Les autruches
agoram said:
Svp mettez les querelles de chapelles en congé....ça nous interesse pas ici, chacun son intime conviction du moment....
ou la discution sera fermée
Agoram, ravi de te relire!
Il n' y a pas de querelles de chapelles ni de minarets pour ma part, il n' y a qu'une discution passionée; j'estime beaucoup Yafelman et je n'éprouve aucune animosité à son égard; ses paroles sont mesurées, sa réaction honnête et légitime, quoique j'ai à lui répondre. Contrairement à ce fanatique de Mouslimberbere que je désigne comme un ennemi déclaré.
Ce que je veux dire, en somme, la question de la religiosité est centrale dans notre débat d'idées et on ne peut pas constamment l'éviter, l'ignorer. Personnellement ça m'agace ces menaces de fermer des forums dès que la discussion devient animée; on n'est pas là pour faire de la théologie, ni encore moins du prosélytisme, c'est sûr, mais ce thème s'impose par lui même vu que c'est l'une des problématiques mondiales actuelles, et essentielle dans le débat sur l'amazighité et son devenir, sujet qui est ma principale préoccupation, personnellement.
Assez de ménager les susceptibilités des uns et des autres, de cette timidité craintive, de ces politesses hypocrites habillées du vernis de l'intellectualisme et de la démocratie, de la politesse timorée typiquement amazighe, qui nous empêche d'aller de l'avant. Assez de ces censures systématiques, ces menaces de fermer un forum dès que l'on discute librement, qu'on élève le ton, ce qui est la raison d'être des forums de discussion sur internet.
Nos adversaires abusent de notre courtoisie lâche, de notre discrétion imbécile et ne se gênent nullement de nous traiter de noms d'oiseaux, de moqueries, de montrer toute leur bêtise, agressivité et brutalité pour nous anéantir et on est encore là à leur témoigner respects et égards, faire profil bas et courbettes comme si nous ne ressentions jamais de colère nous aussi, comme si nous étions tétanisés à la moindre perspective d'un scandale!
Et pourtant notre principal scandale est de nous taire toujours, de faire des risettes et des baise mains à ceux là même qui nous étranglent et qui nous piétinent, de donner de la considération à des ignares méchants et cruels. Sommes- nous des lâches? Souvent oui. Et on justifie notre peur de réagir par notre mentalité amazighe qui a horreur des disputes, des cris et de la vulgarité! Notre sacro sainte morale amazighe qui nous a toujours condamné à nous taire, à rougir et à nous cacher, à ne jamais répondre à l'offense et à céder notre place au premier abruti conquérant de passage qui vient piétiner notre jardin en nous poussant sur les marges!
Assez de cette esprit de crainte, assez de ces silences, de ces patiences tues dans l'amertume et le ressentiment, assez de cette lâcheté qui bride nos langues et lie nos poings! Assez de ces complexes et de ces hypocrisies qui nous empêchent de hurler notre douleur et notre refus de ce que nous subissons comme oppressions ignobles et négation de notre existence!
Notre morale et nos politesses hypocrites sont révoltantes, c'est le vrai visage de notre lâcheté face à ce monde impitoyable où nous sommes constamment disloqués, anéantis, méprisés. Nous avons transformé notre belle morale amazighe de discrétion, retenue, pudeur en un baillon, un ridicule torchon qui étouffe nos cris intérieurs, en une belle façade de courtoisie et de sagesse derrière laquelle nous nous cachons comme des poussins effrayés de terreur dès qu'un étranger rentre dans notre village en parlant fort!
Voilà ce que nous sommes devenus, nous les fiers héritiers de la Kahena, de Jurghurten, de Assou Abdeslam, nous les enfants des femmes valeureuses des Aït Atta, les descendants des Aït Baâmran, de Abdelkrim Khatabi: des "poules mouillées", des volailles retranchées dans leur basse cour de paille et de terre, tremblantes à la moindre menace et suant de peurs et de hontes imaginaires! Comme nous l'avons enseigné à nos femmes nous rabattons rapidement un pan de notre tamlehaft sur nos visages effrayés, nous cachons notre regard et nous rasons les murs, marchant vite dans l'ombre pour nous dissimuler: c'est cela la condition des Imazighens dans ce monde qui les dépasse. Se faire petit, tout petit...
La honte de se faire remarquer est plus grande que la douleur de se faire écraser...
Et nous confions notre parole, nos désirs de liberté, d'honneur et de dignité, notre volonté d'amancipation et de progrès à ceux d'entre nous qui se montrent les plus calmes, les plus mesurés et les plus modérés, ceux qui ont l'art de dissimuler par des paroles courtoises et des attitudes posées notre effoyable destin de soumis. Patience! nous dit-on; diplomatie! montrons- nous plus polis et plus sages, nous Imazighens nous avons nos traditions et notre savoir vivre! Montrons- nous plus intelligents! Ne parlez pas fort! Evitez les sujets qui fâchent sinon vous serez bannis! Allez, cachons- nous encore sous terre, comme des autruches et ne prêtons pas attention à ces cris et à ces disputes qui ne nous concernent pas!
Souvent j'ai honte d'être un Amazigh, vraiment... Que Yakkuc te bénisse Mohamed Khayreddine, toi qui savais appeler un chat un chat, même dans ta langue magique et ténébreuse incomprise et méprisée des tiens!
Allez, Fadma, prépare- nous du thé et ramène - nous les assiettes d'amandes et de noix, amlouet zit argan, nous avons des invités! Et retirez- vous, les femmes et les enfants dans le fin- fond de la maison et qu'on n'entende pas la moindre de vos paroles! Laissez- nous discuter entre hommes.