Un essai de Mohammed-Saâd Zemmouri)
Une contestation multiforme de la “berbèritude”
“Les genres littéraires, écrit Yves Mabin, sont universels. Certains ont leur origine dans un pays précis. L’essai est un genre d’origine française.”. Quant à l’essai doctoral de Mohammed Saâd Zemmouri, il constitue un sous-genre du premier, puisqu’il provient d’une thèse de doctorat d’Etat intitulée “Présence berbère et Nostalgie païenne dans la Littérature maghrébine de Langue française”. Il comporte une contestation explicite du fondement mythico-littéraire historisant du “mouvement culturel berbère” (la “berbéritude”), épigone innommé dans le texte de l’ancien “mouvement culturel nègre” (la “négritude”comme archétype non-dit) et dont l’introduction de l’auteur en esquisse la revendication ethnique identitaire,mythico-littéraire.
“ Le berbérisme, écrit-il, a priori est lié à l‘engagement des Berbères défendant leur identité. Cependant, nous devons souligner ici que les textes sur lesquels nous avons tavaillé ne sont pas le fait uniquement d’écrivains d’ascendance amazighe.
Certains le sont, comme le Marocain Mohammed Khaïr-Eddine et l’Algérien Nabile Farès. Driss Chraïbi, lui, est Arabe et a écrit d’une manière désintéressée sur un sujet d’actualité. Même situation pour Kateb Yacine, perçu en Algérie comme un farouche berbériste, qui a toujours entretenu l’ambiguïté sur ses origines, mais qui n’est pas à notre connaissance d’origine berbère.”
Selon cette perspective épouse curieusement les traits fondamentaux caractéristiques de son archétype culturel inavoué, “la négritude”, défini à travers cette remarque de Laurent Sabbah : “ Les deux hommes (Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor), accompagnés du poète guyanais Léon-Gontran Damas, créent le mouvement de la négritude. Ils affirment haut et fort la grandeur de l’histoire et de la civilisation noire face au monde occidental qui les avait jusque-là dévalorisées. Ils refusent l’existence d’une essence noire, mais veulent faire de leur identité nègre et de l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir une source de fierté.”
I- Une lecture théorique rétrospective d’une “berbéritude” en filigrane contestatrice
Une lecture théorique rétrospective permet d’y repérer à la fois une contestation explicite multiforme par l’essayiste (tant par les militants berbères que par les romanciers étudiés, partisans actuels d’une revendication nostalgique d’une identité berbère païenne en Afrique du Nord), ainsi qu’une reconnaissance de la limite mythico-historisante littéraire du corpus (romanesque) de cette “berbéritude”. Certes, on peut y relever au moins six contestations retrançant les limites de cette historisation, à savoir :
- La contestation dans ce travail de la revendication du paganisme par les Berbères dans les sociétés maghrébines actuelles fait écrire à l’auteur dans son introduction : “ On ne doit pas comprendre de notre travail que les Berbères revendiquent le paganisme. Celui qui connaît véritablement les sociétés maghrébines sait qu’elle sont un creuset où se sont fondues les deux ethnies, Berbères et Arabes, pour constituer ensemble une communauté soudée par les liens solides créés entre eux par l’islam depuis le VIIè siècle. C’est pourquoi il convient de dire que nos écrivains ne représentent qu’eux-mêmes, même si par ailleurs leurs prises de positions rejoignent sur certains points le combat du mouvement culturel berbère.”
La contestation de la revendication par les écrivains des romans étudiés d’une identité mythico-historisante d’un peuple berbère autochtone. “ Certes, ils (les Berbères ou Imazighen) en sont (des populations de la région de siwa) les habitants les plus anciens, mais eux-mêmes trouvèrent sur les terres qu’il conquirent, d’autres populations, qu’ils ont bousculées, voire asservies. Les Berbères ont eux-mêmes suivi la loi des migrations et des conquêtes de terres. Ainsi l’argument du peuple berbère autochtone, souvent avancé par certains berbéristes et par nos écrivains eux-mêmes nest pas fondé sur une connaissance objective de l’histoire de l’Afrique du Nord mais relève plus de conceptions mythiques.”
La contestation d’une origine géographique maghrébine des Berbères revendiqués dans les romans cités : “ Les historiens ne connaissent pas avec certitude l’origine des Berbères et plusieurs hypothèses sont avancées à ce propos, mais la plus solide et la plus plausible demeure celle d’une origine orientale.”
- La contestation de la revendication d’une langue et d’une graphie uniques berbères, standardisés, répondant aux sentiments identitairesdes concernés et dont l’essayiste dit proprement : “ Ainsi la renaissance berbère s’est traduite tout d’abord par les travaux réalisés par les berbérophones sur leur langue, ou plus exactement sur les divers dialectes qui s’y apparentent (...). Rappelons ici que le berbère a cessé de s’écrire depuis des temps immémoriaux. Les historiens pensent que cette langue avait une graphie propre que l’on appelle le tifinagh, qui ressemblait à l’écriture utilisée aujourd’hui encore par les Touaregs.”
Une conscience identitaire au Maghreb
La contestation d’une diaspora berbère et d’un pan-berbérisme due uniquement au rôle joué par l’émigration surtout algérienne (kabyle) que M-S Zemmouri formule de la sorte : “ Signalons également le rôle joué par l’émigration, surtout algérienne (kabyle), assez importante par son nombre et surtout assez efficace par sa contribution au développement du mouvement berbère (...). Cette dispora berbère a notamment joué un rôle déterminant dans la préparation et la tenue de la rencontre qui a abouti à la création du Congrès Mondial Amazighe quis’est tenu dans le sud de la France en septembre 1995.
Il existe aujourd’hui au Maghreb une véritable conscience identitaire berbère. Les militants berbéristes cherchent ainsi à coordonner leur action à l’échelle maghrébine et au-delà ( Maroc, Algérie, Lybie, Iles Canaries, Touaregs, etc.). Ils visent à développer les liens entre eux dans le cadre d’un pan-berbérisme qui leur permettrait de mettre en commun leur expérience et de renforcer une coopération entre des acteurs confrontés à des situations où ils affrontent des problèmes similaires.” -
La contestation des origines des écrivains (notamment romanciers) du corpus analysé et de leur identification imaginaire ou subversive (ou mythe littéraire) irréaliste du “berbérisme” au “pagananisme”, outrepassant, pour certains d’entre eux, les protagonistes mêmes du mouvement culturel berbère actuel, est très visible dans cet essai : “ Nul doute que ces importantes avancées pour la promotion de la langue et la culture amazighes ont satisfait des écrivains comme l’Algérien Nabil Farès ou les Marocains Driss Chraïbi et Mohammed Khaïr-Eddine, qui ont rêvé et écrit pour la reconnaissance de l’amazighité maghrébine et constituent une satisfaction posthume pour celui qui fut un des militants désintéressés de la cause berbère, n’étant peut-être pas lui-même berbère, Kateb Yacine .
Et plus loin dans : “ Ceux-ci se sont attachés, chacun à sa manière, à défendre le berbérisme, allant même pour certains, plus loin que les protagonistes du mouvement culturel berbère, jusqu’à identifier celui-ci avec le paganisme. La littérature ne dépasse-t-elle pas la réalité en exprimant les rêves, les aspirations, l’imaginaire des écrivains dont la vocation est parfois de transcender et subverir le réel et les réalités au lieu de les copier ?”
II- Limites d’une représentation mythico-romanesque historisante d’une “berbéritude” en filigrane innommée :
Cette “berbéritude”y a donc pour représentation une référence privilégiée, selon l’essayiste , à un mythe littéraire ayant pour configuration multiple “la Kahina”, en vue de légitimer une revendication identitaire berbère païenne et mettre en cause l’arabo-islamisme au Maghreb. Zemmouri dit en l’occurrence : “ Nos écrivains bâtissent autour de Kahina un véritable mythe (...). Mais au delà du mythe, il reste que pour nos écrivains, et surtout pour les Algériens, Kahina est une référence privilégiée pour légétimer la revendication identitaire berbère et pour remettre en question l’idéologie officielle au Maghreb, à savoir l’arabo-islamisme. Affirmation du caractère amazighe de la région et nostalgie du passé païen, c’est ce qui est raconté ainsi à travers le mythe de la Kahina.” De là, deux limites apparaissent de ce mythe romanesque de “la berbéritude” d’un point de vue théorique rétrosppectif à travers sa représentation et sa reconnaissance.
Par Mohammed SOSSE- ALAOUI
Je suis mort de rire en lisant ce papier. Vous voyez comment on attaque, honteusement, les Amazighs. Le mouvement amazigh leur pose beaucoup de problèmes à ces terroristes arabistes. Continuons à les secouer....
Une contestation multiforme de la “berbèritude”
“Les genres littéraires, écrit Yves Mabin, sont universels. Certains ont leur origine dans un pays précis. L’essai est un genre d’origine française.”. Quant à l’essai doctoral de Mohammed Saâd Zemmouri, il constitue un sous-genre du premier, puisqu’il provient d’une thèse de doctorat d’Etat intitulée “Présence berbère et Nostalgie païenne dans la Littérature maghrébine de Langue française”. Il comporte une contestation explicite du fondement mythico-littéraire historisant du “mouvement culturel berbère” (la “berbéritude”), épigone innommé dans le texte de l’ancien “mouvement culturel nègre” (la “négritude”comme archétype non-dit) et dont l’introduction de l’auteur en esquisse la revendication ethnique identitaire,mythico-littéraire.
“ Le berbérisme, écrit-il, a priori est lié à l‘engagement des Berbères défendant leur identité. Cependant, nous devons souligner ici que les textes sur lesquels nous avons tavaillé ne sont pas le fait uniquement d’écrivains d’ascendance amazighe.
Certains le sont, comme le Marocain Mohammed Khaïr-Eddine et l’Algérien Nabile Farès. Driss Chraïbi, lui, est Arabe et a écrit d’une manière désintéressée sur un sujet d’actualité. Même situation pour Kateb Yacine, perçu en Algérie comme un farouche berbériste, qui a toujours entretenu l’ambiguïté sur ses origines, mais qui n’est pas à notre connaissance d’origine berbère.”
Selon cette perspective épouse curieusement les traits fondamentaux caractéristiques de son archétype culturel inavoué, “la négritude”, défini à travers cette remarque de Laurent Sabbah : “ Les deux hommes (Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor), accompagnés du poète guyanais Léon-Gontran Damas, créent le mouvement de la négritude. Ils affirment haut et fort la grandeur de l’histoire et de la civilisation noire face au monde occidental qui les avait jusque-là dévalorisées. Ils refusent l’existence d’une essence noire, mais veulent faire de leur identité nègre et de l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir une source de fierté.”
I- Une lecture théorique rétrospective d’une “berbéritude” en filigrane contestatrice
Une lecture théorique rétrospective permet d’y repérer à la fois une contestation explicite multiforme par l’essayiste (tant par les militants berbères que par les romanciers étudiés, partisans actuels d’une revendication nostalgique d’une identité berbère païenne en Afrique du Nord), ainsi qu’une reconnaissance de la limite mythico-historisante littéraire du corpus (romanesque) de cette “berbéritude”. Certes, on peut y relever au moins six contestations retrançant les limites de cette historisation, à savoir :
- La contestation dans ce travail de la revendication du paganisme par les Berbères dans les sociétés maghrébines actuelles fait écrire à l’auteur dans son introduction : “ On ne doit pas comprendre de notre travail que les Berbères revendiquent le paganisme. Celui qui connaît véritablement les sociétés maghrébines sait qu’elle sont un creuset où se sont fondues les deux ethnies, Berbères et Arabes, pour constituer ensemble une communauté soudée par les liens solides créés entre eux par l’islam depuis le VIIè siècle. C’est pourquoi il convient de dire que nos écrivains ne représentent qu’eux-mêmes, même si par ailleurs leurs prises de positions rejoignent sur certains points le combat du mouvement culturel berbère.”
La contestation de la revendication par les écrivains des romans étudiés d’une identité mythico-historisante d’un peuple berbère autochtone. “ Certes, ils (les Berbères ou Imazighen) en sont (des populations de la région de siwa) les habitants les plus anciens, mais eux-mêmes trouvèrent sur les terres qu’il conquirent, d’autres populations, qu’ils ont bousculées, voire asservies. Les Berbères ont eux-mêmes suivi la loi des migrations et des conquêtes de terres. Ainsi l’argument du peuple berbère autochtone, souvent avancé par certains berbéristes et par nos écrivains eux-mêmes nest pas fondé sur une connaissance objective de l’histoire de l’Afrique du Nord mais relève plus de conceptions mythiques.”
La contestation d’une origine géographique maghrébine des Berbères revendiqués dans les romans cités : “ Les historiens ne connaissent pas avec certitude l’origine des Berbères et plusieurs hypothèses sont avancées à ce propos, mais la plus solide et la plus plausible demeure celle d’une origine orientale.”
- La contestation de la revendication d’une langue et d’une graphie uniques berbères, standardisés, répondant aux sentiments identitairesdes concernés et dont l’essayiste dit proprement : “ Ainsi la renaissance berbère s’est traduite tout d’abord par les travaux réalisés par les berbérophones sur leur langue, ou plus exactement sur les divers dialectes qui s’y apparentent (...). Rappelons ici que le berbère a cessé de s’écrire depuis des temps immémoriaux. Les historiens pensent que cette langue avait une graphie propre que l’on appelle le tifinagh, qui ressemblait à l’écriture utilisée aujourd’hui encore par les Touaregs.”
Une conscience identitaire au Maghreb
La contestation d’une diaspora berbère et d’un pan-berbérisme due uniquement au rôle joué par l’émigration surtout algérienne (kabyle) que M-S Zemmouri formule de la sorte : “ Signalons également le rôle joué par l’émigration, surtout algérienne (kabyle), assez importante par son nombre et surtout assez efficace par sa contribution au développement du mouvement berbère (...). Cette dispora berbère a notamment joué un rôle déterminant dans la préparation et la tenue de la rencontre qui a abouti à la création du Congrès Mondial Amazighe quis’est tenu dans le sud de la France en septembre 1995.
Il existe aujourd’hui au Maghreb une véritable conscience identitaire berbère. Les militants berbéristes cherchent ainsi à coordonner leur action à l’échelle maghrébine et au-delà ( Maroc, Algérie, Lybie, Iles Canaries, Touaregs, etc.). Ils visent à développer les liens entre eux dans le cadre d’un pan-berbérisme qui leur permettrait de mettre en commun leur expérience et de renforcer une coopération entre des acteurs confrontés à des situations où ils affrontent des problèmes similaires.” -
La contestation des origines des écrivains (notamment romanciers) du corpus analysé et de leur identification imaginaire ou subversive (ou mythe littéraire) irréaliste du “berbérisme” au “pagananisme”, outrepassant, pour certains d’entre eux, les protagonistes mêmes du mouvement culturel berbère actuel, est très visible dans cet essai : “ Nul doute que ces importantes avancées pour la promotion de la langue et la culture amazighes ont satisfait des écrivains comme l’Algérien Nabil Farès ou les Marocains Driss Chraïbi et Mohammed Khaïr-Eddine, qui ont rêvé et écrit pour la reconnaissance de l’amazighité maghrébine et constituent une satisfaction posthume pour celui qui fut un des militants désintéressés de la cause berbère, n’étant peut-être pas lui-même berbère, Kateb Yacine .
Et plus loin dans : “ Ceux-ci se sont attachés, chacun à sa manière, à défendre le berbérisme, allant même pour certains, plus loin que les protagonistes du mouvement culturel berbère, jusqu’à identifier celui-ci avec le paganisme. La littérature ne dépasse-t-elle pas la réalité en exprimant les rêves, les aspirations, l’imaginaire des écrivains dont la vocation est parfois de transcender et subverir le réel et les réalités au lieu de les copier ?”
II- Limites d’une représentation mythico-romanesque historisante d’une “berbéritude” en filigrane innommée :
Cette “berbéritude”y a donc pour représentation une référence privilégiée, selon l’essayiste , à un mythe littéraire ayant pour configuration multiple “la Kahina”, en vue de légitimer une revendication identitaire berbère païenne et mettre en cause l’arabo-islamisme au Maghreb. Zemmouri dit en l’occurrence : “ Nos écrivains bâtissent autour de Kahina un véritable mythe (...). Mais au delà du mythe, il reste que pour nos écrivains, et surtout pour les Algériens, Kahina est une référence privilégiée pour légétimer la revendication identitaire berbère et pour remettre en question l’idéologie officielle au Maghreb, à savoir l’arabo-islamisme. Affirmation du caractère amazighe de la région et nostalgie du passé païen, c’est ce qui est raconté ainsi à travers le mythe de la Kahina.” De là, deux limites apparaissent de ce mythe romanesque de “la berbéritude” d’un point de vue théorique rétrosppectif à travers sa représentation et sa reconnaissance.
Par Mohammed SOSSE- ALAOUI
Je suis mort de rire en lisant ce papier. Vous voyez comment on attaque, honteusement, les Amazighs. Le mouvement amazigh leur pose beaucoup de problèmes à ces terroristes arabistes. Continuons à les secouer....