Voci un texte tiré du forum de mondeberbere.com :
Un système politique démocratique qui veut se maintenir doit s’appuyer sur l’adhésion de la population qui oeuvre pour sa consolidation et son renforcement. Les systèmes politiques despotiques et totalitaires ne se maintiennent que par la terreur et la répression L’ efficacité de tout système politique et tributaire de son degrés de reconnaissance de l’identité véritable de la population, dans sa diversité et de la promotion et du développement de cette identité dont l’histoire et la langue constituent des emblèmes.
Chez nous, Tamazight est niée et notre histoire bafouée. Les adeptes du nationalitarisme arabe, les mercenaires de la culture, les ténors et les scribes de l’idéologie arabo-baâthiste, les charlatans de l’histoire officielle, les tartuffes et les faux dévots, les démagogues à la solde des oligarchies militaro-religieuses arabes, les chiens de garde du discours populiste, « progressistes » et « nationalitaristes » s’acharnent pour défigurer notre mémoire historique et identitaire et faire de nous, Imazighen, un peuple bâtard.
Cette meute d’arabocrânes font de nous des sous-hommes, des citoyens de deuxième degrés. Nous sommes et restons à leurs yeux un ramassis de populations sauvages, illettrées. Nous vivions dans des grottes, chassions avec des arcs dans un monde où régnait la loi de la jungle. Nous étions des créatures mi-homme, mi-animal et nos moeurs tenaient de la barbarie. Nous parlions un « langage » incompréhensible très proche du rugissement des bêtes. Nous serions un peuple primitif et notre existence même constituerait un péché. Il nous reste à choisir entre le bannissement et la marginalisation pure et simple, seule antidote apte à nous relever au rang d’êtres humain, arabes bien sûr.
Les Arabes, nous dit-on, sont notre chance. C’est un peuple doué, d’une générosité incommensurable. On nous apprend que les Arabes sont le peuple élu de Dieu, qui a pour mission civilisatrice de nous délivrer de la barbarie. La civilisation arabe est unique, irremplaçable; leurs sciences sont incontournables, leur culture est la Référence par excellence; leur histoire en Arabie et en Afrique du Nord se confond avec l’édification d’une société juste démocratique et tolérante.
L’intoxication continue de nos jours. Quotidiennement, des canards inspirés par le nazisme offrent des pages entières aux tenants du discours monolithique et au représentants de la cabale pour y étaler leur insanité. Imazighen sont accusés de comploter contre la nation par les disciples de l’idéologie fasciste des hommes de la Qisariya qui ont collaborés avec la France contre la résistance armée amazighe. Des Fkihs du moyen âge, érigés en Alim, traitent Imazighen d’anti-religieux et rêvent d’un retour vers un passé mythologique. Des chiens de gardes mettent leur plume au service d’une doctrine génocidaire qui a fait le malheur des Kurdes et qui rêvent de faire revivre au peuple Juif un nouveau holocauste.
Ces disciples du couvre feu politique oublient que nous vivons dans un monde où les amalgames et les confusions ne sont plus de mise. Quand à l’histoire de l’Afrique du Nord, nous en avons des témoignages crédibles, écrits par des personnes qui sont des références indiscutables, reconnues même par les « arabocentristes » qui ne retiennent des écrits de ces penseurs que ce qui arrange leur vision ségrégationniste. Nous n’avons pas besoin d’argumentaire ni de preuve pour rejeter les allégations farfelues et racistes des arabocrânes sur Imazighen et leur histoire. Nous préférons donner la parole à deux chercheurs réputés et nous laissons au lecteur la liberté de tirer ses conclusions.
Le premier texte est de la plume de célébrissime historien Arabe, précurseur des sciences humaines, Ibn Khaldoun (1332-1406), qui dans son ouvrage « Des Prolégomènes ou Discours sur l’histoire universelle » (Beyrouth, 1967, Tome I, pp. 294 à 301), affirme ce qui suit: « En raison de leur sauvagerie, les Arabes sont des pillards et des destructeurs. Ils pillent tout ce qu’ils trouvent sans combattre ou sans s’exposer. Puis ils se replient sur leurs pâturages au désert. Ils n’attaquent ou ne combattent que pour se défendre. Ils préfèrent éviter les forteresses ou les positions difficiles: ils ne les attaquent pas. Les tribus que protégent d’inaccécibles montagnes sont à l’abri de la malfaisance et des déprédations des Arabes. Ceux-ci ne franchirons pas de collines ou ne prendront pas de risques pour aller chercher les montagnards.
Au contraire, les plaines sont livrés à leur pillage et en proie à leur avidité, si leur dynastie est faible ou qu’elles n’ait pas de troupes pour les défendre. Les habitants peuvent succomber et devenir les jouets des changements de pouvoir, jusqu’à ce que leur civilisation disparaisse. Dieu est tout-puissant ! Toutes les habitudes des Arabes d’autres fois, les conduisent au nomadisme et au déplacement. Or, c’est là l’antithèse et la négation de la sédentarisation (maskun), qui produit la civilisation. Par exemple: les Arabes ont besoin de pierres pour leurs foyers et leurs cuisines - ils les prennent aux maisons, qu’ils détruisent dans ce but. Ils ont besoin de bois pour leurs tentes, pour les étayer et en faire des piquets ils abattent les toits, pour en tirer le bois dans ce but. La véritable nature de leur existence est la négation de la construction (bina), qui est le fondement de la civilisation. Tel est, généralement, leur cas.
De plus, c’est lueur nature de piller autrui. Ils trouvent leur pain quotidien à l’ombre de leurs lances (rizqu hum fi zilat rihami him). Rien ne les arrête pour prendre le bien d’autrui. Que leurs yeux tombent sur n’importe quel bien, mobilier ou ustensile, et ils s’en emparent. S’ils arrivent à la domination et au pouvoir royale, ils pillent tout à leur aise. Il n’y a plus rien pour protéger la propriété et la civilisation est détruite.
D’autre part, étant donné qu’ils font travailler de force les artisans et les ouvriers, le travail leur parait sans valeur et il refusent de le payer. Or, comme on le verra plus loin, le travail n’est pas précisé, s’il est fait pour rien, l’espoir de profit disparaît, et le travail n’est pas productif. Les sédentaires se dispersent et la civilisation décline.
Autre chose, les Arabes ne portent aucun intérêt (Inaya) aux lois (ahkam). Ils ne cherchent pas à dissuader les malfaiteurs ou à assurer l’ordre public. Ils ne s’intéressent (hammu hum) qu’à ce qu’ils peuvent distraire aux autres, sous forme de butin ou d‘impôt. Quand ils sont obtenu ce là, ils ne s’occupent ni de prendre soin des gens, ni de suivre leurs intérêts, ni de les forcer à se bien conduire. Ils lèvent des amendes sur les propriétés, pour en tirer quelque avantage, quelque taxe, quelque profit. Telle est leur habitude. Mais elle n’aide pas à prévenir les méfaits ou à dissuader les malfaiteurs. Au contraire, le nombre en augmente; comparée au bénéfice du crime, la perte représentée par l’amende est insignifiante.
En régime arabe, les sujets vivent sans loi, dans l’anarchie (fawda). L’anarchie détruit l’humanité et ruine la civilisation. Et puis, tout Arabe veut être le chef. Aucun ne veut s’effacer devant un autre, fut-il son père ou l’aîné de sa famille. Il ne s’y résout que rarement, et parce qu’il lui fait honte (haya‘a). Aussi y’a-t-il, chez eux, beaucoup de chefs et de princes, et les sujets doivent-ils obéir à plusieurs maîtres pour les impôts et pour les loi. C’est ainsi que la civilisation décline, disparaît…
On remarque que la civilisation s’est toujours effondrée avec la poussée de la conquête arabe: les établissements se sont dépeuplés et la terre devint tout autre que la terre (tabaddala-ti al-ardu ghayra al-ardi). Le Yémen, où vivent les Arabes, est en ruine, à part quelques villes. La civilisation persane en Iraq est complètement ruinée. Il en est de même, aujourd’hui, en Syrie. Quand les Hilaliens et les Banu Sulaym ont poussé jusqu’à la Tunisie et le Maroc, au début du XI ème siècle, ils ont fini par s’y fixer et les plaines en ont été dévastées. En effet, en raison de leur sauvagerie innée, ils sont, de touts les peuples, trop réfractaires pour accepter l’autonomie d’autrui, par rudesse, ambition et jalousie. Leurs aspirations tendent rarement vers le seul but. Il leur faut l’influence de la loi religieuse, par la prophétie ou la sainteté, pour qu’il se modèrent d’eux mêmes et qu’ils perdent leur caractère hautain et jaloux.
Les Arabes, plus qu’aucune autre nation, sont enracinés dans la vie bédouine et s’enfoncent profondément dans le désert. Ils ont moins besoin, pour leur vie rude et dure, des produits et des céréales des collines. Ils peuvent donc se passer des autres parce qu’ils sont un peuple sans loi, à l’état sauvage. Leurs souverain a donc le plus grand besoin des liens de sang (âasbiya) nécessaires à l’autodéfense. Il est forcé de gouverner ses sujets en douceur et éviter à les heurter. Sinon, il aurait des difficultés avec l’esprit tribal, ce qui causerait sa perte et la leur.
Toutes ces raisons éloignent, naturellement, les Arabes de la monarchie. Il faut que leur nature soit profondément transformée par une structure (sibgha) religieuse, qui les amène à se modérer et à maintenir l’ordre public.
C’est ce que montrent les dynasties arabes musulmanes. La religion a soudé leur pouvoir temporel à la loi religieuse et à ses prescriptions, qui -de façon explicite ou implicite- sont dans l’intérêt de la civilisation. Les Califes suivirent cette voie. La monarchie et le gouvernement des Arabes devinrent grands et forts. Quand Rostam vit les Musulmans rassemblés pour la prière, il s’écrira: « Omar m’a rongé le foi ! Il apprend aux chiens les bonnes manières ! »
Plus tard, les Arabes furent écarté des dynasties régnantes, pour des générations ils négligèrent leur religion, oublièrent la politique et retournèrent au désert. Ils ignorent le rapport de leur esprit et le clan avec la dynastie régnante, car l’obéissance et la loi leur étaient redevenues étrangères. Ils redeviennent aussi sauvages que dans le passé. Le titre de « roi » cessa de leur être appliqué, à l’exception des Califes de race (jil) arabe. Après la disparition du calife, le pouvoir sortit de leurs mains, des Barbares s’en emparent. Les Arabes restèrent alors bédouins au désert, ignorent la monarchie et la politique. La plupart ne savent même plus qu’ils ont régné autrefois, ou qu’aucune autre nation n’a rayonné autant que la leur. Avant l’Isalm, ce furent les dynasties de Al Thamud, les Amalécites, les Himryites et les Tubba »; depuis les Muradites, les Omayades et les Abbasides. Mais, quand les Arabes oublièrent leur religion, ils n’eurent plus de rapport avec la politique et ils se tournèrent à leur désert originel. Parfois encore, comme au Maroc actuel, ils dominent des dynasties trop faibles, mais leur supériorité ne peut conduire qu’à la ruine de la civilisation, Dieu est le meilleur héritier. » (XXI, 89)
Le deuxième texte est tiré de l’oeuvre de Georges Marchais, « La Berbérie Musulmane et l’Orient au Moyen Age » (Editions Montaigne, Paris 1946). Parlant des causes qui sont derrière la venue des tribus arabes en Afrique du Nord, l’auteur souligne: « Il convient d’attribuer à El Yazouri, vizir du Calife Fatimide El Montacir , l’idée d’envoyer L’Ifriqia (Arfrique du Nord) rebelle les grands tribus arabes alors cantonnées en Égypte à l’est du Nil .. Les groupes dont il s’agit, Beni Hilal et Beni Soulaym, n’étaient pas venus en Égypte de leur plein gré ni depuis longtemps. Leur transfert avait été la conséquence de la révolte des Qamrates à la quelles ils étaient associés. Ce mouvement politico-religieux qui, pendant la seconde moitié du X ème siècle, avait si gravement inquiet le califat des Abbasides était devenu dangereux. Les Qaramates furent repoussées dans le sud-est de l’Arabie et leurs alliés nomades furent déportés en Égypte orientale. Leur indiscipline et leur pillages les y rendirent odieux. »
Traitant les premiers contacts entre les nomades arabes et Imazighen, G. Marcais souligne:
« L’antagonisme qui résulte des deux genres de vie opposés devait provoquer chez les agriculteurs (imazighens) sédentaires des misères autrement irrémédiables. C’est ici que le fléau arabe se manifeste avec le plus de brutalité. L’image classique du vol dévastateur de sauterelles rend compte avec exactitude des effets de l’invasion dans une notable partie des campagnes berbères. Les troupeaux lâchées au milieu des récoltes, les jardins saccagées, les ruraux dépouillés et maltraités, les hameaux mis au pillage: tels furent, à n‘en pas douter, les épisodes les plus normaux de cette première phase de l‘invasion hilalienne. Le mal était ici d‘autant plus sensible que la Berbérie, la Berbérie orientale surtout, après le long appauvrissement qui datait des derniers temps de la domination romaine, aggravé par les occupations vandale et byzantine, puis par la conquête musulmane et l’agitation kharijite, avait retrouvé une prospérité dont maintes témoignages nous fournissent la preuve. Cette prospérité perdue s‘exagéra en reculant dans le passé. Cent cinquante ans plus tard, El Marrakechi affirma qu’avant l’invasion hiallienne « le pays d’Alexandrie à Kairouan ne présentait pas de discontinuité de cultures et était jour et nuit sillonné par des caravanes ». (El Marrakchi, « Histoire des Almohades » Trad. Fergan, p. 299) Et l’auteur inconnu de « l’Istibsar » « Ces lieux sont ruinés et la solitude y règne depuis que les arabes nomades ont pénétré dans le pays » (Istibsar, Trad. Fargan dans le Recueil de la Société archéologique de Constantine, 1889, p. 76)
La Berbérie avant l’invasion hilalienne conservait un réseau de routes que l’on présume hérité de l’époque romaine et byzantine.. El Bekri énumère les étapes qui permettent de se rendre en quarante jours de Kairouan à Fès, par Sbiba, Majjana ou Tebesa, Baghaï, Belzma, d’où l’on pouvait obliquer vers Tobna et aboutir au Tafilalt ou pousser tout droit vers Msila et la Qala Beni Hammad et se diriger à Tihert et à Tlemcen par les hautes plaines que hantaient les nomades Zenata Les marchants n’ont pu guère de raison d’emprunter un tel itinéraire. « Entre Kairouan et la Qala des Beni Hammad, lisons-nous dans l’istibsar, il y’avait naguère de nombreuses villes qui furent ruinées par les Arabes lors de leur entrée en Ifriqiya (p. 8 . La première étape était Sbiba, cité ancienne, chef-lieu où ne trouve plus, affirme le géographe, que quelques misérables habitations.. »
Ces deux textes se passent de tout commentaire. L’invasion arabe hilalienne constitue une catastrophe pour l’Afrique du Nord, sur tout les plans. Imazighen continuent, aujourd’hui, à en subir les conséquences. L’avènement de ces populations nomades est motivés, non par la diffusion de l’Islam, mais principalement par la conquête d’autres terres, l’amassement des butins et des femmes qui seront exposées dans les harems des souverains arabes musulmans en Orient. Cet extrait du livre de G. Marçais en constitue l’illustration: « Dans les récits relatifs aux temps héroïque de la conquête, c’est le profit fabuleux qu’on en tire visiblement intéresse le plus le narrateur. Après la Berbérie, L’Espagne sera pillée. Le trésor des souverains Wisigoths fournira tout un cycle, dont le thème central sera la fameuse table enrichie de pierres précieuses que l’on disait venir du roi Salomon. » (Dosy, « Recherches sur l’Histoire politique et littéraire de l’Espagne » 3 éd.) Une partie de ces richesses prend le chemin de l’Orient et aboutit à Médine, puis à Damas, puis à Bagdad. Il est au reste constant qu’au cours de la razzia, plus d’un soldat cherche à faire main basse sur les biens qu’il compte soustraire au partage.
Si le sac des villes procure de l’argent et des objets de prix, les opérations de pillages à travers la campagne fournissent des richesses non moins appréciables, les chevaux d’abord, dont la vigueur semble avoir frappé les Orientaux: « Oqba, vainqueur des gens de Baghaï, leur enleva une quantité de chevaux, les plus forts, dit En-Nowaïri, que les Musulmans eussent jamais vus dans leurs expéditions. » (En-Nowaïri dans Ibn Khaldoun: « Histoire des Berbères » I, 331 ) des chameaux particulièrement endurants et que les Berbères, au dire du géographe Ibn Hawqal, possèdent en plus grand nombre que les Arabes d’Arabie (Ibn Hawqal in « el Masalik wa el Mamalik » ‘Les routes et les provinces‘. Trad. De Slane dans Journal asiatique, 1842, I, 252).
Enfin et surtout les hommes. L’Afrique du Nord est un réservoir, presque inépuisable d’ esclaves; mais il semble que la manière plus abondante autorise les évaluations plus larges. On compte les captifs par troupeaux de dizaine de milliers. « Oqba ben Nafi ramène 80.000 au dire de Théophane (Cité par Dichl. « L’Afrique byzantine« , 896, p. 572). Hasan Ben En-Noâman 35.000 (En-Nowaïri, dans Ibn Khaldoun, trad. I, 342); Mousa Ben Nocair 100.000 (Ibn Idhari, Fayan, trad. I, 32-33). Les hommes trouvent acquéreurs sur les marchés d’Orient, où se recrute la main d’oeuvre agricole et certains corps de troupe. Quand aux femmes berberes, elles sont particulieremnt appreciées. « Oqba, étant avancé jusqu’au Sous et ayant fait grand massacre de Maghrébins, s’empare de quelques unes de leurs femmes qui étaient d‘une beauté sans égale. « On rapporte, dit En-Nowaïri, qu’une seule de leurs jeunes filles fut vendue en Orient pour mille pièces d’or » (En-Nowairi, dans Ibn Khaldoun, tad. I, 333; El-Kairouani; Ibn Dinar. « Histoire de l’Afrique« , trad. Pellissier et Remusat, Paris, 1845, p. 47). Il est certain que beaucoup de ces esclaves figurèrent dans les harems princiers, à Damas comme à Bagdad. Il semble qu’elles faisaient prime. Les Califes d’Orient, lisons-nous dans le Bayan, « recherchaient les nouveautés d’origine occidentale et se les faisaient envoyer par les gouverneurs d’Ifriqiya, qui leur adressaient par exemple, les captives berbères. » (Ibn Idhari, trad. I, 51; Abou L’Arab, « Classe Savants« , trad. P. 75).
Pendant combien de temps se renouvelèrent les rafales de captifs, dont, à divers égards, les conséquences historiques devaient être si importantes ? On présume que si les maîtres musulmans du pays pouvaient encore se procurer sur les marchés du sud ou dans les régions insoumises des esclaves qui alimentaient les harems abbasides, vers la fin du X ème siècle au temps d’El Moâtadid, les envois massifs avaient pris fin depuis longtemps. Un récit curieux permettrait d’affirmer qu’on ne pouvait plus pratiquer au milieu du VIII eme siecle, soit une centaine d’ années après l’entrée des premiers Orientaux.
En 754 l’ Abbaside Al Mancour, qui venait être élevé au Califat, ayant demandé au gouverneur d’Ifriqiya, Abd ar-Rahman ben Habib, de lui envoyer son hommage, celui-ci y consentit, non sans quelque répugnance, et suivant l’usage, il adressa des cadeaux à son souverain. Ces cadeaux comportaient des chiens et des faucons, mais aucun esclave. Le gouverneur y joignait que
“L’Ifriqiya étant devenu entièrement musulmane, y faire des esclaves n’était plus possible” (En-Nowaïri, dans Ibn Khaldoun, trad. I, 367; Ibn el-Athir: « Anales du Maghreb », trad. p. 7 . Mauvaise excuse d’un vassal qui se dérobe, mais excuse vraisemblable en somme et qui souligne un fait authentique. Le temps n’est plus où, la Berbérie étant infidèle, le bétail humain pouvait y être exploité au profit de l’Orient; le temps est loin où le général Amr stipulait dans un traité consenti aux Berbères Lowata qu’ils pourraient vendre leurs fils et leurs filles pour payer l’impôt dont on les accablait (Ibn Abd- el Hakam: « Conquete de l’Afrique du Nord », trad. Gateau, p. 31; El Bekri: « Description de l’Afrique Septentrionale », trad. De Slane, 2 ème ed. Alger, 1913, p. 14). Leur conversion à l’Islam a promu les Berbères à la dignité d’hommes libres et les a soustraits à l’arbitraire.
Les arabistes peuvent toujours jaser. La vérité finira par triompher et Imazighen recouvreront leurs droits, sur leur propre terre et feront revivre et perpétuer les valeurs qui sont les leurs: la démocratie, la tolérance, le respect de la différence et bien sure l’ouverture sur le monde.
Un système politique démocratique qui veut se maintenir doit s’appuyer sur l’adhésion de la population qui oeuvre pour sa consolidation et son renforcement. Les systèmes politiques despotiques et totalitaires ne se maintiennent que par la terreur et la répression L’ efficacité de tout système politique et tributaire de son degrés de reconnaissance de l’identité véritable de la population, dans sa diversité et de la promotion et du développement de cette identité dont l’histoire et la langue constituent des emblèmes.
Chez nous, Tamazight est niée et notre histoire bafouée. Les adeptes du nationalitarisme arabe, les mercenaires de la culture, les ténors et les scribes de l’idéologie arabo-baâthiste, les charlatans de l’histoire officielle, les tartuffes et les faux dévots, les démagogues à la solde des oligarchies militaro-religieuses arabes, les chiens de garde du discours populiste, « progressistes » et « nationalitaristes » s’acharnent pour défigurer notre mémoire historique et identitaire et faire de nous, Imazighen, un peuple bâtard.
Cette meute d’arabocrânes font de nous des sous-hommes, des citoyens de deuxième degrés. Nous sommes et restons à leurs yeux un ramassis de populations sauvages, illettrées. Nous vivions dans des grottes, chassions avec des arcs dans un monde où régnait la loi de la jungle. Nous étions des créatures mi-homme, mi-animal et nos moeurs tenaient de la barbarie. Nous parlions un « langage » incompréhensible très proche du rugissement des bêtes. Nous serions un peuple primitif et notre existence même constituerait un péché. Il nous reste à choisir entre le bannissement et la marginalisation pure et simple, seule antidote apte à nous relever au rang d’êtres humain, arabes bien sûr.
Les Arabes, nous dit-on, sont notre chance. C’est un peuple doué, d’une générosité incommensurable. On nous apprend que les Arabes sont le peuple élu de Dieu, qui a pour mission civilisatrice de nous délivrer de la barbarie. La civilisation arabe est unique, irremplaçable; leurs sciences sont incontournables, leur culture est la Référence par excellence; leur histoire en Arabie et en Afrique du Nord se confond avec l’édification d’une société juste démocratique et tolérante.
L’intoxication continue de nos jours. Quotidiennement, des canards inspirés par le nazisme offrent des pages entières aux tenants du discours monolithique et au représentants de la cabale pour y étaler leur insanité. Imazighen sont accusés de comploter contre la nation par les disciples de l’idéologie fasciste des hommes de la Qisariya qui ont collaborés avec la France contre la résistance armée amazighe. Des Fkihs du moyen âge, érigés en Alim, traitent Imazighen d’anti-religieux et rêvent d’un retour vers un passé mythologique. Des chiens de gardes mettent leur plume au service d’une doctrine génocidaire qui a fait le malheur des Kurdes et qui rêvent de faire revivre au peuple Juif un nouveau holocauste.
Ces disciples du couvre feu politique oublient que nous vivons dans un monde où les amalgames et les confusions ne sont plus de mise. Quand à l’histoire de l’Afrique du Nord, nous en avons des témoignages crédibles, écrits par des personnes qui sont des références indiscutables, reconnues même par les « arabocentristes » qui ne retiennent des écrits de ces penseurs que ce qui arrange leur vision ségrégationniste. Nous n’avons pas besoin d’argumentaire ni de preuve pour rejeter les allégations farfelues et racistes des arabocrânes sur Imazighen et leur histoire. Nous préférons donner la parole à deux chercheurs réputés et nous laissons au lecteur la liberté de tirer ses conclusions.
Le premier texte est de la plume de célébrissime historien Arabe, précurseur des sciences humaines, Ibn Khaldoun (1332-1406), qui dans son ouvrage « Des Prolégomènes ou Discours sur l’histoire universelle » (Beyrouth, 1967, Tome I, pp. 294 à 301), affirme ce qui suit: « En raison de leur sauvagerie, les Arabes sont des pillards et des destructeurs. Ils pillent tout ce qu’ils trouvent sans combattre ou sans s’exposer. Puis ils se replient sur leurs pâturages au désert. Ils n’attaquent ou ne combattent que pour se défendre. Ils préfèrent éviter les forteresses ou les positions difficiles: ils ne les attaquent pas. Les tribus que protégent d’inaccécibles montagnes sont à l’abri de la malfaisance et des déprédations des Arabes. Ceux-ci ne franchirons pas de collines ou ne prendront pas de risques pour aller chercher les montagnards.
Au contraire, les plaines sont livrés à leur pillage et en proie à leur avidité, si leur dynastie est faible ou qu’elles n’ait pas de troupes pour les défendre. Les habitants peuvent succomber et devenir les jouets des changements de pouvoir, jusqu’à ce que leur civilisation disparaisse. Dieu est tout-puissant ! Toutes les habitudes des Arabes d’autres fois, les conduisent au nomadisme et au déplacement. Or, c’est là l’antithèse et la négation de la sédentarisation (maskun), qui produit la civilisation. Par exemple: les Arabes ont besoin de pierres pour leurs foyers et leurs cuisines - ils les prennent aux maisons, qu’ils détruisent dans ce but. Ils ont besoin de bois pour leurs tentes, pour les étayer et en faire des piquets ils abattent les toits, pour en tirer le bois dans ce but. La véritable nature de leur existence est la négation de la construction (bina), qui est le fondement de la civilisation. Tel est, généralement, leur cas.
De plus, c’est lueur nature de piller autrui. Ils trouvent leur pain quotidien à l’ombre de leurs lances (rizqu hum fi zilat rihami him). Rien ne les arrête pour prendre le bien d’autrui. Que leurs yeux tombent sur n’importe quel bien, mobilier ou ustensile, et ils s’en emparent. S’ils arrivent à la domination et au pouvoir royale, ils pillent tout à leur aise. Il n’y a plus rien pour protéger la propriété et la civilisation est détruite.
D’autre part, étant donné qu’ils font travailler de force les artisans et les ouvriers, le travail leur parait sans valeur et il refusent de le payer. Or, comme on le verra plus loin, le travail n’est pas précisé, s’il est fait pour rien, l’espoir de profit disparaît, et le travail n’est pas productif. Les sédentaires se dispersent et la civilisation décline.
Autre chose, les Arabes ne portent aucun intérêt (Inaya) aux lois (ahkam). Ils ne cherchent pas à dissuader les malfaiteurs ou à assurer l’ordre public. Ils ne s’intéressent (hammu hum) qu’à ce qu’ils peuvent distraire aux autres, sous forme de butin ou d‘impôt. Quand ils sont obtenu ce là, ils ne s’occupent ni de prendre soin des gens, ni de suivre leurs intérêts, ni de les forcer à se bien conduire. Ils lèvent des amendes sur les propriétés, pour en tirer quelque avantage, quelque taxe, quelque profit. Telle est leur habitude. Mais elle n’aide pas à prévenir les méfaits ou à dissuader les malfaiteurs. Au contraire, le nombre en augmente; comparée au bénéfice du crime, la perte représentée par l’amende est insignifiante.
En régime arabe, les sujets vivent sans loi, dans l’anarchie (fawda). L’anarchie détruit l’humanité et ruine la civilisation. Et puis, tout Arabe veut être le chef. Aucun ne veut s’effacer devant un autre, fut-il son père ou l’aîné de sa famille. Il ne s’y résout que rarement, et parce qu’il lui fait honte (haya‘a). Aussi y’a-t-il, chez eux, beaucoup de chefs et de princes, et les sujets doivent-ils obéir à plusieurs maîtres pour les impôts et pour les loi. C’est ainsi que la civilisation décline, disparaît…
On remarque que la civilisation s’est toujours effondrée avec la poussée de la conquête arabe: les établissements se sont dépeuplés et la terre devint tout autre que la terre (tabaddala-ti al-ardu ghayra al-ardi). Le Yémen, où vivent les Arabes, est en ruine, à part quelques villes. La civilisation persane en Iraq est complètement ruinée. Il en est de même, aujourd’hui, en Syrie. Quand les Hilaliens et les Banu Sulaym ont poussé jusqu’à la Tunisie et le Maroc, au début du XI ème siècle, ils ont fini par s’y fixer et les plaines en ont été dévastées. En effet, en raison de leur sauvagerie innée, ils sont, de touts les peuples, trop réfractaires pour accepter l’autonomie d’autrui, par rudesse, ambition et jalousie. Leurs aspirations tendent rarement vers le seul but. Il leur faut l’influence de la loi religieuse, par la prophétie ou la sainteté, pour qu’il se modèrent d’eux mêmes et qu’ils perdent leur caractère hautain et jaloux.
Les Arabes, plus qu’aucune autre nation, sont enracinés dans la vie bédouine et s’enfoncent profondément dans le désert. Ils ont moins besoin, pour leur vie rude et dure, des produits et des céréales des collines. Ils peuvent donc se passer des autres parce qu’ils sont un peuple sans loi, à l’état sauvage. Leurs souverain a donc le plus grand besoin des liens de sang (âasbiya) nécessaires à l’autodéfense. Il est forcé de gouverner ses sujets en douceur et éviter à les heurter. Sinon, il aurait des difficultés avec l’esprit tribal, ce qui causerait sa perte et la leur.
Toutes ces raisons éloignent, naturellement, les Arabes de la monarchie. Il faut que leur nature soit profondément transformée par une structure (sibgha) religieuse, qui les amène à se modérer et à maintenir l’ordre public.
C’est ce que montrent les dynasties arabes musulmanes. La religion a soudé leur pouvoir temporel à la loi religieuse et à ses prescriptions, qui -de façon explicite ou implicite- sont dans l’intérêt de la civilisation. Les Califes suivirent cette voie. La monarchie et le gouvernement des Arabes devinrent grands et forts. Quand Rostam vit les Musulmans rassemblés pour la prière, il s’écrira: « Omar m’a rongé le foi ! Il apprend aux chiens les bonnes manières ! »
Plus tard, les Arabes furent écarté des dynasties régnantes, pour des générations ils négligèrent leur religion, oublièrent la politique et retournèrent au désert. Ils ignorent le rapport de leur esprit et le clan avec la dynastie régnante, car l’obéissance et la loi leur étaient redevenues étrangères. Ils redeviennent aussi sauvages que dans le passé. Le titre de « roi » cessa de leur être appliqué, à l’exception des Califes de race (jil) arabe. Après la disparition du calife, le pouvoir sortit de leurs mains, des Barbares s’en emparent. Les Arabes restèrent alors bédouins au désert, ignorent la monarchie et la politique. La plupart ne savent même plus qu’ils ont régné autrefois, ou qu’aucune autre nation n’a rayonné autant que la leur. Avant l’Isalm, ce furent les dynasties de Al Thamud, les Amalécites, les Himryites et les Tubba »; depuis les Muradites, les Omayades et les Abbasides. Mais, quand les Arabes oublièrent leur religion, ils n’eurent plus de rapport avec la politique et ils se tournèrent à leur désert originel. Parfois encore, comme au Maroc actuel, ils dominent des dynasties trop faibles, mais leur supériorité ne peut conduire qu’à la ruine de la civilisation, Dieu est le meilleur héritier. » (XXI, 89)
Le deuxième texte est tiré de l’oeuvre de Georges Marchais, « La Berbérie Musulmane et l’Orient au Moyen Age » (Editions Montaigne, Paris 1946). Parlant des causes qui sont derrière la venue des tribus arabes en Afrique du Nord, l’auteur souligne: « Il convient d’attribuer à El Yazouri, vizir du Calife Fatimide El Montacir , l’idée d’envoyer L’Ifriqia (Arfrique du Nord) rebelle les grands tribus arabes alors cantonnées en Égypte à l’est du Nil .. Les groupes dont il s’agit, Beni Hilal et Beni Soulaym, n’étaient pas venus en Égypte de leur plein gré ni depuis longtemps. Leur transfert avait été la conséquence de la révolte des Qamrates à la quelles ils étaient associés. Ce mouvement politico-religieux qui, pendant la seconde moitié du X ème siècle, avait si gravement inquiet le califat des Abbasides était devenu dangereux. Les Qaramates furent repoussées dans le sud-est de l’Arabie et leurs alliés nomades furent déportés en Égypte orientale. Leur indiscipline et leur pillages les y rendirent odieux. »
Traitant les premiers contacts entre les nomades arabes et Imazighen, G. Marcais souligne:
« L’antagonisme qui résulte des deux genres de vie opposés devait provoquer chez les agriculteurs (imazighens) sédentaires des misères autrement irrémédiables. C’est ici que le fléau arabe se manifeste avec le plus de brutalité. L’image classique du vol dévastateur de sauterelles rend compte avec exactitude des effets de l’invasion dans une notable partie des campagnes berbères. Les troupeaux lâchées au milieu des récoltes, les jardins saccagées, les ruraux dépouillés et maltraités, les hameaux mis au pillage: tels furent, à n‘en pas douter, les épisodes les plus normaux de cette première phase de l‘invasion hilalienne. Le mal était ici d‘autant plus sensible que la Berbérie, la Berbérie orientale surtout, après le long appauvrissement qui datait des derniers temps de la domination romaine, aggravé par les occupations vandale et byzantine, puis par la conquête musulmane et l’agitation kharijite, avait retrouvé une prospérité dont maintes témoignages nous fournissent la preuve. Cette prospérité perdue s‘exagéra en reculant dans le passé. Cent cinquante ans plus tard, El Marrakechi affirma qu’avant l’invasion hiallienne « le pays d’Alexandrie à Kairouan ne présentait pas de discontinuité de cultures et était jour et nuit sillonné par des caravanes ». (El Marrakchi, « Histoire des Almohades » Trad. Fergan, p. 299) Et l’auteur inconnu de « l’Istibsar » « Ces lieux sont ruinés et la solitude y règne depuis que les arabes nomades ont pénétré dans le pays » (Istibsar, Trad. Fargan dans le Recueil de la Société archéologique de Constantine, 1889, p. 76)
La Berbérie avant l’invasion hilalienne conservait un réseau de routes que l’on présume hérité de l’époque romaine et byzantine.. El Bekri énumère les étapes qui permettent de se rendre en quarante jours de Kairouan à Fès, par Sbiba, Majjana ou Tebesa, Baghaï, Belzma, d’où l’on pouvait obliquer vers Tobna et aboutir au Tafilalt ou pousser tout droit vers Msila et la Qala Beni Hammad et se diriger à Tihert et à Tlemcen par les hautes plaines que hantaient les nomades Zenata Les marchants n’ont pu guère de raison d’emprunter un tel itinéraire. « Entre Kairouan et la Qala des Beni Hammad, lisons-nous dans l’istibsar, il y’avait naguère de nombreuses villes qui furent ruinées par les Arabes lors de leur entrée en Ifriqiya (p. 8 . La première étape était Sbiba, cité ancienne, chef-lieu où ne trouve plus, affirme le géographe, que quelques misérables habitations.. »
Ces deux textes se passent de tout commentaire. L’invasion arabe hilalienne constitue une catastrophe pour l’Afrique du Nord, sur tout les plans. Imazighen continuent, aujourd’hui, à en subir les conséquences. L’avènement de ces populations nomades est motivés, non par la diffusion de l’Islam, mais principalement par la conquête d’autres terres, l’amassement des butins et des femmes qui seront exposées dans les harems des souverains arabes musulmans en Orient. Cet extrait du livre de G. Marçais en constitue l’illustration: « Dans les récits relatifs aux temps héroïque de la conquête, c’est le profit fabuleux qu’on en tire visiblement intéresse le plus le narrateur. Après la Berbérie, L’Espagne sera pillée. Le trésor des souverains Wisigoths fournira tout un cycle, dont le thème central sera la fameuse table enrichie de pierres précieuses que l’on disait venir du roi Salomon. » (Dosy, « Recherches sur l’Histoire politique et littéraire de l’Espagne » 3 éd.) Une partie de ces richesses prend le chemin de l’Orient et aboutit à Médine, puis à Damas, puis à Bagdad. Il est au reste constant qu’au cours de la razzia, plus d’un soldat cherche à faire main basse sur les biens qu’il compte soustraire au partage.
Si le sac des villes procure de l’argent et des objets de prix, les opérations de pillages à travers la campagne fournissent des richesses non moins appréciables, les chevaux d’abord, dont la vigueur semble avoir frappé les Orientaux: « Oqba, vainqueur des gens de Baghaï, leur enleva une quantité de chevaux, les plus forts, dit En-Nowaïri, que les Musulmans eussent jamais vus dans leurs expéditions. » (En-Nowaïri dans Ibn Khaldoun: « Histoire des Berbères » I, 331 ) des chameaux particulièrement endurants et que les Berbères, au dire du géographe Ibn Hawqal, possèdent en plus grand nombre que les Arabes d’Arabie (Ibn Hawqal in « el Masalik wa el Mamalik » ‘Les routes et les provinces‘. Trad. De Slane dans Journal asiatique, 1842, I, 252).
Enfin et surtout les hommes. L’Afrique du Nord est un réservoir, presque inépuisable d’ esclaves; mais il semble que la manière plus abondante autorise les évaluations plus larges. On compte les captifs par troupeaux de dizaine de milliers. « Oqba ben Nafi ramène 80.000 au dire de Théophane (Cité par Dichl. « L’Afrique byzantine« , 896, p. 572). Hasan Ben En-Noâman 35.000 (En-Nowaïri, dans Ibn Khaldoun, trad. I, 342); Mousa Ben Nocair 100.000 (Ibn Idhari, Fayan, trad. I, 32-33). Les hommes trouvent acquéreurs sur les marchés d’Orient, où se recrute la main d’oeuvre agricole et certains corps de troupe. Quand aux femmes berberes, elles sont particulieremnt appreciées. « Oqba, étant avancé jusqu’au Sous et ayant fait grand massacre de Maghrébins, s’empare de quelques unes de leurs femmes qui étaient d‘une beauté sans égale. « On rapporte, dit En-Nowaïri, qu’une seule de leurs jeunes filles fut vendue en Orient pour mille pièces d’or » (En-Nowairi, dans Ibn Khaldoun, tad. I, 333; El-Kairouani; Ibn Dinar. « Histoire de l’Afrique« , trad. Pellissier et Remusat, Paris, 1845, p. 47). Il est certain que beaucoup de ces esclaves figurèrent dans les harems princiers, à Damas comme à Bagdad. Il semble qu’elles faisaient prime. Les Califes d’Orient, lisons-nous dans le Bayan, « recherchaient les nouveautés d’origine occidentale et se les faisaient envoyer par les gouverneurs d’Ifriqiya, qui leur adressaient par exemple, les captives berbères. » (Ibn Idhari, trad. I, 51; Abou L’Arab, « Classe Savants« , trad. P. 75).
Pendant combien de temps se renouvelèrent les rafales de captifs, dont, à divers égards, les conséquences historiques devaient être si importantes ? On présume que si les maîtres musulmans du pays pouvaient encore se procurer sur les marchés du sud ou dans les régions insoumises des esclaves qui alimentaient les harems abbasides, vers la fin du X ème siècle au temps d’El Moâtadid, les envois massifs avaient pris fin depuis longtemps. Un récit curieux permettrait d’affirmer qu’on ne pouvait plus pratiquer au milieu du VIII eme siecle, soit une centaine d’ années après l’entrée des premiers Orientaux.
En 754 l’ Abbaside Al Mancour, qui venait être élevé au Califat, ayant demandé au gouverneur d’Ifriqiya, Abd ar-Rahman ben Habib, de lui envoyer son hommage, celui-ci y consentit, non sans quelque répugnance, et suivant l’usage, il adressa des cadeaux à son souverain. Ces cadeaux comportaient des chiens et des faucons, mais aucun esclave. Le gouverneur y joignait que
“L’Ifriqiya étant devenu entièrement musulmane, y faire des esclaves n’était plus possible” (En-Nowaïri, dans Ibn Khaldoun, trad. I, 367; Ibn el-Athir: « Anales du Maghreb », trad. p. 7 . Mauvaise excuse d’un vassal qui se dérobe, mais excuse vraisemblable en somme et qui souligne un fait authentique. Le temps n’est plus où, la Berbérie étant infidèle, le bétail humain pouvait y être exploité au profit de l’Orient; le temps est loin où le général Amr stipulait dans un traité consenti aux Berbères Lowata qu’ils pourraient vendre leurs fils et leurs filles pour payer l’impôt dont on les accablait (Ibn Abd- el Hakam: « Conquete de l’Afrique du Nord », trad. Gateau, p. 31; El Bekri: « Description de l’Afrique Septentrionale », trad. De Slane, 2 ème ed. Alger, 1913, p. 14). Leur conversion à l’Islam a promu les Berbères à la dignité d’hommes libres et les a soustraits à l’arbitraire.
Les arabistes peuvent toujours jaser. La vérité finira par triompher et Imazighen recouvreront leurs droits, sur leur propre terre et feront revivre et perpétuer les valeurs qui sont les leurs: la démocratie, la tolérance, le respect de la différence et bien sure l’ouverture sur le monde.