La littérature amazighe, jusque-là essentiellement orale, a suscité la curiosité et l'intérêt de chercheurs d'horizons divers (orientalistes, universitaires, berbérisants... ; anthropologues, linguistes, etc.), qui l'ont interrogée, chacun selon sa « vision du monde », sa « contexture culturelle », son « champ intellectuel », pour ne reprendre que quelques concepts connus. La bibliographie à ce sujet est d'ores et déjà considérable et promet de se faire de plus en plus large et diversifiée : ouvrages, thèses, mémoires, périodiques, etc. Il convient de dresser de cette littérature un bilan objectif, critique et vivificateur. Mais il est nécessaire aussi de réfléchir au devenir de l'oralité et à la meilleure manière de promouvoir l'écrit.
En effet, le passage de l'oral à l'écrit se fait par l'intermédiaire d'intellectuels eux-mêmes hautement « marqués », et sur la formation, la culture et la production desquels il est capital de s'interroger. Car en eux oeuvrent aussi des normes et des modèles culturels et méthodologiques autres que ceux de l'amazighe, acquis surtout à l'école, en même temps que d'autres langues (l'arabe, le français, l'anglais, l'espagnol...), qui constituent encore de nos jours les outils linguistiques les plus utilisés pour rendre compte de la réalité amazighe.
Il est donc aussi primordial de pouvoir identifier l'apport extérieur pour mieux mettre en relief les spécificités de l'amazighe et mieux mesurer les conséquences du passage de l'oral à l'écrit. Ce travail ne va pas sans une analyse comparative d'échantillons représentatifs de ce que produisent les créateurs de l'oralité et ce que créent des producteurs imprégnés de l'écriture et des modèles culturels de tradition scripturaire, et dont les écrits en amazighe sont parfois des translittérations ou des traductions. C'est un stéréotype de parler à ce propos d'écart et de déviation ; ce qui est plus intéressant, c'est de déterminer les caractéristiques de la langue littéraire amazighe et de proposer un métalangage qui en exprime les spécificités.
« L'engouement » pour l'écriture, auquel nous assistons aujourd'hui, est si important et si envoûtant, qu'il importe d'en mesurer l'envergure et d'en prévoir les conséquences. Cette mesure est d'autant plus nécessaire que, dans l'histoire, l'écrit a souvent joué un rôle de substitution par rapport à l'oral : en assurant le contrôle de l'échange social, il a joué peu à peu un rôle de domination et de ségrégation. De l'oral à l'écrit (via une langue autre ?), se dessinent ainsi les phases et les métamorphoses de l'amazighe. Comment l'oralité pourra-t-elle rester identique à elle-même à travers la différenciation des formes (performance directe, enregistrement audiovisuel, transcription, etc.) ou devenir « autre » (traduction, ouverture à l'universel...) tout en restant fondamentalement soi ? Serait-ce grâce à l'essence sauvegardée poétiquement ? Le destin de la littérature orale, et de tout ce qu'elle implique, serait-il de suivre la voie de la transformation en écriture et, ainsi, mourir ? Et l'écriture saura-t-elle un jour reconstituer l'oralité ? Pour répondre à ces questions, il est important de prendre en considération la situation de l'amazighe, qui est unique : non seulement les étapes du passage de l'oral à l'écrit sont en train d'être « brûlées », mais ces deux entités (l'oral et l'écrit) sont pour le moment interchangeables. Serait-ce parce que la langue amazighe est de substrat écrit (a la particularité d'être une langue orale possédant une écriture) ? Peut-être. En tout cas, la question qui se pose à ce niveau est de savoir s'il est dans l'intérêt de la littérature amazighe de cesser complètement un jour d'être orale ou s'il ne vaut pas mieux chercher à définir les modalités d'encourager parallèlement les voix de l'oralité et la voie de l'écriture. En attendant d'être consacrés dans l'ère de l'écrit, les producteurs amazighes sont devant un choix difficile : écrire comme on parle, pour se faire comprendre du large public, ou inventer une langue autre, avec le risque de demeurer longtemps incompris par la majorité ? Si le premier terme de cette alternative contient le risque de la banalité, le second ne peut être que du ressort d'une élite privilégiée.
Pourtant, l'écrit amazighe, dont le répertoire demeure encore relativement limité, compte déjà des œuvres de qualité. Le colloque que nous avons organisé du 23 au 25 octobre 2003 a eu pour objectif d'approfondir la réflexion à ce sujet et d'apporter des éléments de réponse à ces interrogations. D'une manière générale, les interventions se sont inscrites dans l'un ou plusieurs des axes arrêtés pour la rencontre.
En effet, le passage de l'oral à l'écrit se fait par l'intermédiaire d'intellectuels eux-mêmes hautement « marqués », et sur la formation, la culture et la production desquels il est capital de s'interroger. Car en eux oeuvrent aussi des normes et des modèles culturels et méthodologiques autres que ceux de l'amazighe, acquis surtout à l'école, en même temps que d'autres langues (l'arabe, le français, l'anglais, l'espagnol...), qui constituent encore de nos jours les outils linguistiques les plus utilisés pour rendre compte de la réalité amazighe.
Il est donc aussi primordial de pouvoir identifier l'apport extérieur pour mieux mettre en relief les spécificités de l'amazighe et mieux mesurer les conséquences du passage de l'oral à l'écrit. Ce travail ne va pas sans une analyse comparative d'échantillons représentatifs de ce que produisent les créateurs de l'oralité et ce que créent des producteurs imprégnés de l'écriture et des modèles culturels de tradition scripturaire, et dont les écrits en amazighe sont parfois des translittérations ou des traductions. C'est un stéréotype de parler à ce propos d'écart et de déviation ; ce qui est plus intéressant, c'est de déterminer les caractéristiques de la langue littéraire amazighe et de proposer un métalangage qui en exprime les spécificités.
« L'engouement » pour l'écriture, auquel nous assistons aujourd'hui, est si important et si envoûtant, qu'il importe d'en mesurer l'envergure et d'en prévoir les conséquences. Cette mesure est d'autant plus nécessaire que, dans l'histoire, l'écrit a souvent joué un rôle de substitution par rapport à l'oral : en assurant le contrôle de l'échange social, il a joué peu à peu un rôle de domination et de ségrégation. De l'oral à l'écrit (via une langue autre ?), se dessinent ainsi les phases et les métamorphoses de l'amazighe. Comment l'oralité pourra-t-elle rester identique à elle-même à travers la différenciation des formes (performance directe, enregistrement audiovisuel, transcription, etc.) ou devenir « autre » (traduction, ouverture à l'universel...) tout en restant fondamentalement soi ? Serait-ce grâce à l'essence sauvegardée poétiquement ? Le destin de la littérature orale, et de tout ce qu'elle implique, serait-il de suivre la voie de la transformation en écriture et, ainsi, mourir ? Et l'écriture saura-t-elle un jour reconstituer l'oralité ? Pour répondre à ces questions, il est important de prendre en considération la situation de l'amazighe, qui est unique : non seulement les étapes du passage de l'oral à l'écrit sont en train d'être « brûlées », mais ces deux entités (l'oral et l'écrit) sont pour le moment interchangeables. Serait-ce parce que la langue amazighe est de substrat écrit (a la particularité d'être une langue orale possédant une écriture) ? Peut-être. En tout cas, la question qui se pose à ce niveau est de savoir s'il est dans l'intérêt de la littérature amazighe de cesser complètement un jour d'être orale ou s'il ne vaut pas mieux chercher à définir les modalités d'encourager parallèlement les voix de l'oralité et la voie de l'écriture. En attendant d'être consacrés dans l'ère de l'écrit, les producteurs amazighes sont devant un choix difficile : écrire comme on parle, pour se faire comprendre du large public, ou inventer une langue autre, avec le risque de demeurer longtemps incompris par la majorité ? Si le premier terme de cette alternative contient le risque de la banalité, le second ne peut être que du ressort d'une élite privilégiée.
Pourtant, l'écrit amazighe, dont le répertoire demeure encore relativement limité, compte déjà des œuvres de qualité. Le colloque que nous avons organisé du 23 au 25 octobre 2003 a eu pour objectif d'approfondir la réflexion à ce sujet et d'apporter des éléments de réponse à ces interrogations. D'une manière générale, les interventions se sont inscrites dans l'un ou plusieurs des axes arrêtés pour la rencontre.