges. D’où des réactions anti-autonomistes démesurées que l’on peut attribuer à l’instinct de survie. Fort heureusement, Ferhat Mehenni en a vu d’autres et sa détermination n’a d’égale que son amour de sa région natale. Il n’est pas atteint de "nationalisme" et ne semble pas vouloir s’en excuser. Il aime l’Algérie mais pas celle des arabo-islamistes conservateurs. Et c’est pour cette raison qu’il refuse de se résigner au marasme ambiant.
Au péril de sa vie, c’est cet état d’esprit qui animait notre éternel Lounès. En défendant courageusement, démocratiquement et pacifiquement leurs idées, Ferhat et Lounès sont devenus les symboles de cette région et de son aspiration à la liberté.
En s’appropriant leur pays, ils ont passé un message fort à la population : l’Algérie n’appartient à personne. En appartenant à personne, elle appartient à tout le monde. Chacun est libre de se l’approprier et d’en défendre, toujours démocratiquement et pacifiquement, la conception qu’il en a.
Lounès et Ferhat se sont opposés en leur temps pour des raisons autres qu’idéologiques mais il semble que le message que Lounès souhaitait faire passer était autonomiste, comme l’atteste son dernier album, ou à l’avant-garde, il appelait à "détruire l’Algérie actuelle pour la rebâtir sur des bases fédéralistes". Lounès, reposes en paix, ta pensée est plus vivante que jamais.
Arezki BAKIR