Ksar d'Assa
Assa : La vie revient au ksar
Surplombant la ville nouvelle d'Assa avec ses habitations modernes et ses rues asphaltées, « l'borj » (une haute tour) attire, de loin, le regard. Elle ressurgit du passé pour rappeler les périodes fastes de l'Histoire locale, qui allaient être enterrées, à jamais. Cette tour fait partie du ksar de la zaouïa d'Assa, actuellement en cours de reconstruction. « Non, de résurrection », tient à préciser les Ihchach, descendants d' « amghar » (le chef) Lahoucine Oumbarek Benabdellah Benabderrahmane Ben U Ali Ahchouch. C'est cet « amghar » qui, avait dans le passé régné en maître, élu, sur le ksar. Ce haut lieu d'Histoire s'étale sur une superficie de 7 ha. Il revient à la vie et, du coup, la vie y revient, grâce au travail d'orfèvre de Salima Naji (voir interview et portrait de cette architecte atypique).
Le chantier du ksar a été lancé vers la fin de 2005. En cette période-là, Salima Naji avait entrepris les études préliminaires à la demande de Ahmed Hajji, responsable de l'Agence du Sud. Depuis, l'architecte se bat, avec grande détermination, pour voir ce projet entièrement achevé. Elle a commencé la construction de la partie haute du ksar et envisage actuellement, avec grande joie, d'entamer la restauration de la partie basse.
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Devoir de mémoire
Le chantier de reconstruction du ksar a contribué à réconcilier des habitants d'Assa avec leur Histoire. Tous ceux, jeunes et moins jeunes, que nous avons rencontrés savent désormais, avec aisance et joie, raconter le passé si lointain de leurs ancêtres. De leur narration, on retiendra qu'en ce lieu, avaient cohabité différentes tribus dans le cadre d'une organisation sociale bien codifiée. Idaw-Mellil, la partie haute du ksar, était habitée par Ihchach, Aït Bahmane, Aït Bziz, Aït Baha et Aït Uhaik. Idaw-Nguit, la partie basse, était occupée notamment par les Ihrassen, Aït Ouàddi... Dans les deux parties, chaque communauté avait sa mosquée, son cimetière, son grenier collectif. Issus de sept lignages qui avaient chacun une porte d'accès à son quartier, tous les habitants du ksar cohabitaient en paix. Ils étaient gouvernés, un certain temps, par un « amghar » (chef), selon la reconstitution de l'Histoire locale à travers des actes adulaires de l'époque et la mémoire collective. Elu par les habitants du ksar, c'était lui qui organisait, par écrit, le tour de rôle de l'accès à l'eau de l'irrigation, les rondes de surveillance... C'était lui également qui imposait des sanctions en cas d'infraction aux règles établies. Ces sanctions se déclinaient surtout en obligation de nourrir un certain nombre d'habitants du ksar...
Une fois restauré, le ksar pourra raconter son histoire passionnante à travers notamment le musée que les Ihchach comptent ouvrir au public et à travers tous ceux qui connaissent ses secrets.
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Interview
Salima Naji, architecte et anthropologue, responsable du projet du ksar d'Assa :
En quoi consiste la restauration du ksar d'Assa ?
Ce n'est pas une simple restauration, mais une réhabilitation d'un lieu multiséculaire. Ce projet patrimonial impulsé par l'Agence du Sud, répond à une double-exigence : donner au Ksar, la possibilité de renaître avec un projet fédérateur, respectueux de l'Histoire du lieu, des procédés constructifs et de l'identité locale, tout en permettant le lancement d'activités génératrices de revenus.
Est-ce que le projet avance bien ?
Nous aurons bien avancé lorsque les porteurs de projets auront commencé. Pour le moment, nous nous sommes occupés essentiellement des biens communautaires : les mosquées, les passages... Dans un deuxième temps, nous nous occuperons de tout ce qui est bien privé. À partir de là, vont surgir quelques problèmes que nous aurons à régler. Ce n'est qu'à la suite de cela qu'on pourra encore mieux avancer. Ce qui nous donne beaucoup d'espoir, c'est que le projet, dans sa cohérence, a été bien compris. Il y a une vraie envie de construire un écrin à la hauteur du rêve culturel qu'inspire le ksar.
A qui ce projet est-il destiné ?
Ce projet est destiné aux gens du ksar et il est fait surtout avec les gens du ksar. Il n'est pas question qu'il en soit autrement. Une fois le projet terminé, il ne s'agira pas de mettre des gens dans une réserve où passe un touriste, photographie, ne s'arrête jamais... Et finalement ne rencontre pas la culture de l'autre. Parce que la culture des Aït Ussa (NDLR : habitants du ksar) représente le lien entre la montagne et le désert. Elle est d'une très grande valeur.
Maintenant que des parties du ksar ressortent de terre, ne craignez-vous pas que des prédateurs du patrimoine versent dans la spéculation ?
Si la spéculation bât son plein et que les gens ne s'en tiennent qu'à gagner de l'argent rapidement et oublient l'importance de leurs racines, ils passeront à côté de leur ksar. Ils en feront ainsi un nième Aït Benhaddou. C'est à dire une nième coquille vide. Un triste sort que je ne souhaite pas pour ce lieu qui est d'une richesse inestimable en patrimoine immatériel.
Salima Naji, l'infatigable
Salima Naji est architecte DPLG (diplômée de l'École d'architecture de Paris-La-Villette). Elle est aussi anthropologue (doctorante à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris), diplômée du Laboratoire de Troisième cycle Arts, Esthétiques Sciences et Technologies de l'Image (Paris VIII), plasticienne et spécialiste du patrimoine.
S. Naji est l'auteur de nombreux articles et de trois ouvrages de référence sur les architectures vernaculaires du Sud marocain. Edité par les maisons d'édition « La Croisée des chemins » et « Edisud », « Greniers collectifs de l'Atlas -patrimoines du Sud Marocain- » est son dernier ouvrage en date. Il est sorti en librairie, au Maroc et en France, en décembre 2006.
Auparavant, Salima Naji l'architecte, a reçu le Prix Jeunes Architectes, de la Fondation EDF en juin 2004. C'est à elle que la ville d'Agadir doit le porche de porte en terre qui trône depuis maintenant quatre ans devant le musée berbère. Et ce n'est là que l'une de ses petites signatures.
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Assa célèbre l'espoir
La section locale de l'association « Tamaynut », soutenue par la province d'Assa-Zag, a organisé du 24 au 27 mai dans le Ksar d'Assa un festival qui était haut en couleurs. Des troupes musicales amazighes d'Assa et de Tantan, ont dansé et chanté pour le ksar. Elles ont ainsi célébré l'espoir en l'avenir de ce symbole historique de la ville. Et, dans un geste hautement symbolique, c'est sur la scène en plein air du ksar qu'elles ont choisi de le faire.
Vieux et jeunes, hommes et femmes, se sont donnés la voix pour exprimer leur fierté d'être sur les traces de leurs ancêtres. Sur un sol chargé d'Histoire, ils ont entamé les festivités par l'organisation d'une cérémonie « amehdare ». Laquelle honore un jeune qui vient d'apprendre les soixante sourates du Coran. Du lait, des œufs et des chants lui sont dédiés à l'occasion. Dans la joie, un mariage a été simulé. Portée par ses proches, la mariée est arrivée sous les youyous de ses accompagnatrices. La fête pouvait commencer au pas de danse des troupes de « ahwache ». Lesquelles se sont succédées jusqu'à la tombée de la nuit. L'assistance venue nombreuse partager ses moments de joie a été émerveillée.
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Laâlou Bouchaïb Monsieur projets de développement d'Assa
Laâlou Bouchaïb, 31 ans, licencié en droit, s'est formé sur le terrain de l'action associative. Entre autres projets qu'il a pilotés, il cite celui de l'adduction, en 2001, de l'eau potable à 11 douars dans la commune Aït Bouelli, à la frontière entre Azilal et Ouarzazate. « C'est à 3000 m d'altitude ». Après avoir suivi plusieurs formations avec différents organismes nationaux et internationaux, il est envoyé en mai 2006 par l'Agence du Sud (ADS) en mission d'appui aux projets lancés dans le cadre de l'INDH à Assa. Depuis, il n'a plus quitté la ville des 366 saints. Il a lancé la Maison de l'Initiative d'Assa où il reçoit de nombreux porteurs de projets qu'il conseille, encadre, accompagne, apaise quand il le faut...
Soutenu par le gouverneur de la ville qu'il considère comme agent de développement et non d'autorité, Bouchaïb travaille seul, le jour et parfois une partie de la nuit, pour que les projets qui lui sont soumis se concrétisent. C'est grâce à son expertise que la première pâtisserie d'Assa, par exemple, a vu le jour et que d'autres projets dans d'autres domaines suivront.
Source:
http://www.lereporter.ma/article.php3?id_article=4039