Les Marocains descendent des Atlantes

Aglawo

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Quatre cents ans avant notre ère, le philosophe grec Platon racontait dans deux de ses dialogues, Critias et Timée, une étrange histoire que Solon aurait rapportée deux siècles plus tôt d’un voyage en Égypte. Là bas, des prêtres lui auraient raconté comment plusieurs milliers d’années auparavant, l’Atlantide, une civilisation puissante et arrogante aurait disparu de la surface de la terre. “Il y a 9 000 ans, raconte Platon, cette île vaste comme un continent disparut dans les flots au cours d’un épouvantable cataclysme”.

Civilisation

Plus étendue que l’Afrique et l’Asie réunies, l’Atlantide était jadis gouvernée par des rois puissants qui prétendaient descendre de Poséidon. “Ces souverains possédaient des flottes innombrables sillonnant continuellement les océans, des cités magnifiques, riches et prospères (…) les Atlantes étaient maîtres d’un immense domaine englobant une grande partie de l’Europe et de l’Afrique du Nord jusqu’en Égypte" mais “de violents tremblements de terre et des déluges" mirent fin à cette domination, et “en l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit funeste…l’île Atlantide s’enfonça sous la mer".
Cette histoire est elle crédible ? Non! jurent les historiens. En aucun cas une civilisation aussi industrieuse, dotée qui plus est d’une véritable organisation politique aurait existé, il y a pour nous près de 12 000 ans. Car c’est la préhistoire ! Les premières civilisations ne sont apparues que vers 3 500 av. J.C en Mésopotamie et en Égypte! Pourtant, depuis la fin du 19ème siècle l’engouement pour ce mythe ne cesse de croître.
En 1873, Heinrich Schliemann, un archéologue allemand découvre sur la colline d’Hissarlik en Turquie, la légendaire cité de Troie. Finie la légende! s’exclame-t-on alors. Si la ville mythique d’Homère n’est pas une invention du célèbre poète alors l’Atlantide de Platon a peut-être elle aussi réellement existé. Le délire atlante va commencer.
Le premier et le plus célèbre des atlantomanes, l’anglais Ignatius Donnelly, lance en 1882 dans un livre intitulé “Atlantide, Monde Antédiluvien" une théorie qui va vite devenir une vérité indubitable pour les adeptes des sciences occultes : non seulement l’Atlantide était la première civilisation du monde, mais elle détenait aussi un immense savoir. Depuis lors, les Atlantes revêtent mille et une caractéristiques fantastiques allant du simple demi-dieu au génial extra-terrestre. Quant aux preuves de l’existence d’êtres aussi extraordinaires, elles ne manquent pas! Dans les milliers d’ouvrages et de sites Internet consacrés à l’Atlantide, on trouve presque toujours les mêmes arguments. Parmi eux, les lignes de Nazca au Pérou, qui seraient des vestiges de pistes d’atterrissage pour vaisseaux spatiaux ! Découvertes en 1939 par l’archéologue Posnanky, ces lignes ont effectivement de quoi frapper l’imaginaire puisqu’elles sont constituées de figures géométriques (trapèzes, triangles) et zoomorphiques (poissons, oiseaux…) visibles uniquement du ciel. Du moins c’est ce qui ne cesse d’être dit ! Car, dans les années 80, il fut démontré par l’anthropologue. Aveni que non seulement ces lignes pouvaient être vues du sol mais surtout que n’importe qui, sans technique particulière pouvait en tracer à volonté. Tombé à l’eau, l’Atlante astronaute ? Loin s’en faut.

Organisation

Il y aurait trop de mystères sur notre planète pour ne pas croire qu’une super civilisation techniquement très avancée ait existé longtemps avant nous. Les adeptes de l’archéologie fantastique évoquent ainsi constamment les fameux secrets des pyramides. Leur construction serait en l’occurrence trop technique pour de simples mortels. Voilà pourquoi certains décèlent toujours des traces de prises de courant électrique sur les murs intérieurs de la grande pyramides de Kéops ! Mais si ces théories des Atlantes génialement doués prêtent à rire, elles peuvent aussi virer au cauchemar. Le mythe de l’Atlantide n’est en effet pas étranger au mythe nazi de l’Aryen, cet athlétique géant blond aux yeux bleus de “race" germanique, sauf que ce n’est pas Solon qui visite l’Égypte mais James Churchward, un Anglais qui part en Inde …
Là bas, en 1868, un prêtre hindou lui aurait révélé l’existence du continent de Mu sur lequel se serait développé, plusieurs dizaines de milliers d’années avant notre ère, une civilisation brillante possédant une technologie de pointe.
Il y a 12 000 ans, le continent disparut bien sûr sous la mer à la suite d’un terrible cataclysme! Paru en 1926 sous le titre “Mu, le continent perdu" l’histoire combla les espérances de certaines sociétés secrètes allemandes comme celle de Thulé dont Hitler fut très proche. À coups d’arguments “scientifiques", le mythique continent perdu devint alors la patrie originelle des Aryens qui fut recherchée sous l’Himalaya ou encore sur la planète “Aldebaran"!
Mais où Platon situe-t-il son Atlantide ? À l’ouest du Détroit de Gibraltar. Il raconte que la civilisation atlante “envahissait à la fois l’Europe et l’Asie et se jetaient sur elles du fond de la mer atlantique. Car en ces temps là, on pouvait traverser cette mer. Elle avait une île, devant ce passage que vous appelez, dites-vous, les Colonnes d’Hercule” (le Détroit de Gibraltar). Cette île, ajoute Platon, “était plus grande que la Libye et l’Asie réunies, et les voyageurs de ces temps là pouvaient passer de cette île sur les autres îles, et de ces îles, ils pouvaient gagner tout le continent, sur le rivage opposé de cette mer qui méritait vraiment son nom".
Et si, les îles du philosophe étaient bien là où il l’a dit, devant le Détroit de Gibraltar entre le Maroc et l’Espagne ?
Et si, l’Atlante était en fait un génial homme de Cro-Magnon dont l’histoire rapportée par la tradition orale aurait traversé les âges ? Ce sont du moins les hypothèses de Jacques Collina Girard, un géologue et préhistorien français.

Migration

Alors qu’il étudiait la possibilité d’une zone de migration entre l’Espagne et le Maroc pour les populations préhistoriques, il découvrit un paysage englouti inattendu. L’analyse des cartes des fonds marins marocains lui révéla la présence de plusieurs îles actuellement submergées au nord-ouest du Cap Spartel mais qui étaient émergées entre 19.000 et 11.000 ans avant l’époque actuelle.
Il y a 19.000 ans, le monde se trouvait en effet dans la période la plus froide de la dernière glaciation, laquelle s’est accompagnée d’une baisse importante du niveau marin entraînant l’émersion des îles du Cap Spartel. Le niveau des eaux atteint le seuil record de -135 mètres par rapport à celui d’aujourd’hui. Suite à cette période de glaciation intense, on assiste toutefois, à un réchauffement général du climat et par conséquent à une remontée du niveau des eaux qui va au cours des derniers 10.000 ans, ensevelir l’archipel du Cap Spartel, (la vitesse de remontée atteignant parfois 2 à 4 mètres par siècle). La dernière des îles disparaît vers 9.000 avant notre ère.
C’est justement cette île engloutie devant le Détroit de Gibraltar près de 9 000 ans J-C et avant Platon qui a conduit Jacques Collina-Girard à reconsidérer le mythe de l’Atlantide d’autant plus que selon ce chercheur, le paysage décrit par Platon et celui reconstitué par la géologie se ressemblent beaucoup. Dans une étude publiée à l’automne 2001 (l’Atlantide devant le Detroit de Gibraltar? Mythe et Géologie, Comptes Rendus de l’Académie des Sciences de Paris, il note entre autre l’existence d’une mer intérieure entre les côtes espagnoles et marocaines -beaucoup plus étendues qu’aujourd’hui à cause de la baisse du niveau marin- fermée à l’ouest, juste avant l’océan atlantique, par un chapelet d’îles et à l’est par d’autres îles. Pour le scientifique, il pourrait bien s’agir de la “mer atlantique" dont parle Platon. Il ajoute qu’il était assez facile avec des moyens de navigations rudimentaires de passer d’île en île et de joindre l’un ou l’autre des continents comme l’affirmait Platon. En effet, l’île du cap Spartel n’était située qu’à 8-10 Km des continents Africains et Européens et “près du continent ibérique, trois petits îlots étaient des relais possibles vers le continent".
Selon cette interprétation, les Atlantes seraient donc à assimiler à des hommes préhistoriques de la fin du paléolithique (des hommes de Cro-Magnon) qui peuplaient ces îles. La disparition rapide de leurs territoires littoraux - “deux mètres de submersion dans une vie de 50 ans!" note Collina-Girard - aurait été un événement si traumatisant que de génération en génération, ces populations en auraient ravivé le souvenir.
Mais comment être sûr que ces îles étaient habitées? Cette présence serait attestée, non loin de là, par de nombreux sites préhistoriques sur les actuelles côtes marocaines et espagnoles du Détroit.
Entre 19.000 et 11.000 ans avant nous, les “Ibéromaurusiens", une population de chasseurs-cueilleurs arrivent brutalement sur les côtes marocaines et algériennes. On pense généralement que ces hommes modernes, qui étaient techniquement et socialement plus avancés que les autres populations préhistoriques de la même période, étaient originaires de Libye ou d’Italie.
Mais, d’après un préhistorien américain, Strauss, on retrouve à cette époque, les mêmes harpons en Espagne du sud et au Maroc.

Découverte

D’autres indices attestent par ailleurs que ces cultures présentes de chaque côté du détroit de Gibraltar pratiquaient toutes deux la pêche au large. Jusqu’ici, cependant, il semblait impossible de traverser le Détroit. Même munis de petits bateaux à moteur, les immigrants illégaux qui tentent aujourd’hui de rejoindre l’Europe y laissent bien souvent leur vie! Avec la découverte des îles du cap Spartel non seulement le passage d’un continent à l’autre devient possible pour des embarcations rudimentaires mais on est aussi amené à se demander si plus que des contacts sporadiques, il n’y a pas eu un véritable brassage social et culturel entre ces populations vivant de chaque côté du détroit. Une question qui fait de ces premiers hommes modernes des êtres plus énigmatiques et certainement plus intéressants que les fameux Atlantes de l’espace.


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Questions à Jacques Collina-Girard * qui situe l’Atlantique au cap Spartel
L’Atlantique a sombré il y a 11.000 ans



• Jacques Collina-Girard.



• Maroc Hebdo International: Des fouilles archéologiques sous marines pourraient-elles apporter la preuve que les îles du Cap Spartel étaient bel et bien occupées, il y a plus de 10 000 ans?
- Jacques Collina-Girard: C'est possible mais difficile sous cent mètres d'eau ! On ne sait pas faire des fouilles à de telles profondeurs mais on pourrait peut-être repérer des grottes immergées susceptibles de contenir encore des dépôts continentaux. Nous devrions d’ailleurs mener une expédition sous marine dans ce secteur, cet été, mais même si l’on ne trouvait rien de spectaculaire, cela ne changerait rien au fait que, situées à 8 Km de côtes habitées, les îles étaient certainement peuplées. Il n'y a même pas besoin d'y aller voir pour avoir cette certitude. Il ne faut pas non plus éliminer la possibilité de trouver ce que l'on ne cherche pas. Les vraies découvertes viennent par la tangente...
• MHI: N’êtes-vous pas en train d’attribuer des qualités surhumaines à des hommes préhistoriques lorsque vous dites qu’ils auraient conservé depuis 9 000 ans avant notre ère l’histoire de l’engloutissement des îles du détroit de Gibraltar? Même si, comme vous le rappelez, cette histoire a pu être écrite en Égypte vers – 3 000 (apparition de l’écriture), le temps écoulé demeure extrêmement long.
- Jacques Collina-Girard: L'homme d’il y a 30 000 ans était en tout point identique à nous sur le plan des capacités intellectuelles. On connaît en outre de nombreux exemples d’histoires qui ont traversé des millénaires par la parole uniquement. En Afrique, l’océanographe André Capart rapporte que lors d'une de ses campagnes sur le lac Tanganyika un pêcheur lui avait confié une légende locale qui racontait qu’il n’y avait pas un mais trois lacs. André Capart eut par la suite la surprise de vérifier cette tradition. Ces études ont prouvé que le lac Tanganyika comportait trois cuvettes bien distinctes reliées entre elles par des détroits aujourd'hui noyés. Le souvenir des 3 lacs avait traversé sans faiblir plus de trois millénaires !
La dernière histoire dont j'ai eu connaissance ramène à des événements qui ont eu lieu au nord du Canada relatés dans les mythes des indiens Gitksans. Ceux-ci faisaient état de glissements de terrain, d’éruptions volcaniques, d’assèchements de lacs, qui ont pu être vérifiés et datés par des études géologiques entre - 4 000 et -8 000 avant notre ère.


Propos recuillis par F. Lorel
* Jacques Collina-Girard est Maîtres de Conférences à l’Université d’Aix Marseille 1, il travaille au Laboratoire de la Maison Méditerranéenne des sciences de l’Homme associé au Centre National de la Recherche scientifique (CNRS)


Quatre cents ans avant notre ère, le philosophe grec Platon racontait dans deux de ses dialogues, Critias et Timée, une étrange histoire que Solon aurait rapportée deux siècles plus tôt d’un voyage en Égypte. Là bas, des prêtres lui auraient raconté comment plusieurs milliers d’années auparavant, l’Atlantide, une civilisation puissante et arrogante aurait disparu de la surface de la terre. “Il y a 9 000 ans, raconte Platon, cette île vaste comme un continent disparut dans les flots au cours d’un épouvantable cataclysme”.

Civilisation

Plus étendue que l’Afrique et l’Asie réunies, l’Atlantide était jadis gouvernée par des rois puissants qui prétendaient descendre de Poséidon. “Ces souverains possédaient des flottes innombrables sillonnant continuellement les océans, des cités magnifiques, riches et prospères (…) les Atlantes étaient maîtres d’un immense domaine englobant une grande partie de l’Europe et de l’Afrique du Nord jusqu’en Égypte" mais “de violents tremblements de terre et des déluges" mirent fin à cette domination, et “en l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit funeste…l’île Atlantide s’enfonça sous la mer".
Cette histoire est elle crédible ? Non! jurent les historiens. En aucun cas une civilisation aussi industrieuse, dotée qui plus est d’une véritable organisation politique aurait existé, il y a pour nous près de 12 000 ans. Car c’est la préhistoire ! Les premières civilisations ne sont apparues que vers 3 500 av. J.C en Mésopotamie et en Égypte! Pourtant, depuis la fin du 19ème siècle l’engouement pour ce mythe ne cesse de croître.
En 1873, Heinrich Schliemann, un archéologue allemand découvre sur la colline d’Hissarlik en Turquie, la légendaire cité de Troie. Finie la légende! s’exclame-t-on alors. Si la ville mythique d’Homère n’est pas une invention du célèbre poète alors l’Atlantide de Platon a peut-être elle aussi réellement existé. Le délire atlante va commencer.
Le premier et le plus célèbre des atlantomanes, l’anglais Ignatius Donnelly, lance en 1882 dans un livre intitulé “Atlantide, Monde Antédiluvien" une théorie qui va vite devenir une vérité indubitable pour les adeptes des sciences occultes : non seulement l’Atlantide était la première civilisation du monde, mais elle détenait aussi un immense savoir. Depuis lors, les Atlantes revêtent mille et une caractéristiques fantastiques allant du simple demi-dieu au génial extra-terrestre. Quant aux preuves de l’existence d’êtres aussi extraordinaires, elles ne manquent pas! Dans les milliers d’ouvrages et de sites Internet consacrés à l’Atlantide, on trouve presque toujours les mêmes arguments. Parmi eux, les lignes de Nazca au Pérou, qui seraient des vestiges de pistes d’atterrissage pour vaisseaux spatiaux ! Découvertes en 1939 par l’archéologue Posnanky, ces lignes ont effectivement de quoi frapper l’imaginaire puisqu’elles sont constituées de figures géométriques (trapèzes, triangles) et zoomorphiques (poissons, oiseaux…) visibles uniquement du ciel. Du moins c’est ce qui ne cesse d’être dit ! Car, dans les années 80, il fut démontré par l’anthropologue. Aveni que non seulement ces lignes pouvaient être vues du sol mais surtout que n’importe qui, sans technique particulière pouvait en tracer à volonté. Tombé à l’eau, l’Atlante astronaute ? Loin s’en faut.

Organisation

Il y aurait trop de mystères sur notre planète pour ne pas croire qu’une super civilisation techniquement très avancée ait existé longtemps avant nous. Les adeptes de l’archéologie fantastique évoquent ainsi constamment les fameux secrets des pyramides. Leur construction serait en l’occurrence trop technique pour de simples mortels. Voilà pourquoi certains décèlent toujours des traces de prises de courant électrique sur les murs intérieurs de la grande pyramides de Kéops ! Mais si ces théories des Atlantes génialement doués prêtent à rire, elles peuvent aussi virer au cauchemar. Le mythe de l’Atlantide n’est en effet pas étranger au mythe nazi de l’Aryen, cet athlétique géant blond aux yeux bleus de “race" germanique, sauf que ce n’est pas Solon qui visite l’Égypte mais James Churchward, un Anglais qui part en Inde …
Là bas, en 1868, un prêtre hindou lui aurait révélé l’existence du continent de Mu sur lequel se serait développé, plusieurs dizaines de milliers d’années avant notre ère, une civilisation brillante possédant une technologie de pointe.
Il y a 12 000 ans, le continent disparut bien sûr sous la mer à la suite d’un terrible cataclysme! Paru en 1926 sous le titre “Mu, le continent perdu" l’histoire combla les espérances de certaines sociétés secrètes allemandes comme celle de Thulé dont Hitler fut très proche. À coups d’arguments “scientifiques", le mythique continent perdu devint alors la patrie originelle des Aryens qui fut recherchée sous l’Himalaya ou encore sur la planète “Aldebaran"!
Mais où Platon situe-t-il son Atlantide ? À l’ouest du Détroit de Gibraltar. Il raconte que la civilisation atlante “envahissait à la fois l’Europe et l’Asie et se jetaient sur elles du fond de la mer atlantique. Car en ces temps là, on pouvait traverser cette mer. Elle avait une île, devant ce passage que vous appelez, dites-vous, les Colonnes d’Hercule” (le Détroit de Gibraltar). Cette île, ajoute Platon, “était plus grande que la Libye et l’Asie réunies, et les voyageurs de ces temps là pouvaient passer de cette île sur les autres îles, et de ces îles, ils pouvaient gagner tout le continent, sur le rivage opposé de cette mer qui méritait vraiment son nom".
Et si, les îles du philosophe étaient bien là où il l’a dit, devant le Détroit de Gibraltar entre le Maroc et l’Espagne ?
Et si, l’Atlante était en fait un génial homme de Cro-Magnon dont l’histoire rapportée par la tradition orale aurait traversé les âges ? Ce sont du moins les hypothèses de Jacques Collina Girard, un géologue et préhistorien français.

Migration

Alors qu’il étudiait la possibilité d’une zone de migration entre l’Espagne et le Maroc pour les populations préhistoriques, il découvrit un paysage englouti inattendu. L’analyse des cartes des fonds marins marocains lui révéla la présence de plusieurs îles actuellement submergées au nord-ouest du Cap Spartel mais qui étaient émergées entre 19.000 et 11.000 ans avant l’époque actuelle.
Il y a 19.000 ans, le monde se trouvait en effet dans la période la plus froide de la dernière glaciation, laquelle s’est accompagnée d’une baisse importante du niveau marin entraînant l’émersion des îles du Cap Spartel. Le niveau des eaux atteint le seuil record de -135 mètres par rapport à celui d’aujourd’hui. Suite à cette période de glaciation intense, on assiste toutefois, à un réchauffement général du climat et par conséquent à une remontée du niveau des eaux qui va au cours des derniers 10.000 ans, ensevelir l’archipel du Cap Spartel, (la vitesse de remontée atteignant parfois 2 à 4 mètres par siècle). La dernière des îles disparaît vers 9.000 avant notre ère.
C’est justement cette île engloutie devant le Détroit de Gibraltar près de 9 000 ans J-C et avant Platon qui a conduit Jacques Collina-Girard à reconsidérer le mythe de l’Atlantide d’autant plus que selon ce chercheur, le paysage décrit par Platon et celui reconstitué par la géologie se ressemblent beaucoup. Dans une étude publiée à l’automne 2001 (l’Atlantide devant le Detroit de Gibraltar? Mythe et Géologie, Comptes Rendus de l’Académie des Sciences de Paris, il note entre autre l’existence d’une mer intérieure entre les côtes espagnoles et marocaines -beaucoup plus étendues qu’aujourd’hui à cause de la baisse du niveau marin- fermée à l’ouest, juste avant l’océan atlantique, par un chapelet d’îles et à l’est par d’autres îles. Pour le scientifique, il pourrait bien s’agir de la “mer atlantique" dont parle Platon. Il ajoute qu’il était assez facile avec des moyens de navigations rudimentaires de passer d’île en île et de joindre l’un ou l’autre des continents comme l’affirmait Platon. En effet, l’île du cap Spartel n’était située qu’à 8-10 Km des continents Africains et Européens et “près du continent ibérique, trois petits îlots étaient des relais possibles vers le continent".
Selon cette interprétation, les Atlantes seraient donc à assimiler à des hommes préhistoriques de la fin du paléolithique (des hommes de Cro-Magnon) qui peuplaient ces îles. La disparition rapide de leurs territoires littoraux - “deux mètres de submersion dans une vie de 50 ans!" note Collina-Girard - aurait été un événement si traumatisant que de génération en génération, ces populations en auraient ravivé le souvenir.
Mais comment être sûr que ces îles étaient habitées? Cette présence serait attestée, non loin de là, par de nombreux sites préhistoriques sur les actuelles côtes marocaines et espagnoles du Détroit.
Entre 19.000 et 11.000 ans avant nous, les “Ibéromaurusiens", une population de chasseurs-cueilleurs arrivent brutalement sur les côtes marocaines et algériennes. On pense généralement que ces hommes modernes, qui étaient techniquement et socialement plus avancés que les autres populations préhistoriques de la même période, étaient originaires de Libye ou d’Italie.
Mais, d’après un préhistorien américain, Strauss, on retrouve à cette époque, les mêmes harpons en Espagne du sud et au Maroc.

Découverte

D’autres indices attestent par ailleurs que ces cultures présentes de chaque côté du détroit de Gibraltar pratiquaient toutes deux la pêche au large. Jusqu’ici, cependant, il semblait impossible de traverser le Détroit. Même munis de petits bateaux à moteur, les immigrants illégaux qui tentent aujourd’hui de rejoindre l’Europe y laissent bien souvent leur vie! Avec la découverte des îles du cap Spartel non seulement le passage d’un continent à l’autre devient possible pour des embarcations rudimentaires mais on est aussi amené à se demander si plus que des contacts sporadiques, il n’y a pas eu un véritable brassage social et culturel entre ces populations vivant de chaque côté du détroit. Une question qui fait de ces premiers hommes modernes des êtres plus énigmatiques et certainement plus intéressants que les fameux Atlantes de l’espace.


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Questions à Jacques Collina-Girard * qui situe l’Atlantique au cap Spartel
L’Atlantique a sombré il y a 11.000 ans



• Jacques Collina-Girard.



• Maroc Hebdo International: Des fouilles archéologiques sous marines pourraient-elles apporter la preuve que les îles du Cap Spartel étaient bel et bien occupées, il y a plus de 10 000 ans?
- Jacques Collina-Girard: C'est possible mais difficile sous cent mètres d'eau ! On ne sait pas faire des fouilles à de telles profondeurs mais on pourrait peut-être repérer des grottes immergées susceptibles de contenir encore des dépôts continentaux. Nous devrions d’ailleurs mener une expédition sous marine dans ce secteur, cet été, mais même si l’on ne trouvait rien de spectaculaire, cela ne changerait rien au fait que, situées à 8 Km de côtes habitées, les îles étaient certainement peuplées. Il n'y a même pas besoin d'y aller voir pour avoir cette certitude. Il ne faut pas non plus éliminer la possibilité de trouver ce que l'on ne cherche pas. Les vraies découvertes viennent par la tangente...
• MHI: N’êtes-vous pas en train d’attribuer des qualités surhumaines à des hommes préhistoriques lorsque vous dites qu’ils auraient conservé depuis 9 000 ans avant notre ère l’histoire de l’engloutissement des îles du détroit de Gibraltar? Même si, comme vous le rappelez, cette histoire a pu être écrite en Égypte vers – 3 000 (apparition de l’écriture), le temps écoulé demeure extrêmement long.
- Jacques Collina-Girard: L'homme d’il y a 30 000 ans était en tout point identique à nous sur le plan des capacités intellectuelles. On connaît en outre de nombreux exemples d’histoires qui ont traversé des millénaires par la parole uniquement. En Afrique, l’océanographe André Capart rapporte que lors d'une de ses campagnes sur le lac Tanganyika un pêcheur lui avait confié une légende locale qui racontait qu’il n’y avait pas un mais trois lacs. André Capart eut par la suite la surprise de vérifier cette tradition. Ces études ont prouvé que le lac Tanganyika comportait trois cuvettes bien distinctes reliées entre elles par des détroits aujourd'hui noyés. Le souvenir des 3 lacs avait traversé sans faiblir plus de trois millénaires !
La dernière histoire dont j'ai eu connaissance ramène à des événements qui ont eu lieu au nord du Canada relatés dans les mythes des indiens Gitksans. Ceux-ci faisaient état de glissements de terrain, d’éruptions volcaniques, d’assèchements de lacs, qui ont pu être vérifiés et datés par des études géologiques entre - 4 000 et -8 000 avant notre ère.


Propos recuillis par F. Lorel
* Jacques Collina-Girard est Maîtres de Conférences à l’Université d’Aix Marseille 1, il travaille au Laboratoire de la Maison Méditerranéenne des sciences de l’Homme associé au Centre National de la Recherche scientifique (CNRS)
 
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