Arganier : Histoire d’une destruction
L’arganier est un arbre qui n’existe nulle part ailleurs qu’au Maroc et un peu au Mexique. Il a pour domaine privilégié le sud du Maroc dans les provinces d’Essaouira, Chtouka Ait Baha, Tiznit, Taroudant et Agadir soit quelques 820 milles hectares. D’autres estimations parlent 830 milles et 21 millions d’arbres. Mais il n’y a pas de statistiques fiables. Aucune étude statistique n’existe à ce jour.
Peu d’études de terrain sérieuses sur cet arbre dont certains disent qu’il vit deux cent ans et d’autres beaucoup plus. Il pousse dans des régions arides et semi-arides et résiste à la sécheresse grâce à ses racines qui en font un lutteur exceptionnel contre l’avancée du désert. Un ami exceptionnel de l’homme.
Au cours des siècles la forêt de l’arganier n’a cessé de reculer. Au cours du 20ème siècle elle fait l’objet de destructions massives qui constituent une dégradation très grave de l’environnement. Au début du 20ème la forêt comptait d’un million d’hectares.
Selon une étude de Noureddine Othmani président de G.E.R.P.E. publié en 1995 lors de la rencontre sur l’arganier à Essaouira, la destruction de l’arganier date déjà du début du siècle passé. En effet le crime commis par le Protectorat français contre l’arganier a pris de l’ampleur entre 1918 et 1924, juste après la première guerre mondiale, puisque la production du charbon de bois à partir de la forêt d’arganier a atteint 100.000 quintaux, dont 25.000 quintaux étaient destinés à l’exportation en particulier vers l’Espagne et le Portugal. Le reste servait pour approvisionner les villes de Casablanca, Marrakech et Safi. Le rythme de destruction avait ainsi atteint, à cette période, en moyenne 2000 hectares / an.
Entre 1925 et 1931, les chiffre près de 160.000 quintaux de production de charbon de bois.
Avec la seconde guerre mondiale (1939-1945), le processus de production-destruction s’est accentué. Cette fois-ci la destruction était particulière, en plus des autochtones, les colonisateurs l’exploitaient pour répondre aux besoins de la guerre, en bois et en charbon de bois. La production a atteint au cours de cette période 243.000 stères de bois et 1.672.000 quintaux de charbon de bois. La superficie exploitée était de l’ordre de 400.000 hectares.
A titre d’exemple la forêt d’Admim a été rasée. La densité du bois d’arganier en fait un combustible très apprécié pour sa forte teneur énergétique et parce qu’il ne se consume pas rapidement. Et puis au cours du dernier quart du 20ème siècle la forêt d’arganier n’a cessé de reculer au même titre sinon plus que les autres forêts au Maroc. Selon des estimations, difficiles à vérifier d’ailleurs, des milliers d’hectares disparaissent chaque année.
L’arganeraie marocaine régresse en termes de superficies et surtout de densité. En moins d’un demi siècle, la densité moyenne de l’arganeraie nationale est passée de 100 arbres / Ha à 30 arbres / Ha, tandis que les superficies couvertes régressaient en moyenne de 600 Ha par an.
L’aire de l’Arganier se dégrade d’année en année sous l’effet conjugué de l’accroissement de la population et du cheptel, de l’apparition des cultures intensives (notamment le maraîchage sous serres), avec comme corollaires le déboisement, les surpâturages, une désertification accrue, un exode accentué des populations rurales vers les villes de la région.
D’autres causes du massacre scandaleux de la forêt d’arganier sont diverses. D’abord les troupeaux de chèvres et de dromadaires qui s’en prennent à cet arbre à la suite de la sécheresse. On parle de milliers de dromadaires qui viennent du sud à cause de la sécheresse et s’en prennent aux frondaisons des arganiers. Cela s’ajoute aux dégâts provoqués par les hordes de caprins. La conséquence c’est qu’on ne récolte que 30% du fruit disent certaines estimations.
La problématique sociale joue un rôle nocif. Comment priver les éleveurs de cette destruction alors qu’ils n’ont d’autres ressources que l’élevage. Il faudrait chercher d’autres alternatives. Il faudrait faire en sorte que l’arbre soit aidé pour régénérer.
Ensuite il y a les coupes inadmissibles des collectivités locales. Sous couvert "d’augmenter les recettes de la commune rurale" on se permet des coupes qui aggravent la déforestation et détruisent la forêt d’arganier. A l’heure actuelle, et depuis l’entrée en vigueur de la charte communale de 1976, la forêt d’Arganiers assure à certaines collectivités locales, parfois, jusqu’à 80 % de leurs ressources financières, participant ainsi au financement du développement communal.
D’un autre côté l’urbanisation d’Agadir et de sa région se fait au détriment de l’arganier. De grands lotissements, des zones industrielles s’installent en lieu et place de l’arganier. D’après des sources proches des Eaux et Forêts de la province d’Agadir si des surfaces de forêts disparaissent complètement ce n’est pas dû à des coupes ou à la sécheresse mais à l’urbanisation. Le Grand Agadir se construit en pleine forêt d’arganier. Ainsi d’après les mêmes sources la station d’épuration d’Agadir doit prendre 37 hectares, le complexe sportif d’Agadir comptant pour les préparatifs de la coupe du monde doit emporter 60 hectares, le projet de décharge publique doit emporter de 30 à 40 hectares de forêts d’arganiers, trois zones industrielles Ait Melloul, Oulad Tayma et Agadir vont prendre quelques 494 hectares, cent hectares pour l’aéroport Agadir-Massira, mille hectares ont été cédés par les Eaux et Forêts à l’ERAC, la SNEC et l’ANHI pour la construction de logements économiques etc. A la disparition totale des surfaces il faut ajouter la grave dédensification continue. En moins d’un demi siècle la densité moyenne de l’arganeraie nationale est passée de plus de 100 arganiers par hectare à 30 arganiers par ha selon certaines estimations. Selon les Eaux et Forêts qui semblent relativement plus optimistes il y aurait en moyenne 60 arganiers par ha. Tous les chiffres restent à vérifier car dans certaines régions la densité est à peine une dizaine d’arbres par ha. Catastrophique.
Mais comment faire face à cette situation sans replantation ? D’après des sources proches des Eaux et Forêts pour replanter, il faut des fonds que les pouvoir publics n’auraient pas. Quelques 200 à 300 ha seraient plantés par an. Mais la question sociale reste posée à cause des animaux qui viennent brouter les plants. Les terrains plantés doivent être clôturés pour empêcher les troupeaux d’y accéder et dans ce cas la question sociale restera posée au même titre que le manque de fonds. Tant que cette dernière ne sera pas résolue, il y aura toujours des problèmes. L’arganier s’étendait autrefois jusqu’au nord de Safi. Cette région était autrefois bien boisée. Au Sud, les limites naturelles de cet arbre s’étendaient jusqu’au Drâa et parfois au-delà. On en trouvait jusque dans les falaises de la région de Tindouf, et l’un des oueds de Seguiet El Hamra porte encore le nom de Oued Argane. A l’Est, les limites naturelles de l’arganier s’étendent jusqu’à 70 Km à l’Est d’Essaouira, soit un rayon s’étendant à Chichaoua, Chemaïa et Amizmiz. L’océan Atlantique le bordant à l’Ouest.