
Démission collective de l'IRCAM
Que s'est-il réellement passé au sein de l'Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) ? Dans une lettre remise, le 21 février dernier, au recteur de l'IRCAM, sept des membres du Conseil d'Administration de cet institut, nommément, Dr Abdelmalek Houcine Ousadden, Mohamed Boudhan, Hassane Banhakeia, Mohamed Ajaâjaâ, Mimoun Ighraz, Ali Bougrine, Ali Khadaoui, ont annoncé leur retrait définitif dudit conseil. Les signataires affirment qu'aujourd'hui, leur action en tant que membres actifs du conseil d'administration demeure sans effet palpable dans la réalité quotidienne de l'amazighité. Cette action a été menée par les démissionnaires pour protester contre « les promesses sans lendemain de quelques ministères : Éducation nationale et Communication en particulier », affirme un membre du conseil. Le ministère de l'Éducation nationale qui avait annoncé avoir établi, au terme de 2008-2009, un programme de généralisation de l'enseignement, de l'amazigh à tous les élèves et à tous les niveaux de l'enseignement, du primaire au secondaire, continue à déclarer officiellement son attachement au « livre blanc » et à « la charte nationale », documents élaborés avant 2001 qui « assignent à la langue amazighe la fonction humiliante de support d'apprentissage de l'arabe durant les deux premières années du primaire ».
faillite
Quant à la qualité de l'enseignement, aucune logistique fiable (formation des enseignants, moyens pédagogiques, moyens matériels…) n'a été mise en œuvre selon les démissionnaires. Au niveau de l'université, la réforme de l'enseignement supérieur ne réserve aucune place à l'amazigh. Pour les sept membres du conseil d'administration, le ministère de la Communication a également failli. Et pour cause, l'amazigh reste encore le parent pauvre des médias audiovisuels publics. « A titre d'exemple, la radio continue à diffuser ses programmes sur la base du système des dialectes instauré en 1938. Et ses émissions sont difficilement captées dans la majeure partie du territoire national », affirme sans ambages un membre du conseil. Une autre remarque concerne la Télévision. Les démissionnaires constatent que le journal télévisé des dialectes en est presque au même point que lors de son lancement en 1994. « Rien de significatif n'a été entrepris, sinon quelques soirées artistiques de temps à autre », note le communiqué. Le ministère de tutelle impute la raison au manque de moyens… Pourtant, ce prétexte ne l'a point empêché de lancer deux nouvelles chaînes publiques arabophones et une troisième est en cours. Concernant l'espace social, aucune initiative n'est à signaler. La formation des cadres de la communication, des magistrats, des agents d'autorité… se fait exclusivement en arabe. Dans la vie publique, les caractères tifinaghs ne sont pas autorisés à dépasser l'enceinte de l'IRCAM. De même pour l'État civil, les parents sont privés de donner le nom de leur choix à leurs enfants. Encore plus, la reconnaissance juridique des associations amazighes dépend dans bien des cas de l'humeur des autorités compétentes…
Pour les sept membres qui se sont retirés, une chose est claire. Leur retour est conditionné par une application de la Constitution qui stipule expressément que la langue amazighe est officielle, comme elle requiert une protection juridique, par le biais de la loi, de l'intégration de l'amazigh dans tous les cycles de l'enseignement, dans l'audiovisuel public et dans tous les centres de formation des cadres. Sans cette consécration constitutionnelle et sans lois, les « protestataires » refusent de réintégrer cet organisme créé par le Roi en 2001. Seront-ils entendus ?
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