Plate-forme : Option Amazighe
Présentation :
Le groupe « Option Amazighe » a tenu plusieurs réunions pour examiner la situation de l’amazighité dans son rapport avec la société et l’Etat dont le comportement contredit le discours. Cette ambivalence, érigée en système de gouvernement à l’égard de l’amazighité, n’a pas manqué d’avoir des répercussions négatives sur la société et demeure à l’origine de tensions entre le Mouvement Amazigh, attaché à ses droits identitaires et l’Etat dont les institutions ne reconnaissent pas l'existence juridique de ces droits. Le groupe s’est ainsi attaché à analyser les origines de cette exclusion caractérisée et à dévoiler les mécanismes qui l’ont préparée et accompagnée à travers plusieurs étapes qui s’étalent sur près d’un siècle. Il montre comment on est passé du Traité de Protectorat de 1912 qui légitimait l’occupation étrangère du pays, au consensus de 1934 qui a mis sur la scène politique des interlocuteurs choisis parmi les couches favorables à ce Traité et aux arrangements de 1955 à Aix-Les-Bains qui ont débouché, en 1956, sur une indépendance au profit des élites issues de la bourgeoisie citadine qui s’accommodait de la destruction des structures socioculturelles, économiques et politiques amazighes, confrontées à une guerre impitoyable de 1912 à 1933. Les travaux du groupe ont abouti à cette synthèse intitulée: « Option Amazighe ». Elle est destinée à toutes les composantes de la société marocaine, en général, et du Mouvement Amazigh, en particulier, pour qu’elles en prennent connaissance et en discutent le contenu. Le document se veut une invitation à la réflexion, sur un siècle de souffrances subies par l’amazighité sous le protectorat (de 1912 à 1955), et durant les 50 années (1956-2006) d’une indépendance qui a reconduit les pratiques et les lois du système du Protectorat à l’égard des « berbères », tel qu’il a été forgé par Lyautey.
Durant l’occupation, le Protectorat a appauvri les Imazighen en les dépossédant de la souveraineté sur leurs biens collectifs, moyens séculaires de leur subsistance. A l’ombre de l’Etat indépendant, ils ont, en outre, perdu l’initiative de décider du choix de leur langue, de leur culture et de leur identité. Aujourd’hui, en dépit de la langue de bois officielle qui véhicule un discours riche en illusions, le bilan sur l’état réel de l’amazighité, dressé par les institutions officielles, elles-mêmes, est accablant.
En effet, le dernier recensement général de la population indique, avec toutes les réserves que suscitent les chiffres officiels, que 28% de marocains, seulement, utilisent la langue amazighe dans leur vie courante, contre 34% dix ans auparavant. Cette usure de l’entité amazighe n’est nullement le résultat d’une évolution naturelle, mais celui d’une action politique délibérée, dont les fondements idéologiques ont été posés par des personnalités bien connues pour leurs mépris affiché de tout ce qui est amazigh, comme en témoigne leur discours exclusif dont voici quelques extraits qui expriment, avec force, leur pensée et leurs sentiments envers l’amazighité :
-A la question du journaliste français Jean Lacouture au sujet de la réalité du problème « berbère » au Maroc, sur fond des événements du Sud-est de 1957 et du soulèvement du Rif de 1958, contre le despotisme du parti de Istiqlal, Mehdi ben Baraka répondit : « le prétendu problème berbère n’est qu’un résidu de la politique culturelle du protectorat. Il est le produit de ces écoles de notables réservées à une oligarchie urbaine et bien pensante. Le berbère est simplement, un homme qui n’est pas allé à l’école ».
Quant à la méthode pour débarrasser « l’homme berbère de son berbérisme », Abd El Jabri- d’ailleurs fier de ses origines arabes Quraychites et de son titre de chérif, attesté par une généalogie digne de foi, pour reprendre ses propres termes - indique dans son livre: «éclairages sur le problème de l’enseignement au Maroc » une recette, digne des fascistes, pour arabiser les berbères. Il affirme dans un ton péremptoire : « L’opération d’arabisation globale ne doit pas viser uniquement la disparition du français en tant que langue de civilisation, de culture et de communication, mais également –et ceci est d’une importance capitale- la liquidation des dialectes berbères ».
Se rendant compte que la mission n’était pas aussi aisée, Allal El Fassi intervient dans le débat suscité, à l’époque, par le piétinement de l’arabisation. Il écrit en 1965 dans la revue éditée par le Bureau de Coordination de l’Arabisation à Rabat : « C’est avant tout, à nos illustres ancêtres arabes que je fais le reproche d’avoir légué à notre patrie des problèmes sociologiques qu’il ne nous est pas possible d’ignorer si nous voulons diagnostiquer le mal dont nous souffrons et lui trouver le remède adéquat. Au lieu de parfaire la transmission du message sacré dont ils étaient porteurs au nom de l’islam et de l’arabité, ils se sont mis à se disputer le butin et les postes de commandement».
Dans l’euphorie de la victoire, après le retour au pouvoir des descendants du Bloc de 1934, traditionnellement hostile à l’amazighité du Maroc, Abdelhadi Tazi annonce devant ses frères arabes d’Orient à l’occasion de la conférence de l’Union des Académies de la langue arabe, tenue à Rabat en novembre 1984 : « Si je devais résumer la réussite accomplie dans le domaine de l’arabisation durant le dernier quart de siècle de la vie du Maroc moderne, je conclurai par ces quelques mots : le progrès réalisé par le Royaume du Maroc depuis le retour de Mohamed V de son exil, dépasse de loin ce qui a été accompli durant des siècles de l’histoire du Maroc, depuis sa conquête par Oqba Ibn Nafi’e »
Ce sont là des positions claires qui affichent avec arrogance, leur hostilité à toute présence de l’amazighité dans son propre pays. Leurs auteurs sont des personnalités qui font autorité, parmi l’élite panarabiste, dans la définition des normes de l’identité nationale et dans le choix des orientations politiques, culturelles et éducatives de l’Etat. Ils parlent du Maroc comme d’une possession coloniale arabe et un trophée de guerre qu’elles ont décidé d’annexer à l’Orient arabe après l’avoir arraché à l’empire colonial français.
Aujourd’hui, leurs disciples, qui participent à l’exercice du pouvoir, s’accaparent les institutions de l’Etat, avec tous leurs moyens humains, matériels, juridiques et politiques, pour anéantir, au nom de l’idéologie arabiste, les derniers vestiges de l’amazighité. Leur hégémonie dans les secteurs de l’éducation, de la culture et de la communication constitue un colonialisme culturel arabe imposé au Maroc.
Face à ces réalités qui agressent les consciences et insultent l’intelligence de millions de citoyens qui, eux aussi, ont une langue, une identité, une terre, et des ancêtres… se pose la responsabilité historique du Mouvement Amazigh. Il n’a d’autre alternative que celle de se mobiliser pour un combat politique qui mettrait la question amazighe au centre d’un débat national pour un nouveau contrat social qui renouerait les fils de l’histoire et permettrait ainsi au présent de retrouver ses racines authentiques. L’histoire du Maroc est là pour en témoigner. A la lumière de siècles de vie commune entre les différentes composantes de la société, seules les valeurs amazighes ont prouvé leurs capacités à assurer, dans la dignité, l’intégration sociale de tous les citoyens, indépendamment de leurs spécificités ethniques, linguistiques ou religieuses.
Présentation :
Le groupe « Option Amazighe » a tenu plusieurs réunions pour examiner la situation de l’amazighité dans son rapport avec la société et l’Etat dont le comportement contredit le discours. Cette ambivalence, érigée en système de gouvernement à l’égard de l’amazighité, n’a pas manqué d’avoir des répercussions négatives sur la société et demeure à l’origine de tensions entre le Mouvement Amazigh, attaché à ses droits identitaires et l’Etat dont les institutions ne reconnaissent pas l'existence juridique de ces droits. Le groupe s’est ainsi attaché à analyser les origines de cette exclusion caractérisée et à dévoiler les mécanismes qui l’ont préparée et accompagnée à travers plusieurs étapes qui s’étalent sur près d’un siècle. Il montre comment on est passé du Traité de Protectorat de 1912 qui légitimait l’occupation étrangère du pays, au consensus de 1934 qui a mis sur la scène politique des interlocuteurs choisis parmi les couches favorables à ce Traité et aux arrangements de 1955 à Aix-Les-Bains qui ont débouché, en 1956, sur une indépendance au profit des élites issues de la bourgeoisie citadine qui s’accommodait de la destruction des structures socioculturelles, économiques et politiques amazighes, confrontées à une guerre impitoyable de 1912 à 1933. Les travaux du groupe ont abouti à cette synthèse intitulée: « Option Amazighe ». Elle est destinée à toutes les composantes de la société marocaine, en général, et du Mouvement Amazigh, en particulier, pour qu’elles en prennent connaissance et en discutent le contenu. Le document se veut une invitation à la réflexion, sur un siècle de souffrances subies par l’amazighité sous le protectorat (de 1912 à 1955), et durant les 50 années (1956-2006) d’une indépendance qui a reconduit les pratiques et les lois du système du Protectorat à l’égard des « berbères », tel qu’il a été forgé par Lyautey.
Durant l’occupation, le Protectorat a appauvri les Imazighen en les dépossédant de la souveraineté sur leurs biens collectifs, moyens séculaires de leur subsistance. A l’ombre de l’Etat indépendant, ils ont, en outre, perdu l’initiative de décider du choix de leur langue, de leur culture et de leur identité. Aujourd’hui, en dépit de la langue de bois officielle qui véhicule un discours riche en illusions, le bilan sur l’état réel de l’amazighité, dressé par les institutions officielles, elles-mêmes, est accablant.
En effet, le dernier recensement général de la population indique, avec toutes les réserves que suscitent les chiffres officiels, que 28% de marocains, seulement, utilisent la langue amazighe dans leur vie courante, contre 34% dix ans auparavant. Cette usure de l’entité amazighe n’est nullement le résultat d’une évolution naturelle, mais celui d’une action politique délibérée, dont les fondements idéologiques ont été posés par des personnalités bien connues pour leurs mépris affiché de tout ce qui est amazigh, comme en témoigne leur discours exclusif dont voici quelques extraits qui expriment, avec force, leur pensée et leurs sentiments envers l’amazighité :
-A la question du journaliste français Jean Lacouture au sujet de la réalité du problème « berbère » au Maroc, sur fond des événements du Sud-est de 1957 et du soulèvement du Rif de 1958, contre le despotisme du parti de Istiqlal, Mehdi ben Baraka répondit : « le prétendu problème berbère n’est qu’un résidu de la politique culturelle du protectorat. Il est le produit de ces écoles de notables réservées à une oligarchie urbaine et bien pensante. Le berbère est simplement, un homme qui n’est pas allé à l’école ».
Quant à la méthode pour débarrasser « l’homme berbère de son berbérisme », Abd El Jabri- d’ailleurs fier de ses origines arabes Quraychites et de son titre de chérif, attesté par une généalogie digne de foi, pour reprendre ses propres termes - indique dans son livre: «éclairages sur le problème de l’enseignement au Maroc » une recette, digne des fascistes, pour arabiser les berbères. Il affirme dans un ton péremptoire : « L’opération d’arabisation globale ne doit pas viser uniquement la disparition du français en tant que langue de civilisation, de culture et de communication, mais également –et ceci est d’une importance capitale- la liquidation des dialectes berbères ».
Se rendant compte que la mission n’était pas aussi aisée, Allal El Fassi intervient dans le débat suscité, à l’époque, par le piétinement de l’arabisation. Il écrit en 1965 dans la revue éditée par le Bureau de Coordination de l’Arabisation à Rabat : « C’est avant tout, à nos illustres ancêtres arabes que je fais le reproche d’avoir légué à notre patrie des problèmes sociologiques qu’il ne nous est pas possible d’ignorer si nous voulons diagnostiquer le mal dont nous souffrons et lui trouver le remède adéquat. Au lieu de parfaire la transmission du message sacré dont ils étaient porteurs au nom de l’islam et de l’arabité, ils se sont mis à se disputer le butin et les postes de commandement».
Dans l’euphorie de la victoire, après le retour au pouvoir des descendants du Bloc de 1934, traditionnellement hostile à l’amazighité du Maroc, Abdelhadi Tazi annonce devant ses frères arabes d’Orient à l’occasion de la conférence de l’Union des Académies de la langue arabe, tenue à Rabat en novembre 1984 : « Si je devais résumer la réussite accomplie dans le domaine de l’arabisation durant le dernier quart de siècle de la vie du Maroc moderne, je conclurai par ces quelques mots : le progrès réalisé par le Royaume du Maroc depuis le retour de Mohamed V de son exil, dépasse de loin ce qui a été accompli durant des siècles de l’histoire du Maroc, depuis sa conquête par Oqba Ibn Nafi’e »
Ce sont là des positions claires qui affichent avec arrogance, leur hostilité à toute présence de l’amazighité dans son propre pays. Leurs auteurs sont des personnalités qui font autorité, parmi l’élite panarabiste, dans la définition des normes de l’identité nationale et dans le choix des orientations politiques, culturelles et éducatives de l’Etat. Ils parlent du Maroc comme d’une possession coloniale arabe et un trophée de guerre qu’elles ont décidé d’annexer à l’Orient arabe après l’avoir arraché à l’empire colonial français.
Aujourd’hui, leurs disciples, qui participent à l’exercice du pouvoir, s’accaparent les institutions de l’Etat, avec tous leurs moyens humains, matériels, juridiques et politiques, pour anéantir, au nom de l’idéologie arabiste, les derniers vestiges de l’amazighité. Leur hégémonie dans les secteurs de l’éducation, de la culture et de la communication constitue un colonialisme culturel arabe imposé au Maroc.
Face à ces réalités qui agressent les consciences et insultent l’intelligence de millions de citoyens qui, eux aussi, ont une langue, une identité, une terre, et des ancêtres… se pose la responsabilité historique du Mouvement Amazigh. Il n’a d’autre alternative que celle de se mobiliser pour un combat politique qui mettrait la question amazighe au centre d’un débat national pour un nouveau contrat social qui renouerait les fils de l’histoire et permettrait ainsi au présent de retrouver ses racines authentiques. L’histoire du Maroc est là pour en témoigner. A la lumière de siècles de vie commune entre les différentes composantes de la société, seules les valeurs amazighes ont prouvé leurs capacités à assurer, dans la dignité, l’intégration sociale de tous les citoyens, indépendamment de leurs spécificités ethniques, linguistiques ou religieuses.