Takfarinas
New Member
Lecture dans « Les trois rois » : (première partie))
Les guillemets s’ouvrent sur une mystification
« Les trois rois » d’Ignace Dalle (fayard), volumineux, n’est pas inutile. C’est un travail de documentation important qui pourrait être profitable à tous ceux qui sauraient se départir des partis pris de son auteur. Il entend juger la face connue et dévoiler celle cachée de « la monarchie marocaine de l’indépendance à nos jours ». Le Marocain y dénichera en partie les ressorts de l’hostilité d’une certaine France à l’égard du royaume. Le profane du Maroc y trouvera peut-être quelque chose à découvrir. Mais il lui faudra se méfier des lectures erronées des évènements et des rumeurs élevées au rang de faits.
En trois parties : Les guillemets s’ouvrent sur une mystification ; Un billet pour ramener le Roi de sa lune ; Ces Ordonnances devenues les bons samaritains de l’armée ; Naïm KAMAL dissèque et raconte un ouvrage qui aurait pu être une œuvre rare sur le Maroc.
On n’est jamais assez prudent. L’auteur de l’ouvrage, « Les TROIS ROIS », le sait et c’est fort probablement cette conscience qui le pousse à achever son avant-propos par un sage « il reste tant à faire ». Au terme de huit cent dix-huit pages de vertigo, Ignace Dalle a pu garder suffisamment de lucidité pour se rendre compte qu’il était très difficile de faire œuvre d’historien « dans ce Maroc si complexe ». Ce faisant il s’est libéré à peu de frais des contraintes et de la rigueur que lui imposerait une telle démarche pour donner libre cours à sa subjectivité. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il s’est livré à un travail colossal même si cette besogne de bûcheron a consisté à faire des coupes claires dans la littérature sur le Maroc pour n’en dégager que la partie sombre.
Écrit à l’encre de l’agencier sans fioriture mais sans imagination non plus, il faut de la patience pour le lire. Ouvrez les guillemets, fermez les guillemets. Plus de la moitié de l’ouvrage est faite de références à une riche bibliographie et de citations prélevées sur les interviews réalisées par l’auteur avec plusieurs acteurs de la politique marocaine. De ce point de vue, il faut rendre hommage à Ignace Dalle auprès duquel tout doctorant sur l’histoire récente du Maroc pourrait trouver une documentation et une bibliographie fort utiles s’il arrive à la dépolluer des jugements de valeur de l’auteur. Autant ce travail par son importance mérite toutes les louanges, autant les finalités qu’il sert portent préjudice à une œuvre qui aurait pu être rare si l’auteur n’avait succombé à ses démons.
Avant même qu’I. Dalle n’ait entamé les recherches nécessaires à son ouvrage sa religion était faite.
Sur le Maroc, sur sa monarchie, sur ses Marocains. Les pieds dans l’eau, la tête dans sa conclusion, la quête de l’auteur dans les merveilleux instruments qu’il s’est donné la peine de décortiquer se bornera à y dénicher ce qui tombe sous le sens de son dessein. Son aversion épidermique, cutanée et sous cutanée, pour Hassan II, l’antipathie que lui inspire l’Istiqlal dit orthodoxe, le peu d’indulgence, à laquelle seuls Benbarka et quelques uns de ses amis échappent, qu’il a pour les socialistes de l’USFP « accusés » pratiquement de « collaboration » avec la monarchie, son faible pour des pro français sortis à un moment de la féodalité caïdale du monde rural et du sérail de l’administration coloniale altèrent sérieusement la qualité d’un ouvrage qui est passé à côté de l’œuvre.
Commençons par tordre le cou à une mystification : contrairement à ce qui a été écrit ici et là, ce livre qui élève souvent la rumeur au rang de fait, anobli le ragot, ne dévoile aucun secret. Il n’y a rien dedans qu’on n’ait déjà lu ou entendu, à deux ou trois petites choses près ; le conflit algéro-marocain de 1963 et les télégrammes de l’ambassade de France à Rabat. Sur le premier, l’auteur réserve plutôt un accueil favorable aux positions marocaines et écorche l’attitude d’Alger en reconnaissant, via Sophie Jacquin, ancien porte parole de la MINURSO au Sahara, que le Maroc a été berné par l’Algérie sur la question des frontières. Mais sa générosité ne va guère plus loin. Sa compréhension est vite viciée par l’évocation de l’aide des anciens occupants au Maroc et l’occultation du soutien soviétique à l’Algérie. Oubliant que lui-même assure, contrairement à une idée reçue, que ce sont les voisins qui ont attaqué les premiers, il ne tarde pas trop à retomber dans ses premières amours en consacrant sa chute aux opposants marocains qui n’y ont vu qu’une guerre néo-coloniale et impérialiste contre la révolution algérienne (pages 298 à 307). Pas tout à fait une vraie découverte ni une révélation, la citation de télégrammes de la chancellerie française à Rabat adressés au Quai d’Orsay offre néanmoins un modèle du sort qui est réservé à toute discussion avec un membre d’ambassade.
À son insu, l’ouvrage livre une clé de ce qui anime souvent l’hostilité de certains milieux français, qu’ils soient de droite ou de gauche, à la monarchie marocaine. Mohammed V, de projet de « Roi marionette » à père de l’indépendance, n’en finit pas, quarante-trois ans après son décès, d’irriter (pages 26, 28, 32, 87). L’hospitalité et la liberté de mouvement offertes aux fellagas du FLN algérien a fini par les remontre irréversiblement contre une monarchie que les Français croient avoir sauvé. Et si, fait inédit jusque-là, on assiste à une tentative de battre en brèche le premier des trois rois, c’est parce que « sa popularité semble avoir immunisé le trône alaouite des assauts de la modernité » (page 760). La démythification de celui que les Marocains ont vu dans la lune participe donc de l’œuvre entreprise par ce livre et par d’autres de la même eau : la déstabilisation de la monarchie par sa banalisation. S’il n’est pas interdit de concevoir une telle désacralisation au nom du progrès, il faudrait bien préciser que cette « modernité » qui n’a pas eu de prise sur le trône alaouite paraît, avec les instruments de mesure qui sont les nôtres aujourd’hui, peu recommandable. Sous la plume de l’auteur, elle n’est que voies sans issue : « nasserisme en Egypte, baâthisme en Irak » et leurs avatars au Maghreb (idem).
Tautologique et répétitif à l’excès, l’ouvrage pêche par son manque de discernement. Il n’a pu ainsi mettre en perspective l’évolution du Maroc à la lumière des développements mondiaux. Dommage.
Car l’auteur avait pour lui le recul de la rétrospective : l’implosion de l’Union soviétique, la chute du mur de Berlin, les effets désastreux de ceux-ci mais aussi du discours mitterrandiste de La Baulle sur l’Afrique, la fin en queue-de-poisson de la révolution algérienne, la mue dans notre sphère de régimes à parti unique en républiques héréditaires, etc.
Autrement mieux outillé et surtout plus honnête, Régis Debray, dans une prenante introspection de sa vie politique, écrit dans « loués soient nos seigneurs » : « en 1970 je détestais toujours (et légitimement) le pouvoir marocain, et admirais le fier nationalisme algérien. Vingt ans après, force est de constater que le roi du Maroc, aussi grand comme politique qu’antipathique comme individu, a fait un pays vivable, où l’on peut respirer, s’exprimer, lire et penser, tandis que les héros de la révolution algérienne, individuellement si estimables, ont engendré l’Algérie que l’on sait ». Marcher ainsi sur ses sentiments tout en les rappelant, il faut être Régis Debray, ce que n’est pas - lapalissade - I. Dalle. Sans la consistance intellectuelle et l’exigence qui en découle du philosophe et ancien baroudeur révolutionnaire intime des principes de « distanciation » de Brecht, l’auteur des « trois rois » a été incapable de se défamiliariser avec son épiderme et a préféré à l’examen rigoureux des faits le tiers-mondisme paternaliste dont on croise encore quelques beaux spécimens dans ce magnifique réduit de l’utopie qu’est le Monde diplomatique. Du coup il s’est fermé à double tour les voies pénétrables de la compréhension pour saisir les biens faits, relatifs sans doute mais biens faits tout de même, de la progressivité, économe en souffrances et en vies humaines, dans laquelle les Marocains ont inscrit la construction de leur démocratie.
L’eut-il fait qu’il n’y aurait pas eu de livre. Tenir compte de l’impasse où se sont retrouvés les pays de l’Est ou de l’échec lamentable des choix idéologiques qui ont sous-tendu la construction des systèmes socialisants au lendemain des indépendances de l’Afrique et de certains pays arabes revenait à délégitimer l’alternative, dont l’auteur se fait l’avocat, qu’opposaient les adversaires de Hassan II aux choix que le défunt souverain avait retenu pour le Maroc. Considérer comme plausible le scénario de la reproduction par la gauche marocaine des systèmes totalitaires à base de socialisme abâtardi rendrait également quelque part compréhensible sinon légitime la violence avec laquelle le régime répondait à ses adversaires. M. Dalle ne serait alors plus fondé de mettre entre guillemets et en doute les complots, aujourd’hui avérés, contre la monarchie ni évoquer (p 205) le limogeage du gouvernement de Abdellah Ibrahim en des termes qui arrangent son préconçu : l’opposition de deux conceptions du Maroc, celle du pouvoir, forcément « théocratique et féodale », et celle de l’opposition de gauche qui ciblerait « un État moderne, démocratique et progressiste. »
Un résidu de conscience l’amène naturellement à effleurer le dilemme de la viabilité de cette dernière option, mais sans le courage d’aller au fond du sujet pour dévoiler ce que pouvait receler en vérité cette conception dans le contexte des années soixante. Pourtant la question est toute simple : le « génie marocain » pour lequel l’auteur a si peu d’estime, pouvait-il déboucher avec les agrégats idéologiques de l’époque sur autre chose de mieux que l’Algérie de Boumedienne, l’Egypte de Nasser, la Roumanie de Ceausescu, Cuba du lider Maximo si ce n’est la Zambie de Mugabé ?
Occultant les faits tels qu’ils ont eu lieu et non tels qu’ils devaient se dérouler, il établit à sa guise la ligne de démarcation entre le bien et le mal, les bons et les méchants. Il peut alors sans cas de conscience s’extasier devant Rémy Leveau qu’il cite affirmant, en clair et en français dans le texte, que Mehdi Ben Barka voulait le parti unique mais s’est heurté à « l’incompétence des hommes » .
source: http://www.lopinion.ma/article.php3?id_article=5903
Les guillemets s’ouvrent sur une mystification
« Les trois rois » d’Ignace Dalle (fayard), volumineux, n’est pas inutile. C’est un travail de documentation important qui pourrait être profitable à tous ceux qui sauraient se départir des partis pris de son auteur. Il entend juger la face connue et dévoiler celle cachée de « la monarchie marocaine de l’indépendance à nos jours ». Le Marocain y dénichera en partie les ressorts de l’hostilité d’une certaine France à l’égard du royaume. Le profane du Maroc y trouvera peut-être quelque chose à découvrir. Mais il lui faudra se méfier des lectures erronées des évènements et des rumeurs élevées au rang de faits.
En trois parties : Les guillemets s’ouvrent sur une mystification ; Un billet pour ramener le Roi de sa lune ; Ces Ordonnances devenues les bons samaritains de l’armée ; Naïm KAMAL dissèque et raconte un ouvrage qui aurait pu être une œuvre rare sur le Maroc.
On n’est jamais assez prudent. L’auteur de l’ouvrage, « Les TROIS ROIS », le sait et c’est fort probablement cette conscience qui le pousse à achever son avant-propos par un sage « il reste tant à faire ». Au terme de huit cent dix-huit pages de vertigo, Ignace Dalle a pu garder suffisamment de lucidité pour se rendre compte qu’il était très difficile de faire œuvre d’historien « dans ce Maroc si complexe ». Ce faisant il s’est libéré à peu de frais des contraintes et de la rigueur que lui imposerait une telle démarche pour donner libre cours à sa subjectivité. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il s’est livré à un travail colossal même si cette besogne de bûcheron a consisté à faire des coupes claires dans la littérature sur le Maroc pour n’en dégager que la partie sombre.
Écrit à l’encre de l’agencier sans fioriture mais sans imagination non plus, il faut de la patience pour le lire. Ouvrez les guillemets, fermez les guillemets. Plus de la moitié de l’ouvrage est faite de références à une riche bibliographie et de citations prélevées sur les interviews réalisées par l’auteur avec plusieurs acteurs de la politique marocaine. De ce point de vue, il faut rendre hommage à Ignace Dalle auprès duquel tout doctorant sur l’histoire récente du Maroc pourrait trouver une documentation et une bibliographie fort utiles s’il arrive à la dépolluer des jugements de valeur de l’auteur. Autant ce travail par son importance mérite toutes les louanges, autant les finalités qu’il sert portent préjudice à une œuvre qui aurait pu être rare si l’auteur n’avait succombé à ses démons.
Avant même qu’I. Dalle n’ait entamé les recherches nécessaires à son ouvrage sa religion était faite.
Sur le Maroc, sur sa monarchie, sur ses Marocains. Les pieds dans l’eau, la tête dans sa conclusion, la quête de l’auteur dans les merveilleux instruments qu’il s’est donné la peine de décortiquer se bornera à y dénicher ce qui tombe sous le sens de son dessein. Son aversion épidermique, cutanée et sous cutanée, pour Hassan II, l’antipathie que lui inspire l’Istiqlal dit orthodoxe, le peu d’indulgence, à laquelle seuls Benbarka et quelques uns de ses amis échappent, qu’il a pour les socialistes de l’USFP « accusés » pratiquement de « collaboration » avec la monarchie, son faible pour des pro français sortis à un moment de la féodalité caïdale du monde rural et du sérail de l’administration coloniale altèrent sérieusement la qualité d’un ouvrage qui est passé à côté de l’œuvre.
Commençons par tordre le cou à une mystification : contrairement à ce qui a été écrit ici et là, ce livre qui élève souvent la rumeur au rang de fait, anobli le ragot, ne dévoile aucun secret. Il n’y a rien dedans qu’on n’ait déjà lu ou entendu, à deux ou trois petites choses près ; le conflit algéro-marocain de 1963 et les télégrammes de l’ambassade de France à Rabat. Sur le premier, l’auteur réserve plutôt un accueil favorable aux positions marocaines et écorche l’attitude d’Alger en reconnaissant, via Sophie Jacquin, ancien porte parole de la MINURSO au Sahara, que le Maroc a été berné par l’Algérie sur la question des frontières. Mais sa générosité ne va guère plus loin. Sa compréhension est vite viciée par l’évocation de l’aide des anciens occupants au Maroc et l’occultation du soutien soviétique à l’Algérie. Oubliant que lui-même assure, contrairement à une idée reçue, que ce sont les voisins qui ont attaqué les premiers, il ne tarde pas trop à retomber dans ses premières amours en consacrant sa chute aux opposants marocains qui n’y ont vu qu’une guerre néo-coloniale et impérialiste contre la révolution algérienne (pages 298 à 307). Pas tout à fait une vraie découverte ni une révélation, la citation de télégrammes de la chancellerie française à Rabat adressés au Quai d’Orsay offre néanmoins un modèle du sort qui est réservé à toute discussion avec un membre d’ambassade.
À son insu, l’ouvrage livre une clé de ce qui anime souvent l’hostilité de certains milieux français, qu’ils soient de droite ou de gauche, à la monarchie marocaine. Mohammed V, de projet de « Roi marionette » à père de l’indépendance, n’en finit pas, quarante-trois ans après son décès, d’irriter (pages 26, 28, 32, 87). L’hospitalité et la liberté de mouvement offertes aux fellagas du FLN algérien a fini par les remontre irréversiblement contre une monarchie que les Français croient avoir sauvé. Et si, fait inédit jusque-là, on assiste à une tentative de battre en brèche le premier des trois rois, c’est parce que « sa popularité semble avoir immunisé le trône alaouite des assauts de la modernité » (page 760). La démythification de celui que les Marocains ont vu dans la lune participe donc de l’œuvre entreprise par ce livre et par d’autres de la même eau : la déstabilisation de la monarchie par sa banalisation. S’il n’est pas interdit de concevoir une telle désacralisation au nom du progrès, il faudrait bien préciser que cette « modernité » qui n’a pas eu de prise sur le trône alaouite paraît, avec les instruments de mesure qui sont les nôtres aujourd’hui, peu recommandable. Sous la plume de l’auteur, elle n’est que voies sans issue : « nasserisme en Egypte, baâthisme en Irak » et leurs avatars au Maghreb (idem).
Tautologique et répétitif à l’excès, l’ouvrage pêche par son manque de discernement. Il n’a pu ainsi mettre en perspective l’évolution du Maroc à la lumière des développements mondiaux. Dommage.
Car l’auteur avait pour lui le recul de la rétrospective : l’implosion de l’Union soviétique, la chute du mur de Berlin, les effets désastreux de ceux-ci mais aussi du discours mitterrandiste de La Baulle sur l’Afrique, la fin en queue-de-poisson de la révolution algérienne, la mue dans notre sphère de régimes à parti unique en républiques héréditaires, etc.
Autrement mieux outillé et surtout plus honnête, Régis Debray, dans une prenante introspection de sa vie politique, écrit dans « loués soient nos seigneurs » : « en 1970 je détestais toujours (et légitimement) le pouvoir marocain, et admirais le fier nationalisme algérien. Vingt ans après, force est de constater que le roi du Maroc, aussi grand comme politique qu’antipathique comme individu, a fait un pays vivable, où l’on peut respirer, s’exprimer, lire et penser, tandis que les héros de la révolution algérienne, individuellement si estimables, ont engendré l’Algérie que l’on sait ». Marcher ainsi sur ses sentiments tout en les rappelant, il faut être Régis Debray, ce que n’est pas - lapalissade - I. Dalle. Sans la consistance intellectuelle et l’exigence qui en découle du philosophe et ancien baroudeur révolutionnaire intime des principes de « distanciation » de Brecht, l’auteur des « trois rois » a été incapable de se défamiliariser avec son épiderme et a préféré à l’examen rigoureux des faits le tiers-mondisme paternaliste dont on croise encore quelques beaux spécimens dans ce magnifique réduit de l’utopie qu’est le Monde diplomatique. Du coup il s’est fermé à double tour les voies pénétrables de la compréhension pour saisir les biens faits, relatifs sans doute mais biens faits tout de même, de la progressivité, économe en souffrances et en vies humaines, dans laquelle les Marocains ont inscrit la construction de leur démocratie.
L’eut-il fait qu’il n’y aurait pas eu de livre. Tenir compte de l’impasse où se sont retrouvés les pays de l’Est ou de l’échec lamentable des choix idéologiques qui ont sous-tendu la construction des systèmes socialisants au lendemain des indépendances de l’Afrique et de certains pays arabes revenait à délégitimer l’alternative, dont l’auteur se fait l’avocat, qu’opposaient les adversaires de Hassan II aux choix que le défunt souverain avait retenu pour le Maroc. Considérer comme plausible le scénario de la reproduction par la gauche marocaine des systèmes totalitaires à base de socialisme abâtardi rendrait également quelque part compréhensible sinon légitime la violence avec laquelle le régime répondait à ses adversaires. M. Dalle ne serait alors plus fondé de mettre entre guillemets et en doute les complots, aujourd’hui avérés, contre la monarchie ni évoquer (p 205) le limogeage du gouvernement de Abdellah Ibrahim en des termes qui arrangent son préconçu : l’opposition de deux conceptions du Maroc, celle du pouvoir, forcément « théocratique et féodale », et celle de l’opposition de gauche qui ciblerait « un État moderne, démocratique et progressiste. »
Un résidu de conscience l’amène naturellement à effleurer le dilemme de la viabilité de cette dernière option, mais sans le courage d’aller au fond du sujet pour dévoiler ce que pouvait receler en vérité cette conception dans le contexte des années soixante. Pourtant la question est toute simple : le « génie marocain » pour lequel l’auteur a si peu d’estime, pouvait-il déboucher avec les agrégats idéologiques de l’époque sur autre chose de mieux que l’Algérie de Boumedienne, l’Egypte de Nasser, la Roumanie de Ceausescu, Cuba du lider Maximo si ce n’est la Zambie de Mugabé ?
Occultant les faits tels qu’ils ont eu lieu et non tels qu’ils devaient se dérouler, il établit à sa guise la ligne de démarcation entre le bien et le mal, les bons et les méchants. Il peut alors sans cas de conscience s’extasier devant Rémy Leveau qu’il cite affirmant, en clair et en français dans le texte, que Mehdi Ben Barka voulait le parti unique mais s’est heurté à « l’incompétence des hommes » .
source: http://www.lopinion.ma/article.php3?id_article=5903