Rencontre des sociétés civiles pour la paix, la justice, les droits, la démocratie en Méditerranée
Rome, 24-26 novembre 2006
Intervention de Belkacem LOUNES, Président du Congrès Mondial Amazigh
session 1 : Qu’est-ce que la Méditerranée ?
Azul fellawent,
Azul fellawen,
Bonjour à toutes et à tous,
Le Congrès Mondial Amazigh est une organisation internationale de lutte pour le droit à l’existence du peuple amazigh (berbère) et pour la reconnaissance de tous ses droits.
Tout d’abord je remercie très sincèrement les initiateurs et organisateurs de cette rencontre de nous avoir invités pour nous associer à la réflexion et à l’action pour la paix, la justice, les droits et la démocratie en Méditerranée. Merci aussi à nos amis italiens d’avoir bien voulu nous inscrire en tant qu’Amazighs et non pas sous les étiquettes Etatiques qui ne nous reconnaissent pas et qui nous occultent. Merci enfin, d’avoir osé poser un sujet aussi sensible qu’ambitieux qui, je le souhaite, fouettera les consciences et donnera naissance à une nouvelle dynamique.
Etre à Rome pour un amazigh ce n’est jamais banal. Rome est une très vieille connaissance pour nous, car les Romains ont séjourné chez nous plus de 7 siècles et ont laissé des traces indélébiles dans notre histoire mais aussi dans nos paysages couverts encore aujourd’hui de leurs vestiges architecturaux, de Leptis Magna en Libye jusqu’à Volubilis au Maroc, en passant par Carthage, en Tunisie, Timgad, Tigzirt, Tipaza… en Algérie et dans bien d’autres territoires nord africains.
Il paraît même que l’appellation " berbères " vient des Romains, débarquant en Afrique du Nord, ils ont traité de " barbarus " (barbares) les populations amazighes autochtones parce qu’elles ne parlaient pas le latin. Curieusement, ce sont les envahisseurs qui traitent les envahis de barbares !
Nul n’a oublié également que le roi amazigh Jugurtha qui combattit les Romains, pour la liberté de Tamazgha, est mort en captivité ici à Rome, en l’an 104 avant JC.
Nous partageons aussi avec Rome, avec l’Italie et avec l’universalité, d’illustres femmes et hommes d’Etat, de Lettres et de l’Eglise, parmi lesquels Septime Sévère, Caracalla, Apulée, Ste-Monique et son fils St-Augustin, Amazighs natifs de l’actuelle Algérie.
Mais si nous sommes là aujourd’hui, c’est plutôt pour parler de présent et d’avenir, même si le passé doit toujours être évoqué pour éclairer notre chemin…
Cette première session porte sur la question " qu’est-ce que la Méditerranée " ?
Tout d’abord devons nous parler de Méditerranée au singulier ou au pluriel ? De celle que nous vivons, j’allais dire, que nous subissons ou celle que nous voulons ?
La Méditerranée d’aujourd’hui est bien sûr diverse dans sa nature : sa topographie, ses peuples, ses langues, ses cultures. Cela, c’est son bon côté, celui qui la rend sympathique, riche et joyeuse.
Mais la Méditerranée d’aujourd’hui est aussi plurielle par d’autres aspects moins gais, qui sont les produits de l’homme et qui sont sources de mésententes et de conflits. Le nord est riche, le sud est pauvre, le nord jouit de la paix et d’une certaine démocratie et au sud le mépris de l’homme et du droit, les conflits et l’insécurité sévissent au quotidien, le nord est considéré comme chrétien et le sud musulman, tendant de plus en plus vers un radicalisme obscurantiste et violent.
Là dessus s’est ajoutée la mondialisation économique, des images et de la propagande, comme pour mieux exacerber les clivages et les tensions. Instrumentalisant les peurs à des fins idéologiques, certains Etats et des organisations extrêmistes ont trouvé intérêt à tenter de bâtir en Méditerranée un mur d’incompréhensions (politique, économique, culturel, religieux), favorisant la création de deux mondes qu’ils veulent antagoniques.
Et pendant ce temps, les Etats de la rive nord frappés de myopie fuient en avant, se contentant de poursuivre l’exploitation néocoloniale des pays du sud tout en érigeant de vains remparts sur leur flanc sud pour empêcher les mouvements migratoires. Mais les murs même montés jusqu’au ciel, les miradors et les puissantes vedettes de la police des frontières ne pourront rien face aux incessants flots de désespérés, postulants au paradis européen.
Et Lampedusa n’est que la partie visible de l’iceberg…
Onze ans déjà d’un soi-disant processus Euro-Med, et rien de tangible à l’horizon.
L’Europe s’élargit au Nord et à l’Est, construisant une civilisation occidentale riche, démocratique et libre et tourne ostensiblement le dos au sud considéré de manière raciste comme inapte à la modernité et au développement, donnant ainsi raison à ceux qui nous menacent de choc des civilisations.
D’une manière générale, cela émeut peu de monde. Les peuples de la rive nord de la Méditerranée ne trouvent pas grand’chose à dire concernant la politique de leurs Etats. La TV leur sert leur ration quotidienne de violences et de guerres plus ou moins lointaines, comme au cinéma, les confortant dans leur béatitude. Et lorsque le calme revient provisoirement sur les fronts, on sent comme un manque qu’il faut combler au plus vite. La paix ce n’est bon ni pour l’audimat, ni pour les chiffres d’affaires des industries et des commerçants de l’armement, ni pour le climat social à l’intérieur des Etats. Alors il faut entretenir les foyers de tension et/ou en créer d’autres mais ailleurs.
(...)
Rome, 24-26 novembre 2006
Intervention de Belkacem LOUNES, Président du Congrès Mondial Amazigh
session 1 : Qu’est-ce que la Méditerranée ?
Azul fellawent,
Azul fellawen,
Bonjour à toutes et à tous,
Le Congrès Mondial Amazigh est une organisation internationale de lutte pour le droit à l’existence du peuple amazigh (berbère) et pour la reconnaissance de tous ses droits.
Tout d’abord je remercie très sincèrement les initiateurs et organisateurs de cette rencontre de nous avoir invités pour nous associer à la réflexion et à l’action pour la paix, la justice, les droits et la démocratie en Méditerranée. Merci aussi à nos amis italiens d’avoir bien voulu nous inscrire en tant qu’Amazighs et non pas sous les étiquettes Etatiques qui ne nous reconnaissent pas et qui nous occultent. Merci enfin, d’avoir osé poser un sujet aussi sensible qu’ambitieux qui, je le souhaite, fouettera les consciences et donnera naissance à une nouvelle dynamique.
Etre à Rome pour un amazigh ce n’est jamais banal. Rome est une très vieille connaissance pour nous, car les Romains ont séjourné chez nous plus de 7 siècles et ont laissé des traces indélébiles dans notre histoire mais aussi dans nos paysages couverts encore aujourd’hui de leurs vestiges architecturaux, de Leptis Magna en Libye jusqu’à Volubilis au Maroc, en passant par Carthage, en Tunisie, Timgad, Tigzirt, Tipaza… en Algérie et dans bien d’autres territoires nord africains.
Il paraît même que l’appellation " berbères " vient des Romains, débarquant en Afrique du Nord, ils ont traité de " barbarus " (barbares) les populations amazighes autochtones parce qu’elles ne parlaient pas le latin. Curieusement, ce sont les envahisseurs qui traitent les envahis de barbares !
Nul n’a oublié également que le roi amazigh Jugurtha qui combattit les Romains, pour la liberté de Tamazgha, est mort en captivité ici à Rome, en l’an 104 avant JC.
Nous partageons aussi avec Rome, avec l’Italie et avec l’universalité, d’illustres femmes et hommes d’Etat, de Lettres et de l’Eglise, parmi lesquels Septime Sévère, Caracalla, Apulée, Ste-Monique et son fils St-Augustin, Amazighs natifs de l’actuelle Algérie.
Mais si nous sommes là aujourd’hui, c’est plutôt pour parler de présent et d’avenir, même si le passé doit toujours être évoqué pour éclairer notre chemin…
Cette première session porte sur la question " qu’est-ce que la Méditerranée " ?
Tout d’abord devons nous parler de Méditerranée au singulier ou au pluriel ? De celle que nous vivons, j’allais dire, que nous subissons ou celle que nous voulons ?
La Méditerranée d’aujourd’hui est bien sûr diverse dans sa nature : sa topographie, ses peuples, ses langues, ses cultures. Cela, c’est son bon côté, celui qui la rend sympathique, riche et joyeuse.
Mais la Méditerranée d’aujourd’hui est aussi plurielle par d’autres aspects moins gais, qui sont les produits de l’homme et qui sont sources de mésententes et de conflits. Le nord est riche, le sud est pauvre, le nord jouit de la paix et d’une certaine démocratie et au sud le mépris de l’homme et du droit, les conflits et l’insécurité sévissent au quotidien, le nord est considéré comme chrétien et le sud musulman, tendant de plus en plus vers un radicalisme obscurantiste et violent.
Là dessus s’est ajoutée la mondialisation économique, des images et de la propagande, comme pour mieux exacerber les clivages et les tensions. Instrumentalisant les peurs à des fins idéologiques, certains Etats et des organisations extrêmistes ont trouvé intérêt à tenter de bâtir en Méditerranée un mur d’incompréhensions (politique, économique, culturel, religieux), favorisant la création de deux mondes qu’ils veulent antagoniques.
Et pendant ce temps, les Etats de la rive nord frappés de myopie fuient en avant, se contentant de poursuivre l’exploitation néocoloniale des pays du sud tout en érigeant de vains remparts sur leur flanc sud pour empêcher les mouvements migratoires. Mais les murs même montés jusqu’au ciel, les miradors et les puissantes vedettes de la police des frontières ne pourront rien face aux incessants flots de désespérés, postulants au paradis européen.
Et Lampedusa n’est que la partie visible de l’iceberg…
Onze ans déjà d’un soi-disant processus Euro-Med, et rien de tangible à l’horizon.
L’Europe s’élargit au Nord et à l’Est, construisant une civilisation occidentale riche, démocratique et libre et tourne ostensiblement le dos au sud considéré de manière raciste comme inapte à la modernité et au développement, donnant ainsi raison à ceux qui nous menacent de choc des civilisations.
D’une manière générale, cela émeut peu de monde. Les peuples de la rive nord de la Méditerranée ne trouvent pas grand’chose à dire concernant la politique de leurs Etats. La TV leur sert leur ration quotidienne de violences et de guerres plus ou moins lointaines, comme au cinéma, les confortant dans leur béatitude. Et lorsque le calme revient provisoirement sur les fronts, on sent comme un manque qu’il faut combler au plus vite. La paix ce n’est bon ni pour l’audimat, ni pour les chiffres d’affaires des industries et des commerçants de l’armement, ni pour le climat social à l’intérieur des Etats. Alors il faut entretenir les foyers de tension et/ou en créer d’autres mais ailleurs.
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