Le Maroc subit l’échec de son système scolaire

agerzam

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· De plus, les facteurs sociaux pénalisent la création de richesses

· En misant sur le facteur humain, la Palestine et le Gabon surclassent le Maroc



Les années se suivent et se ressemblent pour le Maroc en matière de développement humain. Même si la population réussit à vivre plus longtemps, on a toujours du mal à améliorer les conditions d’existence. Une constatation qui conduit à l’inquiétude, étant donné le contexte concurrentiel international à l’approche des échéances fatidiques où les capacités économiques et sociales seront mises à l’épreuve.
Tout au long de la période 2001-2003, le Maroc a enregistré des croissances insignifiantes au niveau des vecteurs sociaux et économiques constituant l’Indice de développement humain (IDH). “Cette situation est essentiellement liée la conjoncture économique morose. Fortement dépendante d’un secteur agricole fragile et conjuguée à la contre-performance du secteur industriel, elle demeure incapable de faire face à la concurrence internationale”, explique Mehdi Lahlou, professeur à l’INSEA et expert économique international. Les indicateurs sociaux liés à l’IDH se sont aussi pliés sous le poids de la morosité économique. Abstraction faite de l’espérance de vie (pour les hommes et femmes) qui a atteint un niveau relativement acceptable (près de 70 ans en 2003). Les indicateurs de l’éducation sont toujours les principaux freins à l’amélioration des conditions de vie. Le taux d’alphabétisation n’a pas réussi à maintenir sa progression timide enregistrée entre 2001 et 2002 (1,8%) pour stagner à 50,7% en 2003. L’expert international considère que l’analphabétisme est “le catalyseur de la crise marocaine en matière de développement humain”, d’autant plus que ce fléau touche essentiellement les franges de population rurale incapable de s’épanouir et de sortir du gouffre de la pauvreté et de l’ignorance. “C’est ainsi que la population active rurale, qui représente presque la moitié du potentiel humain au Maroc, génère à peine 17% de la richesse nationale. Cette situation tire les performances économiques vers le bas”, ajoute-t-il. Le taux brut de scolarisation est aussi un frein important au développement humain au Maroc. Sur la période 2001-2003, ce taux n’a pas franchi le seuil des 58%. Cette situation installe des doutes imminents quant au sort des générations futures. “Le Maroc ne fait que subir l’échec de son système scolaire. Ce dernier ne permet pas à la société d’être consciente des grands défis économiques et sociaux qui l’attendent”, note Lahlou. En matière de création de richesses, le PIB par habitant enregistré au Maroc dépasse celui d’un grand nombre de pays arabes, mais reste en deçà du niveau requis pour réaliser le décollage économique. “Le PIB pris en considération par le Pnud est relatif à la parité en pouvoir d’achat. Le PIB nominal par habitant au Maroc tourne, depuis plus de cinq ans, aux alentours de 1.150 dollars par an. Ce déficit dans la création des richesses se répercute sur le niveau de vie du marocain moyen, pénalisé par l’inflation qui commence à se faire sentir, et confronté à un spectre plus élargi de besoins”, réplique Lahlou.
Largué par la plupart de ses “concurrents directs” au niveau de la région Mena, le Maroc n’a pas de quoi être fier en matière de développement humain. Les pays arabes, qui occupaient pendant longtemps une position mitoyenne et même reculée par rapport à celle du Maroc, sont arrivés à occuper des rangs avancés sur l’échelle internationale du développement humain. Cette réalité s’applique à la Tunisie, la Jordanie et même à l’Egypte, la Syrie ou la Palestine qui convoitaient, dans un passé récent, une position comparable à celle du Maroc. “Abstraction faite du contexte politique difficile vécu dans ces pays, il faut reconnaître qu’ils ont misé depuis bien longtemps sur la valorisation du facteur humain, dans le cadre d’une vision intégrée du développement socioéconomique”, réplique le professeur. Pire encore, le Maroc s’est vu dépasser par des puissances subsahariennes qui n’ont rien à envier à leur voisins nord-africains. C’est le cas du Gabon, un dragon ouest africain qui, grâce à ses performances économiques, se positionne un rang avant le Royaume.

Nouaim SQALLI
L'Economiste
 
[color=0000FF]Le taux d’alphabétisation n’a pas réussi à maintenir sa progression timide enregistrée entre 2001 et 2002 (1,8%) pour stagner à 50,7% en 2003. L’expert international considère que l’analphabétisme est “le catalyseur de la crise marocaine en matière de développement humain”, d’autant plus que ce fléau touche essentiellement les franges de population rurale incapable de s’épanouir et de sortir du gouffre de la pauvreté et de l’ignorance. “C’est ainsi que la population active rurale, qui représente presque la moitié du potentiel humain au Maroc, génère à peine 17% de la richesse nationale. Cette situation tire les performances économiques vers le bas”, ajoute-t-il. Le taux brut de scolarisation est aussi un frein important au développement humain au Maroc. Sur la période 2001-2003, ce taux n’a pas franchi le seuil des 58%. Cette situation installe des doutes imminents quant au sort des générations futures. “Le Maroc ne fait que subir l’échec de son système scolaire. Ce dernier ne permet pas à la société d’être consciente des grands défis économiques et sociaux qui l’attendent”.[/color]


Je voudrais commenter ce passage dans le contexte de la promotion de la langue amazighe.

Il appraît que l'analphabétisme est LE CATALYSEUR de la crise marocaine en matière de développement humain.

Mais qu'est-ce que l'analphabétisme et son pendant, l'alphabétisation ?

Voici la définition de l'UNESCO :

une personne analphabète ne sait ni lire ni écrire, en le comprenant, un texte simple en rapport avec sa vie quotidienne

Ils ajoutent :

l'impossibilité de déchiffrer son environnement et de participer à la société


Le taux de scolarisation (pourcentage de personnes allant à l'école) au Maroc, est une des causes de l'analphabétisme. En effet, la pauvreté et l'isolement sont souvent un facteur d'éloignement du système scolaire.

Admettons que dans un avenir plus au moins proche, le Maroc arrive à faire en sorte que tous les enfants du pays aient accès à l'école.

Est-ce que cela résoudra d'un coup son problème d'analphabétisme comme il a été défini ?

On peut supposer que les parties "lire et écrire" de cette définition serait atteintes.

Mais qu'en serait-il de " la compréhension, de l'expression et du déchiffrement de son environnement" ?

C'est là que se pose toute la problématique de l'alphabétisation au Maroc.

Prenons le cas des populations amazighes et plus particulièrement les femmes. On connaît tous, maintenant, ces campagnes d'alphabétisation dispensées à ces femmes visant à nosu faire croire qu'elles résoudront le problème de l'analphabétisme.

Malheureusement, après l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, ces personnes se trouvent toujours dans un état d'analphabétisme car elles n'ont pas accès à l'expression, la compréhension des textes et de leur environnement exclusivement arabe !


On constate encore une fois que la promotion de la langue amazighe pour qu'elle accède aux medias et à l'enseignement relève d'une problématique qui dépasse largement le volet culturel !

Nous sommes en face d'un défi socio-économique immense. L'Etat marocain persiste à faire croire que les campagnes d'alphabétisation en arabe réduiront l'analphabétisme, cela serait vrai si l'on s'adressait à des popualtions arabophones !

Pour que les populations amazighes sortent de leur isolement et de leur exclusion, il est primordiale qu'elles puissent participer plainement à la marche socio-économique de la société et par là, aux progrès économiques du pays tout entier.
Cela restera impossible tant que leur alaphabétisation, leur éducation doivent passer par l'apprentissage d'une langue étrangère.


Voici une définition de l'alphabétisation :

est un cycle d'apprentissage continu conduisant l'analphabète (personne qui ne sait ni lire ni écrire) à l'acquisition de la lecture, l'écriture, le calcul, l'expression orale, la compréhension, etc. dans le but d'acquérir autonomie et connaissance de soi afin de mieux prendre place dans la société.

on comprendra aisément que tant que l'amazighe restera exclu de la société, il sera IMPOSSIBLE de combattre l'analphabétisme et ses corrolaires : la pauvreté, le sous-développement et la misère.

PS : nous sommes nombreux sur ce site (dont moi :-D) qui seraient inclus dans les chiffres de l'analphabétisme au Maroc puisque nous serions incapables de nous exprimer en arabe !
 
Rien d'etonnant tous les autres avancent nous nous marchons à reculons... :-(

Ca me fait bien rire quand on voit une classe remplie de Mamans berberes que l'on essaie d'"alphabetiser" en arabe, c'est un des exemples des "efforts" fait pour reduire l'analphabétisme au Maroc...autant dire du vent...

"Le taux brut de scolarisation est aussi un frein important au développement humain au Maroc. Sur la période 2001-2003, ce taux n’a pas franchi le seuil des 58%."
Si j'ai bien compris cela veut dire que seule la moitié des enfants en âge d'aller à l'école sont scolarisés, donc ça promet de bons resultas pour l'avenir...Sans ecole pas d'avenir!

(Et encore on n'aborde même pas le contenu et les methodes d'apprentissage)



[ Edité par tamaynut le 11/10/2005 13:06 ]
 
Côté Sud, les lenteurs sont manifestes. Les pays de la région n'ont rien fait pour s'ouvrir l'un à l'autre, préférant ne regarder que vers le nord. Les réformes du marché du travail, de l'environnement juridique des affaires, du système bancaire, de l'école (ces pays ont un ratio élevé de dépenses scolaires mais ils forment, pour schématiser, des agrégés d'arabe) et des institutions en général progressent à pas lents. Les privatisations aussi. La corruption, en revanche, se porte bien.


source Le monde !

article intégral
 
Voici un exemple encourageant où les popualtions amazighes commencent à être intégrées dans les projets de développement.

Le chemin est encore long, mais certaiens mentalités changent.

Bingo pour les DVD éducatifs de Zakoura


· Baptisés Moufida, ils ont prouvé leur efficacité

· Près de 250.000 personnes en visionnent chaque semaine

· Thèmes abordés: santé, nutrition, civisme




La Fondation Zakoura innove dans le domaine socio-éducatif. Cette ONG, spécialisée dans le microcrédit et l’alphabétisation, a lancé en juillet dernier un projet intitulé «Moufida».
Il s’agit de la production d’émissions éducatives enregistrées sur DVD, destinées à instruire des populations analphabètes sur des aspects liés à la santé, la nutrition, le civisme…
Ces émissions comportent aussi des reportages sur des projets réussis de microcrédit. Le département audiovisuel de Zakoura, constitué d’une dizaine de personnes (présentateurs, monteurs, techniciens, cameramen…), les réalise de A à Z. Chaque DVD contient quatre séries d’émissions de 20 minutes l’une. La langue utilisée est bien entendu l’arabe dialectal. Dans certaines régions rurales, la majorité des femmes ne comprennent que le berbère, d’où la nécessité de mettre sur pied des émissions dans cette langue. C’est ce qui est prévu, indique Aïcha El Hammoumi, directrice du département Audiovisuel. Pour chaque thème, des explications et des conseils sont donnés. Dans le domaine de la santé, par exemple, les épisodes déjà réalisés ont porté sur le diabète, la varicelle, le suivi de la femme enceinte, l’importance de l’accouchement médicalisé, l’angine, le cancer du sein, la diarrhée chez l’enfant, les dangers de l’exposition au soleil et l’hygiène buccodentaire.
Un épisode sur le Ramadan et la santé a été tourné. Un autre visait à dissuader les personnes malades de jeûner. Dans chacune des émissions, sont données des explications sur les façons de prévenir les maladies et de les guérir. En fin d’émission, il est généralement conseillé d’aller voir un médecin si les symptômes d’une maladie commencent à apparaître.
Côté nutrition, un fruit ou un légume est choisi pour chaque émission et des informations sont données sur son apport énergétique et sa composition.
Des conseils sur les conditions de conservation et de congélation et la nécessité de lire les dates de péremption sont donnés aussi. Un épisode a été consacré à l’importance d’équilibrer les repas et de prendre un petit-déjeuner consistant. A l’occasion du Ramadan, les aliments qui ont été choisis sont la tomate, le miel, les dates et les produits laitiers.
Les épisodes sur le civisme ont abordé des sujets comme la lutte contre la corruption, le contrat de bail, le divorce pour défaut d’entretien, le mariage de mineurs, le non-respect du voisinage…
Prochainement, il est prévu de créer une capsule sur l’environnement et une autre sur la gestion des petits projets de microcrédits (avec des notions de base simplifiées sur les techniques de vente, la comptabilité…).
Pour ce qui est du financement, Moufida a pu bénéficier d’un financement du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France et de Veolia Environnement, sponsor officiel de l’émission. Parmi les autres sponsors, Centrale laitière, CNIA Assurances, Attijariwafa bank et Cooper Maroc.

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Mode de diffusion



Le mode de distribution utilisé est original et efficace. La fondation diffuse ses DVD dans 380 locaux Zakoura répartis à travers le pays (en zones urbaine, semi-urbaine et rurale), tous dotés de téléviseurs et de DVD. Près de 240 autres locaux ne sont pas encore équipés mais il est prévu de le faire bientôt, ce qui va élargir encore la population touchée.
Chaque semaine, environ 250.000 personnes visionnent les DVD, quand elles viennent effectuer leurs remboursements hebdomadaires. Les agents locaux encadrent les séances et animent des séances questions-réponses.
A la base, le projet consistait à créer une chaîne de télévision hertzienne à but éducatif. Mais suite à la création par l’Etat d’une chaîne similaire (la quatrième) et à son absence d’aide financière, le projet est tombé à l’eau et Moufida, dans sa forme et son mode de distribution actuels, est né.

Nadia BELKHAYAT
L'Economiste
 
A quelque 2 kilomètres du village vers le Mont Bouiblane (3.190 m), se trouve le groupe scolaire Ibn Khaldoune.
L’établissement, qui abrite 287 élèves, connaît des travaux de réhabilitation. Les rénovations, financées par un don de l’UE dans le cadre du programme Meda, ont démarré en juillet dernier. Elles doivent prendre fin vers octobre-novembre. Les enseignants, à peine en classe, se plaignent de la gêne causée par le chantier. “La logique ne voulait-elle pas que ce type de travaux commence au lendemain des vacances et prenne fin avant la rentrée?” s’interrogent-ils.
Là encore, faute d’espace, la cantine a un double usage: réfectoire et salle de classe. Au menu ce jour-là: un plat de lentilles mais seulement pour les nécessiteux. Une liste est établie avec les noms des bénéficiaires des repas. Parmi les plats de la semaine, haricots blancs, lentilles, bouillons. Lorsqu’un visiteur entre en classe, les élèves jubilent et se lèvent en lui souhaitant la bienvenue. Après le salut, ils en profitent pour vaquer au chahut et grimaces habituelles. Autour d’eux, de vieilles affiches jaunies illustrant les métiers de boucher, de menuisier, de chasseur ou encore une image du faisan et du lion. Des figurines qui ont marqué l’imaginaire de générations d’écoliers marocains. Réforme ou pas, les bonnes vieilles méthodes sont toujours d’actualité.
Ici, les instituteurs se plaignent du niveau faible des élèves, toutes classes confondues. Ils l’imputent principalement à l’éloignement de l’école: il faut au moins une heure et demie de marche à la plupart des élèves (3 heures aller-retour par jour). “L’hiver, je cours sous la pluie pour me réchauffer”. Hassan Adnane, élève en 6e année, a trouvé une parade pour contrer la rudesse du climat. Sa soeur Hasna, plus jeune de 6 ans, tente de le suivre dans son exercice matinal. L’hiver, “il fait tellement froid qu’ils n’arrivent pas à se concentrer”, précise un instituteur.
A cela, il faut ajouter le poids des cartables et les accidents car les écoles sont construites tout au long de la route qui mène vers Ahermoumou. “L’année dernière, un élève a trouvé la mort suite à un accident sur la route principale”, souligne le directeur de l’école Ibn Khaldoune. Et un instituteur d’ajouter: deux autres élèves ont connu le même sort il y a deux ans à 5 kilomètres de l’école. Comment s’attendre, dans ces conditions, à des résultats probants? Pour un enseignant de français, les élèves de la région ont presque tous des problèmes de diction.

Normal, ce sont des Amazighs, explique-t-il.


Autre difficulté rencontrée, l’absence de supports didactiques. “Ici, le train, l’avion ou encore l’ordinateur sont des notions abstraites. Pour des élèves qui ne connaissent que la montagne et la forêt, c’est de la science fiction”, souligne un enseignant. Le manque flagrant d’illustrations et de figurines n’arrange pas la situation. Les icônes des manuels restent théoriques, petites et loin de la réalité de tous les jours, ajoute-t-il.

Dans cette partie du Maroc profond, le toilettage des manuels ne semble pas avoir donné ses fruits, tellement le contraste est frappant entre le contenu des livres et l’environnement immédiat de l’élève ainsi que les spécificités de sa région. Faute de moyens, les instituteurs disent se résigner tant bien que mal à reproduire, à leurs frais, de grands formats ou “gribouiller” des dessins approximatifs sur le tableau, qui reste donc le seul moyen de représentation.

Les aberrations ne se limitent pas au contenu.

Il y a aussi le découpage géographique. A titre d’exemple, Ribat Al Kheir est à 2 km de douar Ighzrane, pourtant les manuels sont différents. Car l’un relève de Sefrou et l’autre de la commune d’El Menzel.

Le problème se pose avec acuité en cas de transfert d’une école à l’autre. Du coup, l’élève est contraint d’acheter de nouveaux manuels. Même schéma pour l’enseignant muté à un nouvel établissement. Il doit non seulement acquérir des manuels différents mais aussi préparer ses fiches de lecture en un temps record. Pour les cours du tamazight, qui en sont à leur deuxième année dans cet établissement, les instituteurs ne se sentent pas encore prêts. “Nous avons bénéficié en tout et pour tout d’une seule séance de formation d’à peine 5 jours à Sefrou l’an dernier. C’est un stage cocote-minute qui ne permet pas d’assimiler les difficultés grammaticales, la conjugaison, l’orthographe, le vocabulaire…
L’enseignement du tamazight n’est pas encore généralisé à l’ensemble des écoles et des douars.

L'Economiste
 
Tametrocht, une école entre ciel et terre

«Le monde s’arrête à Ahermoumou pour les écoliers du jbel». La déclaration de cet enseignant muté à douar Tametrocht en dit long sur l’enclavement de son école. Non loin du Mont de Bouiblane, à quelque 3.200 mètres d’altitude, des élèves chantent tôt le matin l’hymne national. C’est une nouveauté cette année à l’école Tametrocht, située à environ 75 km d’Ahermoumou où l’on apprend à enseigner la citoyenneté.
Pour s’y rendre, la route est très sinueuse, caillouteuse et escarpée. Pas d’eau courante ni électricité, il faut parcourir plus d’une cinquantaine de kilomètres en montagne, soit 2 heures et demie, avant d’y arriver. Tout autour, un paysage impressionnant de forêts de pin, de montagnes et d’oliviers à perte de vue. Sur le trajet, il faut passer plus de 20 km avant de rencontrer quelqu’un. Quand c’est le cas, c’est souvent un berger taciturne qui vous salue de loin en hochant la tête.
Certes, la nature est dure mais quoique pauvre, la population est généreuse. Les habitants, majoritairement des nomades en quête de pâturage, vont jusqu’à emprunter pour accueillir les rares passants du jbel. Selon des enseignants, les élèves de cette contrée ne connaissent pas de vacances: ils se convertissent en bergers.
Pour se rendre au village d’Ahermoumou, le jour du souk, la population locale emprunte un fourgon à 25 DH, ce qui est jugé excessif. Il faut attendre plusieurs heures avant que le camion n’arrive. Deux véhicules seulement font la navette, lundi, mercredi et le week-end. La route est souvent barrée l’hiver à cause de la neige.
Cette année, la région a connu la grêle et la neige y a été sèche. Ce qui explique que le pâturage soit peu abondant. Ici, il neige du mois de novembre jusqu’à mai, voire juin parfois. Et la route est souvent barrée pendant une vingtaine de jours.
Pour scolariser leurs enfants, les habitants de 4 douars limitrophes, généralement des transhumants et des bergers d’ovins et de caprins, préfèrent les loger auprès de proches au village Ribat Al Kheir. Sinon, les enfants doivent parcourir une dizaine de kilomètres avant d’arriver à l’école de Tametrocht. Celle-ci est tellement éloignée que cela pousse plus d’un à mettre un terme à la scolarité de ses enfants. Pas de commerces mitoyens, aucune activité génératrice de revenus dans un rayon d’au moins 50 km, à part l’élevage.
D’année en année, la situation des élèves et de leurs enseignants se complique davantage. Le tablier et le cartable sont un luxe. Et les fournitures scolaires ne sont pas à la portée de tous. Et lorsque c’est le cas, il faut trouver le bon manuel. Les parents se rendent au souk hebdomadaire d’Ahermoumou. Mais là, le programme relève de la province de Sefrou. Or, l’école Tametrocht dépend plutôt de Tahla. Et il n’y a pas de transport direct jusqu’à Tahla.
L’enseignant d’arabe, 27 ans, est originaire de Meknès. Pour rendre visite à sa famille, il doit attendre les vacances trimestrielles, tellement le voyage est épuisant mais aussi coûteux. Dans cette école, il n’y a pas de gardien et les instituteurs se sont fait voler à trois reprises. Lorsqu’ils partent en vacances, ils sont obligés de payer un gardien le temps de leur voyage.
Outre l’absence d’eau et d’électricité, le principal problème que rencontre l’école, c’est l’éloignement et l’enclavement. Du coup, les élèves s’absentent beaucoup, surtout pendant l’hiver et lorsqu’il neige. «De décembre à mars, on connaît la période la plus difficile», précise l’instit. D’ailleurs, il s’y prépare déjà. A l’entrée de sa chambre, des bidons pleins d’eau pour le linge et le bain. En décembre-janvier, le thermomètre chute à -5 degrés, voire moins, dit l’instituteur qui ajoute qu’en plus de l’eau qui se congèle, il doit chercher du bois auprès des riverains et faire chauffer lui-même la classe. Et c’est lui aussi qui fait le ménage et donne de temps à autre un coup de balai avec l’aide de quelques élèves.
A l’intérieur de sa chambre de 2 mètres carrés, il a une radio qui lui «permet de rester en contact avec la civilisation» et des livres. Sa photo d’écolier et le coran, juste en face de son lit, le motivent quelques fois. Sa photo lui rappelle son enfance et sa scolarité mais le pousse à s’interroger: «Ces élèves n’ont-ils pas droit, comme moi d’ailleurs, à une scolarité correcte?»
S’il remplit consciencieusement son devoir d’enseignant dans ces conditions, il n’en pense pas moins qu’une rotation devrait être assurée. Sinon, instaurer un système d’émulation basé sur des primes pour les zones enclavées. «Il est inconcevable qu’un instituteur du centre-ville de Casablanca ou de Rabat soit payé exactement comme celui qui enseigne à 3.000 mètres d’altitude!» lâche-t-il.
En attendant, Rachid, qui prépare une licence en études islamiques, joue aussi le rôle de conseiller des douars avoisinants. Les riverains viennent lui demander divers conseils. Pour la population locale, l’instituteur est censé tout savoir.
Pour l’enseignement du tamazight, Rachid confirme qu’il est programmé cette année dans son école. Seulement, il n’a pas encore bénéficié de formation appropriée. Il s’attend à ce qu’on le convoque pour un stage d’initiation à Taza.

Autre particularité étrange signalée dans cette école perdue: si l’enseignant juge qu’un élève doit redoubler, la délégation peut en décider autrement. De l’avis de nombreux instits, «il faut se conformer aux objectifs de la carte scolaire». Les taux de réussite sont arrêtés au préalable et le niveau de l’élève relégué au second plan.
 
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