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Traite des blanches ou ruée vers l’or noir ?
Les « sexpatriées » du Golfe …
A Marrakech, Agadir, Casablanca…, les petits « émirs » aimants du Golfe ont toujours été reçus à bras (et jambes, surtout !) ouverts. Hélas, depuis quelque temps, à cause de la conjoncture géopolitique mondiale notamment, nombre de ces détenteurs de pétrodollars en ont soupé, un beau jour, de se déplacer à chaque fois que leur slip le leur ordonnait ; même les jets privés les plus babyloniens finissent par lasser… Alors, parce que les moyens ne manquent pas, ils ont tout bêtement fait rappliquer chez eux les femmes-objet de leur désir. Si tu ne peux pas aller vers la montagne, c’est la montagne qui viendra vers toi, en somme… Ça ressemble un peu à de la traite des blanches, à du crime organisé, mais ce ne sont sûrement pas certaines de nos concupiscentes compatriotes, toutes comblées qu’on les convie à conquérir d’inconnues contrées, qui iraient s’en plaindre ! Enquête un peu crue (mais la vie entière ne l’est-elle pas ?) sur la ruée vers l’or noir, le « sex-drain », en compagnie de gens du milieu.
«La Marocaine, c’est le top ! », me confessait, vendredi dernier vers les trois heures du mat’, juste avant de sombrer dans un profond coma éthylique, un « haouli » (c’est ainsi que les Casaouis d’en bas, c’est-à-dire 90% de la population de la ville, en gros, nomment nos « frères » du Golfe) entouré, dans ce cabaret canaille de la Corniche, d’une demi-douzaine de nos « concitohyènes » fardées à mort et quasiment à poil, qui le sacrifieraient bien, ce « haouli » grassouillet - pour l’égoutter de tout son pétrole -, fut-ce un mois avant l’Aïd du mouton !
Dans ce cabaret fameux et fumeux de la nuit casablancaise, bourré de gars bourrés, de travailleurs et travailleuses hétéro et homo, nubiles et vieillots, les nantis de la Péninsule arabique ont fait parler la poudre des décennies durant, fêtant Bacchus et Aphrodite à coups de pognon, en bons « waha-bites » qu’ils sont !
Aujourd’hui toutefois, les frasques marocaines de nos hôtes du Moyen-Orient ne sont plus ce qu’elles étaient. Exception faite du Saoudien qui baignait, ce vendredi-là, bouche béante et yeux révulsés, dans sa gerbe, pas un « haouli » n’est venu faire la fête et son shopping « sexe » dans ce tripot interlope depuis près de deux mois, à en croire le barman en chef de l’endroit, un pote de longue date, un « ouled derb » qui fait ce qu’il peut pour bouffer à sa faim. « Et encore, explique le soldat de la nuit, ce Saoudien qui gît ici vit au Maroc depuis belle lurette. C’est pas un touriste.
D’ailleurs, t’as bien vu, il parle couramment notre dialecte. Je crois même que sa mère est marocaine. C’est ce que m’a dit un de ses camarades d’orgies. L’intéressé, pour sa part, dit juste, d’un air quasiment désolé, qu’elle est pas Saoudienne, comme s’il avait honte d’être de père saoudien et de mère marocaine. Mi-Marocain ou pas, ce gars-là a un compte en banque de proprio potentiel de puits de pétrole ; il vient, plusieurs fois par semaine parfois, claquer une fortune et ramasser une ou deux gamines. Il est connu un peu partout dans Casa».
C’est grâce à ce barman qui ne me refuse rien (je l’ai maté, pour toujours, aux billes et au foot, lorsque nous étions hauts comme trois-pommes) qu’il m’a été possible de faire la rencontre d’une poignée d’opérateurs(trices) du secteur le plus vieux du monde. A l’unisson, tous reconnaissent sans peine que cela fait des lustres que les «beurs» et l’argent des «beurs» du Golfe boudent plus ou moins notre bled. « La crise a démarré à l’époque de la première guerre du Golfe, mais c’est à partir du 11 septembre, surtout, et, plus ostensiblement, depuis le 16 mai dernier, que nos riches cousins ont déserté les boîtes de nuit, les cabarets et les hôtels de Casablanca. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ont fait abstraction des Marocaines. Ils en raffolent toujours autant, et je connais une multitude de filles qui, comme moi, ont déjà effectué un séjour aux pays des pétrodollars », indique Samira, une petite vieille de 35/36 ans (c’est qu’on dépérit vite, dans la profession) qui, toutefois, plaît encore à bien des clients (« gérontophiles »). Samira est une grande amie de mon ami barman ; cela fait des années qu’ils travaillent, presque tous les jours, au même endroit ; elle fait partie des meubles dans le cabaret dans lequel il s’escrime à griser le peuple. C’est lui qui m’a fixé rendez-vous avec elle, lundi 5 janvier entre midi et deux, dans un petit resto, qui veut se donner l’air, au niveau de l’addition, surtout, mais qui n’a pas l’air du tout, du centre ville.
Samira est accompagnée de Zakia, une mineure mignonne dont le récit du court itinéraire dans cette foutue existence ferait passer pour un conte de fées de base le pourtant grandiose « Germinal » de Zola. Je vous passe les paragraphes entiers à la sauce naturiste mélo ! Sachez cependant que Zakia, 16 balais à tout casser, dit prendre « mèl » (mille) dirhams la partie de jambes en l’air. Cela fait près d’un an que travaille cette fille de l’ancienne médina de Casa. Mais, elle n’a pas toujours fait chèrement payer ses prestations. Il n’y a pas même trois mois, elle prenait encore 50 ou 100 DH la passe et tapinait la journée dans une salle de billard pour ados, et le soir dans des bars pour « pédos » du centre ville.
Pétrole contre nourriture charnelle
En bref, au jour d’aujourd’hui, après bien des galères, sa carrière est en passe de prendre un sérieux envol : la gamine est en pourparlers avec un entremetteur, l’ex-mac / petit ami du moment de Samira, qui promet à la petite de l’envoyer à Dubaï s’en mettre plein les fouilles à l’occasion de la « fête du shopping » qui doit y avoir lieu dans les jours qui viennent - comme chaque année à cette période. C’est le point d’orgue, le zénith dont doit rêver toute prostituée carriériste. De l’argent à ramasser sans se baisser (mais non sans s’abaisser), dans les palais et palaces des Emirats, de Qatar, du Sultanat d’Oman…
« Toutes les filles que je connais, qui sont parties tenter leur chance dans les pays du Golfe, et qui sont revenues depuis, roulent sur l’or. Il suffit de travailler dur pour durer, là-bas. Une copine à moi a été réexpédiée au Maroc au bout de quelques jours de boulot. Elle n’acceptait pas de se plier à certaines exigences (élucubrations lubriques, ndlr) des clients, même moyennant des sommes prodigieuses… Mais, les plus pros et les plus belles des filles, comme la Samira d’il y a dix ans, restent facilement un an ou deux. Certaines ne reviennent même plus, se font entretenir par des milliardaires et coulent des vies de princesses», commente Zakia, un rien tracassée.
Et pour cause, de la paperasserie administrative s’interpose entre elle et le bonheur. Mineure, elle ne peut se rendre à l’étranger sans l’accord de son père. « Il sait pertinemment d’où provient l’argent des cadeaux dont je les couvre, lui, sa femme, ma belle-mère, et les petiots, mes deux sœurs et mon demi-frère. Mais, il est récalcitrant, pour l’instant, à l’idée de me laisser partir à l’aventure, à des milliers de kilomètres de lui. Je suis presque sûre, néanmoins, qu’il finira par accepter, car nous manquons tant d’argent qu’il ne peut se permettre de jouer les pères », estime Zakia.
Au moment où Samira décidait de mettre un terme à notre entrevue, j’ai fait des pieds et des mains pour rencontrer le « sexportateur » qui promet monts et merveilles à Zakia. Samira, sa compagne, m’a ri au nez, puis m’a expliqué que son régulier (parmi tant d’intermittents) ne courrait jamais le risque de pourrir son business en se confiant à un journaliste. Elle m’a toutefois promis de lui refiler mon numéro de portable et de le pousser à me contacter.
H., le Jules de Samira, a fini par m’appeler, lundi 5 janvier, vers 20 heures 30 et des poussières (évidemment, il a pris soin de masquer son numéro de téléphone).
Le bonhomme a un filet de voix très fluet, assez féminin, bidonnant, qui jure terriblement avec la profession qui est sienne. Durant le bref entretien qu’il m’a accordé, il a donné certains détails de son micmac, a expliqué, entre autres, qu’il faisait signer aux filles qu’il envoyait là-bas des contrats bidon de coiffeuses, d’hôtesses d’accueil, de danseuses, etc. H. indique également qu’il paye le plus souvent de sa poche leur billet d’avion aller, et qu’il négocie de solides commissions avec elles, mais aussi avec les patrons des hôtels ou les particuliers du Golfe qui réclament ses filles. « Je n’ai pas inventé la roue. Dans les années 80 déjà, à Casa, Marrakech, mais aussi dans des patelins comme Azrou, par exemple, plusieurs filles ont émigré en Europe ou au Moyen-Orient en signant de faux-contrats de travail pour dégoter des visas d’entrée. Actuellement, une agence de voyages tout ce qu’il y a de plus respectable, en apparence, propose des voyages organisés à des prix défiant toute concurrence, aux Emirats Arabes Unis notamment. Il n’est pas sorcier de débrouiller les visas des pays du Golfe. Il suffit, pour cela, d’avoir le soutien des nababs qui attendent fiévreusement mes filles dans cette région », renseigne-t-il.
MRE un peu spéciales
Ce souteneur n’envoie pas ses filles (comme il dit) à la belle aventure. Ses nouvelles recrues, lorsqu’elles « sexilent » pour faire le plein de pognon, sont reçues, encadrées, et… surveillées par les anciennes, celles qui se font des vieux os dans les « palais clos » du Golfe. « A mes débuts, quelques-unes de celles que j’ai sorties de leur « kariane » et envoyées faire fortune n’ont plus donné signe de vie, après quelques jours passés là-bas, afin de ne pas me filer mon dû. Ces filles n’ont pas intérêt à se montrer à Casa. Je les retrouverais sans peine, ici, et leur ferais passer l’envie de rouler ceux qui leur viennent en aide », rouspète H. qui, avant de raccrocher, me donne le numéro de téléphone de la plus internationale de ses filles (Cf. « Trois Questions »). « Tout le monde se l’arrache, à Casa et dans les trois pays du Golfe dans lesquels elle a besogné à maintes reprises. Personne ne sait autant qu’elle ce qui se trame là-bas », conclut ce professionnel de la traite des blanches et du commerce triangulaire (de retour à Casa, ses filles ramènent avec elles toutes sortes de produits, sapes, parfums, bijoux, téléphones, appareils électroménagers…, qu’elles refourguent à leurs comparses qui n’ont pas la chance d’aller voir du pays).
Comme si le secteur de la prostitution ne générait pas, à Casablanca, assez de richesses, l’écrasante majorité des filles de joie se feraient une joie d’aller tenter leur chance à l’étranger, particulièrement dans les pays du Golfe. A ce jour, H. a envoyé une bonne cinquantaine de filles dans ces pays, et ces MRE un peu spéciales ramènent avec elle, en général, des devises sonnantes et trébuchantes.
Ce négoce transnational très juteux – ne voyez là aucun jeu de mots de mauvais goût – est, à titre d’exemple, moins amoral que l’arnaque de l’ANAPEC / Ennajat Shipping. Certes, les deux affaires sont crapuleuses, grouillent d’employeurs sans scrupules venus du Golfe, d’intermédiaires marocains mafieux, et de travailleurs de l’ombre « baisés » jusqu’à la moelle (passez-moi l’expression, mais je n’en ai trouvé aucune de plus opportune, et la métaphore la plus explicite édulcorerait trop mon propos). Mais, là, au moins, pour ce qui concerne la traite des blanches, les âmes appâtées par les opportunités d’affaires ne passent à la casserole qu’au sens littéral du terme, et sont grassement rémunérées en contrepartie.
Les Marocaines du Golfe ne sont pas flouées. Les aspirants marins marocains ne peuvent pas en dire autant. Et dire que H., qui est un bon élève, un pourvoyeur en devises de premier ordre selon les critères d’évaluation du ministère de M. Oualalou, et le pire des cancres selon ceux de la brigade des mœurs, moisirait probablement le gros de ce qu’il lui reste à vivre à l’ombre s’il se faisait coffrer, alors que les responsables de l’invraisemblable imbroglio de l’ANAPEC, qui ont tout de même escroqué des dizaines de milliers de concitoyens, ne se lassent pas de faire les fiers, à portée de… menottes !
Trois questions à une fille qui fait le « yo-yo » entre Casa et les pays du Golfe Les mâles aussi se font la malle
La Nouvelle Tribune : tu as vingt-deux ans, et tu dis avoir démarré précocement, à l’âge de 16 ans, dans la vie active. Tu dis, par ailleurs, débarquer tout juste d’un long séjour, très fructueux, à Dubaï. Que manigançais-tu là-bas ? Raconte-nous tout !
Je crois que H. a dû te parler de tout ça. J’essayais de gagner ma vie, tout simplement, avec les atouts qui sont les miens. Et je ne suis pas la seule Marocaine à faire ça. Dans des hôtels de luxe de Dubaï, le coin que je connais le mieux dans le Golfe, il y a des salons VIP où les femmes ne parlent exclusivement qu’en « darija ». Même chose au niveau de certains bains maures. Bien sûr, il y a aussi les étrangères, les Libanaises, les Thaïlandaises, les Hongroises, les Tchèques, les Danoises… Malgré toute cette compétition, je crois que les Marocaines ont un petit quelque chose de plus. Elles savent s’y prendre pour ensorceler leurs clients. Moi, j’en suis à mon énième voyage dans la région. C’est que je suis devenue la favorite d’un gros poisson de la péninsule dès mes premiers pas « berra » (à l’étranger). Je sens que je n’en ai plus pour longtemps avec lui. Plus il vieillit, plus il les aime petites, le bougre. Mais c’est un grand seigneur, et après tout ce qu’il a fait pour moi, il m’a promis d’assurer ma retraite pour la vie. Pour résumer, c’est l’argent qui motive mes déplacements dans le Golfe. Et, tant que mon chéri voudra de moi, et qu’il renouvellera mon visa, j’irai chez lui ramasser un peu plus d’argent.
N’y a-t-il donc pas, pour quelqu’un qui vit de ses attraits physiques, assez d’opportunités matérielles à Casablanca, ou ailleurs dans ce pays ?
J’ai commencé à travailler à Casa, et je ne m’en sortais pas trop mal, mais je restais limitée. Tu dépenses tout ce que tu gagnes entre tes clopes, ton logement et tes fringues, sans oublier l’argent que tu donnes aux membres de ta famille. Dans un ou deux ans, quand je prendrai ma retraite et que je m’installerai durablement auprès de mes proches à Casablanca, je pourrai vivre comme une « bent darhoum » (une fille bien comme il faut) de la grande bourgeoisie, si je veux, choisir mon mari parmi les plus beaux partis du pays. L’argent efface tout le passé, et magnifie le présent et l’avenir. Mon amant m’a acheté une superbe Acura (Honda, dans les pays anglo-saxons, ndlr) Legend, et j’ai assez de fric et de bijoux pour acheter le plus bel appartement de la ville. Je ne suis plus la petite « khouinza » (souillon) que me donnaient l’impression d’être certains regards hautains…
Pour répondre à ta question, Casa regorge de clients pour une fille comme moi, encore jeune et pas trop abîmée. Mais, le pouvoir d’achat, ici, est ridicule par rapport à celui qui a cours dans les pays du Golfe. En un soir, je peux me faire l’équivalent de l’argent que j’engrangerais en dix ou quinze jours de dur labeur à Casa si je me donnais cette peine. Ce n’est pas pour rien que de nombreux Marocains homosexuels ont récemment fait leur apparition dans les soirées mondaines de Dubaï notamment. On trouve de tout dans le Golfe, qui est la capitale universelle de l’argent et du sexe.
A quand ton prochain voyage… d’affaires ?
Je me rends bientôt à Dubaï. Je ne peux pas rater la foire internationale du shopping ; les soldes sont incroyables, et il y a des tombolas de folie. L’année dernière, j’ai gagné des boucles d’oreilles Chopard. A cette époque, Dubaï, c’est l‘équivalent, en plus civilisé, des « moussems » marocains. Toutes les putes accourent parce que les touristes fortunés du monde entier viennent dépenser sans compter leur argent dans les boutiques et les hôtels. Je compte, pour ma part, soutirer un maximum de pognon à mon chéri pour mes achats. Il suffit que je m’en occupe une nuit ou deux pour qu’il accède à chacun de mes caprices.
Source: La Nouvelle Tribune