Emmanuel Macron veut parler, enfin !

Tafart

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Emmanuel Macron veut parler, enfin. Mais n'est-il as trop tard? Il a deja perdu le Maroc qui n'a pas d'ambassadeur à Paris depuis des mois!!
Un extrait de l'enquete "Le déclassement français" de Christian Chesnot et Georges Malbrunot (2022):

"La France ne fait plus vraiment rêver les jeunesses du Maghreb et du Moyen-Orient. Notre pays reste une référence, mais il n’est plus le seul. Depuis que les chaînes satellitaires du Golfe, comme Al-Jazeera, et les séries télévisées turques sont entrées dans les foyers arabes, de nombreux jeunes ont les yeux braqués vers Dubaï et Istanbul, cités scintillantes et proches de leur culture.

Quand on est diplômé et qu’on s’appelle Mohamed, il est plus facile de trouver du travail dans le golfe Persique que dans l’Hexagone. Chez les « beurs » des cités, on fantasme plus sur le luxe tape-à-l’œil de Dubaï que sur les charmes de la Côte d’Azur !

La France, aussi bien au Maghreb qu’au Moyen-Orient, est souvent perçue comme une puissance sur le déclin, réfractaire aux réformes, donc sclérosée. L’omniprésence de l’islam dans nos débats publics et médiatiques, son hystérisation parfois, contribuent à dégrader l’image d’une France perçue comme ayant « un problème avec les musulmans ».

De l’autre rive de la Méditerranée, on a le sentiment d’un vieux pays, qui se replie sur lui-même, comme en témoignent les restrictions dans la délivrance de visas, notamment pour les étudiants. La Russie ou la Turquie, elles, sont à l’offensive dans ce domaine et multiplient les bourses d’études.

Alors qu’elles étaient dominantes tout au long du xxe siècle, « nos valeurs que nous exhibons en permanence, c’est-à-dire celles du monde occidental, ne sont plus partagées que par une minorité de pays », constate amèrement un diplomate. Quant à notre laïcité, elle reste une énigme pour la quasi-totalité de la planète.

La francophonie au Maghreb et au Levant est en recul. Les jeunes Arabes sont plus attirés par l’anglais, la langue du business, parlé dans les pays du Golfe, où Paris peine à contrer l’influence anglo-saxonne.

Les outils de notre softpower semblent délaissés par les pouvoirs publics. Alors que Moscou avec Russia Today (RT) ou Pékin avec CCTV ont massivement investi dans leurs chaînes arabophones, la France, elle, réduit d’année en année les moyens alloués à France 24 en arabe et à Monte-Carlo Doualiya (MCD), la radio arabophone de RFI, qui a été amputée de près de 30 % de sa rédaction en 2021.

La pauvreté de nos think tanks est un autre signe de notre recul. Comme ils ne sont pas dotés d’assez de moyens financiers, souvent reliés à l’État – véhiculant donc une pensée quasi unique –, leurs productions souffrent la comparaison avec leurs homologues britanbritanniques, sans parler des centres de recherches américains. La connaissance universitaire sur la région s’est finalement étiolée.

Au Quai d’Orsay mais aussi à la DGSE, on peine à recruter des arabisants de bon niveau, pourtant indispensables au décryptage de la région. Comme si le monde arabe n’intéressait plus la nouvelle génération de diplomates ou d’agents du renseignement.

Au fil des ans, « l’image d’une France menant une politique étrangère indépendante, ayant une posture équilibrée et médiatrice, ouverte sur le monde musulman, qui était la sienne jusqu’à Jacques Chirac, s’est largement estompée153 », regrette Denis Bauchard.
Emmanuel Macron n’est pas parvenu à enrayer ce lent déclin. Si son diagnostic est souvent pertinent, sa méthode, résumée par un diplomate – « le Président passe des coups de téléphone, organise une conférence, parle et pense régler le problème » –, a montré ses limites.

« Le style français, ce sont des déclarations fracassantes au lieu d’un travail ardu et modeste consistant à écouter les partenaires pour trouver des stratégies participatives, résume Michel Duclos, ancien ambassadeur à Damas. La modestie peut être un gage d’efficacité. Nous ne devons être ni dans le déclinisme, ni dans le triomphalisme : il faut se battre154. » Or, notre outil diplomatique n’a pas été réarmé pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. La réforme de la fonction publique, qui entraîne la disparition du corps des diplomates, est vécue comme un coup de poignard fatal par le Quai d’Orsay, qui redoute une accélération de son affaiblissement.

Dans ces conditions, que pèse encore notre pays dans cette région, ô combien stratégique, du Maghreb et du Moyen-Orient ?

De nouveaux concurrents sont apparus sur le plan économique : la Chine et la Turquie. Quant à la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, elles sont autant de rivales assoiffées de contrats.

Certes, les fleurons du CAC 40 décrochent encore de belles affaires dans les secteurs de l’énergie, du transport, de l’aéronautique, du tourisme, de l’agroalimentaire ou encore du BTP. Mais il s’agit surtout de succès individuels, fussent-ils prestigieux, qui ne s’inscrivent pas dans une stratégie concertée. Combien de fois dans les milieux d’affaires avons-nous entendu la ritournelle des bisbilles franco-françaises, responsables de l’échec d’un contrat face à une concurrence européenne ou asiatique chassant « en meute ».

Le principal vecteur d’influence de la France dans la région reste son outil militaire et ses ventes d’armes. Au sein de l’Union européenne, la France est le seul pays à encore jouer un rôle réel sur le terrain, à côté des États

-Unis. Depuis leurs déboires en Irak en 2003, les Britanniques se font plus discrets.
Le « hardpower » français s’est positionné à des points stratégiques de la région. La base aérienne H5 à Azraq en Jordanie permet d’être présent sur l’axe Le Caire-Amman-Bagdad et d’avoir une couverture aérienne sur l’ensemble de l’Irak et le nord-est de la Syrie. La base aéronavale d’Abou Dhabi aux Émirats arabes unis assure la présence de la France dans le golfe Persique, lui permettant de garder un œil vigilant sur l’Iran.

En Méditerranée orientale, la marine française positionne en permanence une frégate dans le canal de Syrie, qui est les yeux et les oreilles de nos militaires dans un pays d’où la France a quasiment disparu. Sans parler de notre intense coopération avec l’Égypte.

Enfin, la base historique de Djibouti, même si elle n’est plus le monopole de la France, complète le dispositif d’une zone comprise entre l’Afrique de l’Est, l’Iran et la Méditerranée orientale. « Ce grand triangle est très important pour nos intérêts, et la France, dans cette région, doit continuer à agir comme un élément de modération grâce à nos différents points d’appui qu’il faut faire fructifier », analyse un haut gradé de l’armée française."
 
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