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Enseignement
Généralisation poussive de la langue amazighe
Publié le : 26.09.2007 | 13h37




Les responsables du MEN satisfaits, ceux de l'IRCAM crient au scandale




Quatre années après le démarrage, au début de l'année scolaire 2003-2004, de l'enseignement de la langue amazighe dans nos écoles, le bilan reste très mitigé.

Satisfaits, les responsables du ministère de l'Education nationale (MEN) étalent les statistiques relatives à cette opération et aux avancées réalisées en matière de généralisation de son enseignement.
En revanche, ceux de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), l'autre composante majeure de ce chantier, ont un autre son de cloche. Pour eux, le bilan est loin d'être satisfaisant. Pire, les résultats sont «plutôt alarmants».

Chiffre à l'appui, Bouazza Madouch, responsable au MEN de la gestion de l'insertion de la langue amazighe dans le cursus scolaire, affirme que la généralisation de l'enseignement de la langue amazighe ne cesse d'augmenter. Selon lui, tout le territoire national est couvert. Dans chaque délégation, deux à sept écoles ont introduit l'enseignement de l'amazighe dans leur cursus scolaire. «Bien sûr, en ce début de l'opération l'accent est mis sur les régions amazighophones qui sont privilégiées par rapport au reste du Royaume», explique Madouch. Le nombre des élèves actuels s'élève à 440.000, soit 12% du nombre total des élèves au Maroc pour cette année scolaire et 7,5% par rapport à la rentrée précédente.

Le nombre des écoles a également réalisé, toujours selon le responsable du MEN, une hausse exponentielle. Il est passé de seulement 344 en 2003 à 6.900 cette rentrée. Idem pour le nombre des enseignants et des inspecteurs qui ne cesse de s'accroître année après année. Pour les responsables du MEN, l'enseignement de cette langue ancestrale est un vrai défi. «Nous restons très optimistes quant à son avenir», souligne El Youssfi Abdellatif, délégué provincial du MEN à Aïn Sebaâ Casablanca.

Aujourd'hui, près de 50% des écoles que compte sa délégation ont introduit l'enseignement de l'amazighe dans leur cursus scolaire, soit 22 écoles sur 50. Selon lui, ce projet avance bien et connaîtra un grand développement dans les années à venir. Toutefois, des difficultés existent. Selon Bouazza Madouch, il s'agit, entre autres, d'un manque des enseignants spécialisés, d'une certaine carence de manuels scolaires, sans oublier les périodes relativement courtes réservées à la formation (moins de vingt jours au meilleur des cas).


Des préoccupations qu'on trouve également chez El Youssfi Abdellatif qui ajoute également les difficultés rencontrées dans des écoles en cas de mutation de l'un des enseignants de la langue amazighe. «Les élèves peuvent se trouver sans enseignant et peuvent passer au niveau supérieur sans avoir rien appris», explique El Youssfi.
«Mais, ce sont des cas isolés», tempère-t-il.

Mais, ce que les responsables du MEN présentent comme des cas isolés, ceux de l'Institut Royal prennent pour une
règle générale. En effet, selon Meryam Demnati, chercheuse à l'IRCAM et membre de la commission mixte (IRCAM-MEN) chargée du suivi du dossier, les résultats sont plutôt alarmants. La généralisation qui devait se faire progressivement pour toucher toutes les écoles marocaines, non seulement a pris beaucoup de retard, mais a reculé ou a été même arrêtée dans certaines régions, affirme Demnati, qui assure parler en connaissance de cause puisque, de par sa tâche, elle est en contact permanent avec les enseignants dans les différentes régions du Maroc.

«Depuis le début de ce chantier, aucun suivi sérieux ne s'est fait pour accompagner l'intégration de l'amazighe dans le système éducatif», ajoute-t-elle.

Côté formation des enseignants, là où le bât blesse selon la majorité des témoignages relevés, la chercheuse est on ne peut plus claire.
«La pagaille, le désordre total, l'illégalité au grand jour. C'est une véritable anarchie, jusqu'au chaos total dans certaines régions», s'indigne-t-elle. Et de poursuivre : des directeurs d'académie ignorent délibérément les directives ministérielles et ne consacrent aucun budget à ce dossier, des délégués décident de leur propre chef d'annuler toute formation, d'autres bloquent toute intégration de l'amazighe dans leur secteur.

Pis encore, ajoute Demnati, des directeurs d'école se contentent d'intégrer la langue amazighe dans une ou deux classes de première année.

D'autres refusent carrément de l'inclure dans leurs tableaux de service ou d'envoyer leurs enseignants en formation. Des inspecteurs ordonnent à leurs enseignants de réduire les horaires de cette matière sous prétexte que cela est superflu.
Toujours en ce qui concerne la formation, un enseignant de la délégation de Nador, relevant de l'académie de l'Oriental, témoigne que «la formation des enseignants est tout simplement une aberration». Et d'ajouter : toute hausse dans les chiffres est un «gonflage» dénué de toute logique.

Autre aberration pour ce témoin, les enseignants qui ne parlent pas l'amazighe et, après seulement quinze jours de formation, doivent l'enseigner aux élèves.

«Exactement», confirment deux autres enseignants, relevant des délégations d'Anfa et de Ben M'sik à Casablanca et qui préfèrent, au même titre que celui de Nador, garder l'anonymat de peur de répercussions. Pour eux, ces cas existent bel et bien. Comment et pourquoi ? L'explication est tout aussi simple que choquante de par son degré de légèreté vis-à-vis des élèves et d'une matière obligatoire.


Quand un enseignant est obligé de changer son établissement dans le cadre d'un redéploiement, il choisit d'enseigner l'amazighe, dont il ne connaît strictement rien, plutôt que de changer de lieu de travail. «La faute incombe au ministère qui accepte des solutions faciles», souligne l'enseignant.

En un mot, résume-t-il, la formation n'existe pratiquement pas. «Plusieurs de mes collègues n'ont suivi aucune
formation», reconnaît l'enseignant d'Anfa.
Les manuels scolaires sont également parmi les difficultés rencontrées pour l'enseignement de la langue amazighe dans nos écoles.

«Si ces manuels existent sur le marché dans les grandes villes comme Casablanca, ils restent introuvables dans les régions éloignées», assure Demnati. Autre souci, indique un enseignant, le contenu est très compliqué, surtout pour les élèves qui ne sont pas amazighophones, et il serait très bénéfique pour ces élèves que ces manuels soient simplifiés.

Pour cet inspecteur de Casablanca, la culture amazighe n'est pas très présente dans ces manuels qui mettent l'accent uniquement sur l'apprentissage de la langue.
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Leçon de traduction
La séance d'enseignement de la langue amazighe de ce matin du mercredi 19 septembre à l'école primaire Idriss Premier à Casablanca ressemble plus à une leçon de traduction qu'à celle d'apprentissage d'une langue étrangère.

Pour communiquer avec ses élèves de la deuxième année du primaire, l'enseignant leur parle en arabe et ensuite traduit ses propos en amazighe. Une fâcheuse habitude bannit pour un bon apprentissage de n'importe quelle nouvelle langue. En effet, tous les Marocains se rappellent bien comment les enseignants de la langue française, puis anglaise leur interdisaient catégoriquement de prononcer ne fusse qu'un seul mot d'une langue autre que celle du cours.
Même quand les élèves ont du mal à comprendre un mot ou une phrase, l'enseignant s'efforce de trouver des méthodes pour arriver à ses objectifs sans jamais avoir recours à la traduction. Par ailleurs, la quasi-totalité des élèves appartenant à cette classe étaient dans l'incapacité de formuler une phrase correcte. Visiblement, leur niveau est très bas.


Mohamed AKISRA | LE MATIN
 
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