Raciste liste (lejournal-hebdo.com)
Les interdictions des prénoms berbères se suivent et se ressemblent. Pour les préposés à l'Etat civil, les prénoms amazighs ne sont pas marocains. La preuve : ils ne figurent pas sur la liste des prénoms autorisés. Une liste de l'ère Basri.
On croyait ce temps révolu, mais les prénoms amazighs restent encore interdits dans plusieurs régions du Maroc. Omar Derouich, ce citoyen de la ville de Goulmima, l'a appris à ses dépens. Le préposé à l'Etat civil de la ville d'Errachidia lui a refusé le droit de donner un prénom amazigh à son nouveau-né. « Le matin du 10 février dernier, je me suis présenté au bureau d'Errachidia pour inscrire le nom de mon bébé. Le responsable régional a refusé le nom "Amazigh" que j'avais choisi, arguant du fait que c'est un nom qui ne fait pas partie des listes officielles. Après, il m'a envoyé voir l'inspecteur régional de l'Etat civil. Celui-ci a jugé nécessaire de soumettre mon cas à la commission supérieure de l'Etat civil à Rabat. Je suis encore dans l'attente d'une réponse », raconte M. Derouich. Pour ce citoyen marocain et militant amazigh, il n'est pas question de faire marche arrière. « Je compte poursuivre la défense de ce nom authentiquement marocain. Et je chercherai toutes les voies légales pour obtenir ce droit. Ce n'est pas normal de parler d'ouverture démocratique et de subir en même temps une telle discrimination », fustige le père d'Amazigh.
Eternelle dichotomie
Pourtant, au sein de l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe), on est surpris de la persistance de telles pratiques. « Dans les manuels scolaires comme dans les supports didactiques, les contes par exemple, on ne trouve pratiquement que des prénoms amazighs. Le but est de sensibiliser les Berbères sur leur patrimoine. Et les prénoms amazighs sont une partie intégrante de ce patrimoine », explique Mme Meriem Demnati, responsable des manuels scolaires au sein de l'IRCAM. L'objectif avoué de cette démarche est de faire tomber un tabou, décomplexer toute une population et revaloriser une histoire aussi vieille que l'Afrique du Nord. Comment alors expliquer cette dichotomie entre le travail des cadres de l'IRCAM et une circulaire qui fait encore office de loi ? « Nous avons fait part au représentant du ministère de l'Intérieur de cette préoccupation. Il nous a assuré de trouver une solution à ce problème. Nous avons l'impression que ce sont les fonctionnaires de l'Etat civil qui font de la résistance. Nous allons encore une fois remettre cette question à l'ordre du jour lors du prochain conseil d'administration », assure Mme Demnati. Pour l'histoire, en 1950, une commission spéciale a été créée pour statuer sur les questions de l'Etat civil. Elle était formée d'un historien et de représentants du ministère de l'Intérieur et de la Justice. Un dahir verra le jour le 8 mars de la même année. En substance, les demandeurs d'une inscription sur l'Etat civil doivent « choisir un prénom convenable qui ne soit pas étranger, risible, qu'il ne porte pas atteinte à la bonne moralité ou à l'ordre public et qu'il soit typiquement marocain ». Les choses vont en rester là jusqu'en 1995.
En cette année, l'ex-ministre de l'Intérieur va publier un communiqué à l'attention des walis des villes pour limiter la liste des prénoms autorisés. Celle-ci entre en vigueur en 1997. Quelques prénoms amazighs y figurent mais pas tous. Et c'est l'historien Abdelwahab Benmansour qui cautionne ce travail-là. La circulaire et la liste ne vont pas passer inaperçues. Les associations amazighs vont crier au racisme. Les associations des droits de l'Homme, AMDH et OMDH, vont, à travers leurs communiqués, s'élever contre la circulaire. Même le département d'Etat américain y mettra son grain de sel en notant le caractère discriminatoire de cette décision administrative décidée par l'ex-ministre de l'Intérieur.
Idir, Tanaruz, Numidia…
Les affaires vont alors se multiplier.
Quelques-unes deviendront célèbres. Comme le cas de l'enfant Amassin de la ville de Tata. Entre l'arrondissement, le Tribunal de première instance et la Cour d'appel, Amassin, en référence à un roi amazigh de l'antiquité, va attendre cinq ans avant de pouvoir bénéficier de son droit de porter ce prénom. Idem pour Itri, Massinssa, Idir, Anir ou Tunaruz. Le prétexte des autorités reste le même : ces prénoms ne sont pas arabes et ne sont pas marocains. Une aberration. « Au sein de l'IRCAM, nous nous sommes investis dans deux cas, celui de Numidia et Anir. Nous avons pu, après avoir démontré la marocanité des deux prénoms, les rajouter sur la liste des prénoms autorisés. Le problème, c'est que dans bien des cas, des citoyens amazighs se rabattent sur d'autres prénoms à cause de la lenteur des procédures administratives », avoue Mme Demnati. « Le Maroc n'a pas le droit de faire perdurer cette situation, pour la simple raison qu'il a bel et bien ratifié les traités internationaux. Notamment celui qui permet d'utiliser des prénoms puisés dans les langues maternelles », souligne ce militant amazigh. Cette interdiction reste aléatoire. Pour preuve : des prénoms qui sont refusés dans des régions sont avalisés dans d'autres. Cela dépend essentiellement de l'attitude des préposés des bureaux de l'Etat civil. Un pouvoir que seul la suppression de la fameuse circulaire peut annuler.
Les interdictions des prénoms berbères se suivent et se ressemblent. Pour les préposés à l'Etat civil, les prénoms amazighs ne sont pas marocains. La preuve : ils ne figurent pas sur la liste des prénoms autorisés. Une liste de l'ère Basri.
Eternelle dichotomie
Pourtant, au sein de l'IRCAM (Institut royal de la culture amazighe), on est surpris de la persistance de telles pratiques. « Dans les manuels scolaires comme dans les supports didactiques, les contes par exemple, on ne trouve pratiquement que des prénoms amazighs. Le but est de sensibiliser les Berbères sur leur patrimoine. Et les prénoms amazighs sont une partie intégrante de ce patrimoine », explique Mme Meriem Demnati, responsable des manuels scolaires au sein de l'IRCAM. L'objectif avoué de cette démarche est de faire tomber un tabou, décomplexer toute une population et revaloriser une histoire aussi vieille que l'Afrique du Nord. Comment alors expliquer cette dichotomie entre le travail des cadres de l'IRCAM et une circulaire qui fait encore office de loi ? « Nous avons fait part au représentant du ministère de l'Intérieur de cette préoccupation. Il nous a assuré de trouver une solution à ce problème. Nous avons l'impression que ce sont les fonctionnaires de l'Etat civil qui font de la résistance. Nous allons encore une fois remettre cette question à l'ordre du jour lors du prochain conseil d'administration », assure Mme Demnati. Pour l'histoire, en 1950, une commission spéciale a été créée pour statuer sur les questions de l'Etat civil. Elle était formée d'un historien et de représentants du ministère de l'Intérieur et de la Justice. Un dahir verra le jour le 8 mars de la même année. En substance, les demandeurs d'une inscription sur l'Etat civil doivent « choisir un prénom convenable qui ne soit pas étranger, risible, qu'il ne porte pas atteinte à la bonne moralité ou à l'ordre public et qu'il soit typiquement marocain ». Les choses vont en rester là jusqu'en 1995.
En cette année, l'ex-ministre de l'Intérieur va publier un communiqué à l'attention des walis des villes pour limiter la liste des prénoms autorisés. Celle-ci entre en vigueur en 1997. Quelques prénoms amazighs y figurent mais pas tous. Et c'est l'historien Abdelwahab Benmansour qui cautionne ce travail-là. La circulaire et la liste ne vont pas passer inaperçues. Les associations amazighs vont crier au racisme. Les associations des droits de l'Homme, AMDH et OMDH, vont, à travers leurs communiqués, s'élever contre la circulaire. Même le département d'Etat américain y mettra son grain de sel en notant le caractère discriminatoire de cette décision administrative décidée par l'ex-ministre de l'Intérieur.
Idir, Tanaruz, Numidia…
Les affaires vont alors se multiplier.
Quelques-unes deviendront célèbres. Comme le cas de l'enfant Amassin de la ville de Tata. Entre l'arrondissement, le Tribunal de première instance et la Cour d'appel, Amassin, en référence à un roi amazigh de l'antiquité, va attendre cinq ans avant de pouvoir bénéficier de son droit de porter ce prénom. Idem pour Itri, Massinssa, Idir, Anir ou Tunaruz. Le prétexte des autorités reste le même : ces prénoms ne sont pas arabes et ne sont pas marocains. Une aberration. « Au sein de l'IRCAM, nous nous sommes investis dans deux cas, celui de Numidia et Anir. Nous avons pu, après avoir démontré la marocanité des deux prénoms, les rajouter sur la liste des prénoms autorisés. Le problème, c'est que dans bien des cas, des citoyens amazighs se rabattent sur d'autres prénoms à cause de la lenteur des procédures administratives », avoue Mme Demnati. « Le Maroc n'a pas le droit de faire perdurer cette situation, pour la simple raison qu'il a bel et bien ratifié les traités internationaux. Notamment celui qui permet d'utiliser des prénoms puisés dans les langues maternelles », souligne ce militant amazigh. Cette interdiction reste aléatoire. Pour preuve : des prénoms qui sont refusés dans des régions sont avalisés dans d'autres. Cela dépend essentiellement de l'attitude des préposés des bureaux de l'Etat civil. Un pouvoir que seul la suppression de la fameuse circulaire peut annuler.
Hicham Houdaïfa