Amassin
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Editorial
Sacralité et gabegie
Le caractère sacré de la monarchie va-t-il de pair avec la prédation de ses courtisans ? L’idée n’est pas saugrenue. La semaine dernière, des syndicalistes chauffés à blanc ont scandé des slogans jugés intentatoires à la personne du roi. Ils ont illico presto été envoyés au trou. La sacralité du monarque, depuis sa définition contemporaine (c’est-à-dire en fait depuis les premiers moments de l’Indépendance) est censée prémunir une institution en lévitation par rapport au droit de toute critique. Elle sert d’arme de répression contre toute forme de critique. Les politiques, la presse, et toutes les agoras d’expression publique ont eu à s’y frotter. La monarchie de caractère divin se veut aussi une monarchie exécutive. En clair, ses décisions, quelles qu’elles soient, ne pourraient souffrir d’avis contradictoires. Résultat, son mode de gouvernance fonctionne en roue libre, sans filet dans la société. Alors que les syndicalistes du 1er mai étaient jetés en prison pour des écarts de langage, le premier cercle du roi était chahuté par des scandales révélés par les médias. Sans qu’aucune disposition ne soit prise pour faire toute la lumière sur ces affaires. Le directeur du secrétariat particulier du roi est reconnu pour avoir profité des largesses de l’Etat dans une opération foncière à la lisière de la légalité, le président de la plus grande banque privée ( cotée en Bourse et contrôlée, faut-il le rappeler, par une holding royale) est débarqué sans que personne n’en sache les raisons précises, des proches du sérail sont fortement soupçonnés d’avoir fait leur beurre dans des spéculations boursières et la liste n’est pas exhaustive. Le caractère sacré de la monarchie sert dans ces cas-là de parapluie et de blanc-seing pour la gabegie et le culte du secret. Au nom de la sacralité, dont le caractère liberticide est aggravé par l’absolutisme, le Maroc est ainsi condamné à vivre dans une féodalité dissimulée derrière un vernis de modernité. Ainsi, l’offense faite au roi peut valoir à son auteur des années de prison, alors même qu’aucune définition juridique claire n’y est donnée, contrairement aux normes régissant la diffamation ou l’insulte dans un véritable Etat de droit. L’impunité, en revanche, de ceux qui se réclament de la proximité de la Couronne est garantie, tant les institutions de contre-pouvoir sont inopérantes. Si le respect à la personne du monarque pour le symbole qu’il représente et pour son statut de chef d’Etat est de mise, le fait du Prince dont les courtisans se prévalent pour s’enrichir indûment mine davantage l’aura qu’il veut donner à son trône. Il ne faut donc plus s’étonner de voir fleurir sur les nouveaux espaces d’expression anonymes et souvent sauvages comme Internet des prises à parties contre les symboles de l’Etat et en premier chef, la personne du roi elle-même.
Par Ali Amar
Sacralité et gabegie
Le caractère sacré de la monarchie va-t-il de pair avec la prédation de ses courtisans ? L’idée n’est pas saugrenue. La semaine dernière, des syndicalistes chauffés à blanc ont scandé des slogans jugés intentatoires à la personne du roi. Ils ont illico presto été envoyés au trou. La sacralité du monarque, depuis sa définition contemporaine (c’est-à-dire en fait depuis les premiers moments de l’Indépendance) est censée prémunir une institution en lévitation par rapport au droit de toute critique. Elle sert d’arme de répression contre toute forme de critique. Les politiques, la presse, et toutes les agoras d’expression publique ont eu à s’y frotter. La monarchie de caractère divin se veut aussi une monarchie exécutive. En clair, ses décisions, quelles qu’elles soient, ne pourraient souffrir d’avis contradictoires. Résultat, son mode de gouvernance fonctionne en roue libre, sans filet dans la société. Alors que les syndicalistes du 1er mai étaient jetés en prison pour des écarts de langage, le premier cercle du roi était chahuté par des scandales révélés par les médias. Sans qu’aucune disposition ne soit prise pour faire toute la lumière sur ces affaires. Le directeur du secrétariat particulier du roi est reconnu pour avoir profité des largesses de l’Etat dans une opération foncière à la lisière de la légalité, le président de la plus grande banque privée ( cotée en Bourse et contrôlée, faut-il le rappeler, par une holding royale) est débarqué sans que personne n’en sache les raisons précises, des proches du sérail sont fortement soupçonnés d’avoir fait leur beurre dans des spéculations boursières et la liste n’est pas exhaustive. Le caractère sacré de la monarchie sert dans ces cas-là de parapluie et de blanc-seing pour la gabegie et le culte du secret. Au nom de la sacralité, dont le caractère liberticide est aggravé par l’absolutisme, le Maroc est ainsi condamné à vivre dans une féodalité dissimulée derrière un vernis de modernité. Ainsi, l’offense faite au roi peut valoir à son auteur des années de prison, alors même qu’aucune définition juridique claire n’y est donnée, contrairement aux normes régissant la diffamation ou l’insulte dans un véritable Etat de droit. L’impunité, en revanche, de ceux qui se réclament de la proximité de la Couronne est garantie, tant les institutions de contre-pouvoir sont inopérantes. Si le respect à la personne du monarque pour le symbole qu’il représente et pour son statut de chef d’Etat est de mise, le fait du Prince dont les courtisans se prévalent pour s’enrichir indûment mine davantage l’aura qu’il veut donner à son trône. Il ne faut donc plus s’étonner de voir fleurir sur les nouveaux espaces d’expression anonymes et souvent sauvages comme Internet des prises à parties contre les symboles de l’Etat et en premier chef, la personne du roi elle-même.
Par Ali Amar