
Tanmirt Dda Adrar! Bien sûr transposer les métaphores du darija en langue de Molière relève de la caricature absolue; le but n'est pas de ridiculiser le marocain en soulignant l'absurdité de son expression mais de relever les mécanismes de son acte de communication. Chaque peuple possède son propre imaginaire où il puise l'habillage de son langage. Comme les costumes humains sont différents et originaux les uns par rapport aux autres, ainsi en est - il de l'acte de communication...
Notre langage met il en valeur notre esprit? Je pense que la darija l'abatardit.
Si le langage est une faculté humaine universel et le recours aux tropes ( figures de style) un acte de langage universel inné, les mentalités qui sous tendent ces tentatives de communication et leurs réalisations sont encore plus complexes, très diverses et peuvent constituer des barrières à la communication. Elles sont aussi à la base des civilisations, des mentalités humaines...
je suis sûr que tu y trouveras de la matière à reflexion, comme tu aimes bien aller à la genèse de l'acte de communication, ses fondements linguistiques, culturels,ethno-psychologiques... car je crois que ces " expressions idiomatiques " sont à la base de la mentalité des gens qui partagent une même dimension linguistique et infra - linguistique. Je ne saispas si elles marquent un degré d'évolution d'un peuple par rapport à un autre; en tout cas elles représentent " un mur" de non communicabilité des émotions, des ressentis, de la vision du monde entre les peuples.
Elles sont à la base de l'âme marocaine, nord africaine, issues d'un socle amazighe, un terroir amazigh, une expérience du monde millénaire amazighe, une âme amazighe, sur lesquels se sont greffés d'autres ingrédients sporadiques et divers: punique, latin, arabe, juif, méditerranéen, africain... C'est une perception du monde composite, éclatée, un "coktail " qui s'est formée à partir de " matériaux " très disparates. la langueparlée,le vocabulaire n'enest que le vernis; les expressions imagées en sont le mécanisme.
Perception du monde intuitive et rustique, expression imagée, basée sur l'oralité et non sur l'écrit, sur l'expérience immédiate, dynamique et non sur l'acquis scolaire, universitaire, scipturaire et statique.
La mentalité nord africaine est " illetrée ", fruste, mais douée d'une grande adaptabilité au monde, astucieuse, directe et opportuniste. Elle exprime un fort décallage entre le peuple, masse rurale à la base, écarté du savoir, de l'aire citadine et de sa civilisation raffinée, son élite cultivée, savante: il y a très peu d'interférences, d'influences entre ces deux dimensions.
Ce décallage linguistique et "infra linguistique" est renforcé par deux facteurs de pression, le pouvoir politique et l'ordre religieux qui servent de digues contre l'âme amazighe, de camisoles, plutôt quede tuteurs ou de canalisations.
Il y a un hiatus énorme entre le peuple et ses élites, entre les classes sociales elles mêmes, chacune possédant ses propres références culturelles et langagières, autant de barrières hermétiques entre les Hommes qui sont à la base du malaise langagier nord africain.
Pardonne- moi Adrar si tout ceci est malexprimé, mais je crois que tu en saisis l'idée de base: le langage exprime t-il l'état d'évolution d'un peuple? Sujet hasardeux mais qui peut ouvrir sur des champs de réflexion féconds...