Enquête. Les nouveaux fascistes
Les festivals, la musique, la fiesta ? Des “déviations morales scandaleuses”, à les entendre. Qui sont-ils ? Que cherchent-ils ?… Et pourquoi il ne faut pas les croire.
En quelques années, le paysage culturel marocain a été bouleversé. Longtemps planté devant sa télé pour consommer gentiment de la culture officielle, le Marocain est désormais invité à descendre dans la rue pour assister aux nombreux festivals d'été. Chez soi, on zappe, on télécharge, on grave à tour de bras. Certains enregistrent des albums à la maison, qu'ils balancent sur Internet dès le lendemain. C'est un mur de Berlin qui est tombé. Bien entendu, cette nouvelle donne ne fait pas que des heureux. Le discours des détracteurs n'est pas nouveau mais il est de plus en plus violent. On s'en prend aux organisateurs, on les accuse de trahir la nation. On demande à la loi d'intervenir pour interdire ce qui déplaît. La montée et la banalisation d'un discours de haine sont très inquiétantes. Il est temps de s’en alarmer. Et de contre-attaquer.
R.A
Pourquoi ils éructent
Ils sont islamistes, simples démagogues, élus locaux ou artistes dépassés par les événements. Mus par un intérêt commun, ils s'en prennent, chacun pour des raisons qui lui sont propres, à la nouvelle dynamique culturelle marocaine. Revue des forces en présence.
“Le rap est une musique volée, elle ne nous appartient pas. C'est comme les produits de contrebande qui entrent par Sebta : ils sont dangereux pour le consommateur. Que fait le gouvernement pour lutter contre cela ? Et que fait la douane ?” L'homme qui s'exprime ainsi est un homme de théâtre et un ancien fonctionnaire du ministère de la Culture. Invité par 2M pour s'exprimer lors de l'émission moubacharatan maâkoum, il a multiplié les interventions de ce genre, déclenchant au passage les applaudissements des spectateurs présents sur le plateau. Il s'exprimait au nom d'un des deux principaux syndicats d'artistes marocains. Sur le même sujet, quelques jours plus tard, le député du PJD, Abdelilah Benkirane, exprimait son opinion à TelQuel en ces termes : “Nous sommes contre la débauche observée lors de ces festivals. Vous avez vu les groupes de musique qui sont invités ? Des femmes dénudées, suggestives...”. Il suffit d'ouvrir n’importe quel numéro d’Attajdid pour tomber sur un article qui martèle - sans jamais
le démontrer - que musique et perversion sexuelle sont indissociables. L'hebdomadaire Al Ousboue Assahafi, lui, est allé encore plus loin en écrivant en septembre 2005 que le Festival de Casablanca était un festival sioniste qui n'avait attiré que des juifs, des drogués, des satanistes et des homosexuels. C'est un discours douteux qui se banalise chez nous actuellement. Certes, les festivals de musique sont les plus visés parce qu'ils sont les plus visibles, mais ils ne sont pas les seuls. Il y a eu l'affaire du film Marock, déjà abondamment commentée dans ce même magazine. Mais il faut également citer le procès des musiciens de hard-rock accusés injustement de satanisme. A chaque fois, le même discours se répète : ce ne sont pas nos valeurs, nous sommes envahis par l'étranger, on vient nous polluer. Un discours qui charrie des valeurs à la fois nationalistes et moralisatrices. Des valeurs d'exclusion, aussi. On ne se contente pas d'exprimer ses réserves artistiques : on réclame l'interdiction des artistes qui déplaisent, tout simplement. Il faut mettre de l'ordre...
Les festivals, la musique, la fiesta ? Des “déviations morales scandaleuses”, à les entendre. Qui sont-ils ? Que cherchent-ils ?… Et pourquoi il ne faut pas les croire.
En quelques années, le paysage culturel marocain a été bouleversé. Longtemps planté devant sa télé pour consommer gentiment de la culture officielle, le Marocain est désormais invité à descendre dans la rue pour assister aux nombreux festivals d'été. Chez soi, on zappe, on télécharge, on grave à tour de bras. Certains enregistrent des albums à la maison, qu'ils balancent sur Internet dès le lendemain. C'est un mur de Berlin qui est tombé. Bien entendu, cette nouvelle donne ne fait pas que des heureux. Le discours des détracteurs n'est pas nouveau mais il est de plus en plus violent. On s'en prend aux organisateurs, on les accuse de trahir la nation. On demande à la loi d'intervenir pour interdire ce qui déplaît. La montée et la banalisation d'un discours de haine sont très inquiétantes. Il est temps de s’en alarmer. Et de contre-attaquer.
R.A
Pourquoi ils éructent
Ils sont islamistes, simples démagogues, élus locaux ou artistes dépassés par les événements. Mus par un intérêt commun, ils s'en prennent, chacun pour des raisons qui lui sont propres, à la nouvelle dynamique culturelle marocaine. Revue des forces en présence.
“Le rap est une musique volée, elle ne nous appartient pas. C'est comme les produits de contrebande qui entrent par Sebta : ils sont dangereux pour le consommateur. Que fait le gouvernement pour lutter contre cela ? Et que fait la douane ?” L'homme qui s'exprime ainsi est un homme de théâtre et un ancien fonctionnaire du ministère de la Culture. Invité par 2M pour s'exprimer lors de l'émission moubacharatan maâkoum, il a multiplié les interventions de ce genre, déclenchant au passage les applaudissements des spectateurs présents sur le plateau. Il s'exprimait au nom d'un des deux principaux syndicats d'artistes marocains. Sur le même sujet, quelques jours plus tard, le député du PJD, Abdelilah Benkirane, exprimait son opinion à TelQuel en ces termes : “Nous sommes contre la débauche observée lors de ces festivals. Vous avez vu les groupes de musique qui sont invités ? Des femmes dénudées, suggestives...”. Il suffit d'ouvrir n’importe quel numéro d’Attajdid pour tomber sur un article qui martèle - sans jamais
le démontrer - que musique et perversion sexuelle sont indissociables. L'hebdomadaire Al Ousboue Assahafi, lui, est allé encore plus loin en écrivant en septembre 2005 que le Festival de Casablanca était un festival sioniste qui n'avait attiré que des juifs, des drogués, des satanistes et des homosexuels. C'est un discours douteux qui se banalise chez nous actuellement. Certes, les festivals de musique sont les plus visés parce qu'ils sont les plus visibles, mais ils ne sont pas les seuls. Il y a eu l'affaire du film Marock, déjà abondamment commentée dans ce même magazine. Mais il faut également citer le procès des musiciens de hard-rock accusés injustement de satanisme. A chaque fois, le même discours se répète : ce ne sont pas nos valeurs, nous sommes envahis par l'étranger, on vient nous polluer. Un discours qui charrie des valeurs à la fois nationalistes et moralisatrices. Des valeurs d'exclusion, aussi. On ne se contente pas d'exprimer ses réserves artistiques : on réclame l'interdiction des artistes qui déplaisent, tout simplement. Il faut mettre de l'ordre...