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Nadia Lamlili
MAROC - 28 septembre 2005- par PASCAL AIRAULT


Cette jeune journaliste marocaine de 31 ans a décroché, le 25 juin, le prix CNN de la presse francophone. Chapeau bas !

Elle a plutôt l'habitude de parler des autres. Mais, une fois n'est pas coutume, ce sont les autres, cette fois, qui ont parlé d'elle. Elle, c'est Nadia Lamlili, de l'hebdomadaire marocain L'Économiste. Cette Casablancaise d'origine berbère a reçu, le 25 juin, le prix de la presse francophone de la chaîne américaine CNN, qui organise chaque année un grand concours pour distinguer les meilleurs journalistes du continent africain. Un prix qui lui a été décerné lors d'une cérémonie prestigieuse à l'hôtel Safari Park de Nairobi par la Camerounaise Shasha Ndimbie, éditrice indépendante, consultante et présentatrice du journal télévisé de la Cameroon Radio Television Corporation (CRTV).
« Lorsque j'ai débarqué au Kenya, je ne savais pas que c'était l'hiver dans cette partie de l'Afrique. Alors, je n'ai pas emmené mes tricots... Mais quand le jury a prononcé mon nom, j'ai senti qu'il faisait très chaud et que c'était l'été », a plaisanté Nadia, trophée en main, à la tribune. Ce qui n'a pas manqué de déclencher les rires des six cents invités présents.

Première Nord-Africaine à être primée dans cette compétition, la Marocaine a été consacrée pour son article « Quand je serai grand, je veux être migrant », paru dans L'Économiste du 21 septembre 2004, qui décrypte la psychologie des hommes et des femmes en quête de nouveaux destins, les routes qu'ils empruntent, l'inefficacité des mesures prises pour les en dissuader et la mafia des passeurs. Un article pour lequel elle a mené une longue enquête et qui met les responsables politiques africains et européens devant leurs responsabilités. D'où ce commentaire flatteur du jury : « Sa spécificité est d'offrir des solutions ou pistes de solution pour résoudre les problèmes migratoires en Afrique. Que doivent faire les gouvernements pour empêcher les citoyens de quitter leur pays ? Réduire le chômage, la pauvreté, la corruption ?... C'est une analyse très riche, bien écrite et documentée. »

« Ce prix est un honneur pour moi et mon journal », dit celle qui est attachée plus que tout à L'Économiste et qui a déjà refusé des propositions beaucoup plus avantageuses.

Après une licence en langue et littérature françaises et des études de journalisme, elle intègre l'équipe de l'hebdomadaire en 1998. D'abord au bureau de Rabat, où elle est chargée de suivre les questions macroéconomiques pendant quatre ans. Par la suite, la direction la nomme responsable de la section desk au siège de l'hebdo, à Casablanca. Elle s'occupe, depuis un an, de la rubrique « Analyses », où elle est chargée des sujets politiques et diplomatiques, notamment l'émigration clandestine, le conflit du Sahara, la vie des partis, les relations avec l'Amérique latine.

« Ce métier est formidable ! Chaque matin, on se sent nul et, le soir, un peu moins bête », soutient Nadia, l'oeil qui pétille. Professionnellement, elle a fait de l'humilité l'une de ses premières règles. Elle écoute donc, consulte, lit beaucoup avant de se forger une opinion. Ses supérieurs disent qu'elle écrit « avec ses tripes » et qu'elle est aussi modeste que sans complaisance. Elle peut aussi parfois être naïve pour aller jusqu'au bout de la vérité, mais toujours intransigeante quels que soient les faits. Nadia souhaite se consacrer à sa vocation le plus longtemps possible et espère que la presse marocaine va continuer à s'émanciper et à se développer. Si elle passe le plus clair de ses journées à la rédaction, cette célibataire de 31 ans a également une vie en dehors du journal. Elle aime se retrouver en famille - son père est enseignant, sa mère, femme au foyer, et son frère, en formation à Kénitra pour devenir caïd (responsable administratif) - mais aussi lire, sortir, aller au cinéma, et surtout voyager, au Maroc, en Afrique et partout à travers le monde. « Je suis curieuse d'apprendre comment les gens vivent au niveau culturel et social », explique-t-elle. Nadia n'est pas seulement une investigatrice et une « faiseuse d'histoire », elle est aussi une femme d'action, comme en témoigne son engagement durable au profit de l'association de bienfaisance de l'orphelinat de Sidi Bernoussi, à Casablanca.

jeuneafrique.com
 
Youssef Aït Akdim, envoyé spécial à Tahennaoute

Portrait. Un écrivain dans un douar

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Mohamed Nedali a fait une entrée remarquée dans le monde de la littérature. Dans la vie, il enseigne le français dans un lycée de Tahennaout. Lauréat du prix Grand Atlas 2005, il y mène une vie simple. TelQuel lui a rendu visite.


Vendredi 17 juin, jardins de la résidence de France à Rabat, Jean-Marie Gustave Le Clézio, préside le jury du Prix Grand Atlas. Les jurés ont choisi à l’unanimité de primer l’auteur de Morceaux de choix, paru aux éditions du Fennec en 2003. Bien avant de remporter la plus haute distinction littéraire du pays,
Mohamed Nedali s’était, il est vrai, imposé comme la révélation de ces deux dernières années. Après le succès des Amours d’un apprenti boucher (c’est le sous-titre de Morceaux de choix) la confirmation ne s’est pas fait attendre avec son deuxième roman, Grâce à Jean de la Fontaine, sorti en décembre 2004. En imposant un style original, empreint à la fois de truculence et de simplicité, il déroule son itinéraire personnel, riche d’anecdotes et réussit à redonner de l’espoir en la scène littéraire marocaine. Pourtant, Mohamed Nedali ne ressemble en rien aux écrivains – et autres imposteurs – qui font et défont le champ intellectuel local. Professeur de français à Tahennaout, à quelque trente kilomètres de Marrakech, encore en marge du Maroc utile, il mène une vie simple, loin des mondanités.

L’enfant de Tahennaoute
Mohamed Nedali est né à Tahennaout en 1962, un 25 décembre – "Jésus était aussi un grand poète. Céline [ndlr, l’auteur préféré de Mohamed Nedali] est le plus grand styliste après Jésus" dit-il en souriant. Enfant, il ne se plaît pas beaucoup à l’école. Jusqu’au collège, c’est un élève souvent médiocre, au mieux passable. Il redouble quand même son cours préparatoire, et triple son CM2. "Les enseignants nous frappaient. Au collège ça s’est arrêté". Le collège, c’est une autre affaire. Il a fallu quitter la maison parentale pour rejoindre le lycée El Mansour Eddahbi à Marrakech. Il y est hébergé par un "lointain proche". Si Boubker est boucher, l’adolescent apprend le métier dans les abbatoirs pour subvenir à ses besoins et se faire de l’argent de poche. De là est né le personnage de Thami dans Morceaux de choix. En tout cas, au collège, Mohammed Nedali s’épanouit. Il est à l’aise en français, mais encore plus en espagnol et en philosophie. S’il a choisi une filière littéraire, c’est parce qu’"à l’époque la philo, les lettres dotent l’élève d’un pouvoir de communication, par la maîtrise du lexique". Après son bac, il est confronté à la réalité. Au début des années 80, une sécheresse terrible s’abat sur le pays, elle touche de plein fouet le monde rural. C’est la période de "rab’a fel khancha" (quatre par sac) : le gouvernement distribue des sacs de farine de 25 kg à partager entre quatre familles. La situation matérielle de la famille se détériore brutalement, Mohamed Nedali doit se procurer un revenu. Il passe deux ans au CPR où il n’apprendra rien, même si certains enseignants sortent du lot. Il en gardera une idée fixe. Pour compenser, il sera autodidacte, toute sa vie. à côté des cours du CPR, il a décidé de tout réapprendre depuis le début. Un véritable "travail de fourmi : je me suis mis à noircir des petits calepins : lexique, citations, syntaxe et grammaire, tout y passait". Sa soif d’apprendre ne fait que commencer.

Les affres de l’enseignant
Professeur frais émoulu, il est affecté en 1985 à Tinghir. Cette première expérience d’enseignant, il la raconte dans son deuxième roman, Grâce à Jean de La Fontaine, largement autobiographique. Il y décrit, simplement, avec doigté, le Maroc du terroir. Sans concession, le narrateur, Monsieur Né, dresse un tableau truculent du milieu de l’enseignement, fourmillant de petites anecdotes sur les abus, les passe-droit et les humiliations de toutes sortes. "J’arrivai à Tinghir le seize septembre mille neuf cent quatre-vingt, vers le milieu de l’après-midi. Pour tout bagage, j’avais un petit sac de voyage, mes vingt-trois hivers, quelques notions de grammaire française, autant d’incertitudes et le ferme espoir de tirer les miens d’une gêne matérielle de plus en plus insoutenable". L’auteur dit n’avoir pas eu à trop forcer son imagination. Au collège Zaïd ou Hmad, il entretient, dès la signature du PV, des rapports difficiles avec son directeur, surnommé l’émir, illettré autoritaire et obsédé sexuel qui harcèle les jeunes enseignantes et brime les hommes. Le roman se termine par l’examen d’admission au cycle spécial de formation en France. Le héros réussit à entrer dans les grâces de l’examinateur barbu, à qui il tient un discours de circonstance. Plus tard, il se vengera, dans ses écrits, des "frérots" et de leur bigoterie. Mais, pour l’heure, Mohamed Né rêve d’ailleurs. Après quatre ans à Tinghir, il n’en peut plus de la médiocrité qui l’entoure. Il saisit l’occasion d’aller à Nancy, en compagnie d’une vingtaine d’enseignants du Maroc. Là-bas, il ne fréquente pas ses collègues. Trop occupé à parfaire sa formation, il s’inscrit en licence de lettres modernes, qu’il décroche brillamment. Sans attaches en France, Mohamed Nedali choisit de rentrer. "Aujourd’hui, lorsque je dis à mes élèves qu’ils ne s’adapteraient pas à l’immigration, ils ne comprennent pas". Lui a goûté à la liberté en France, mais il s’y sent étranger.

Retour au bercail
De retour au Maroc, major de la promotion du cycle supérieur, il demande un poste dans son village. Sa requête est acceptée, il se réinstalle à Tahennaout où il rencontre celle qui deviendra sa femme. Hanane est également professeur de français, dans le même lycée que lui. Aujourd’hui, père de deux enfants, il dégage une sérénité rassurante. Au premier abord, il peut sembler timide. Il n’apprécie pas la compagnie de ses collègues, et évite les cafés. Dans son lycée, personne ne lui parle de littérature, même pas les professeurs,. La sienne ou celle des autres. Certains lui reprochent de ne "pas vivre dans la réalité". Solitaire, il préfère s’isoler dans son petit bureau pour lire et écrire. Ces deux passions, des balades en vélo dans la région ou de longues marches suffisent amplement à son plaisir. Sur les murs de sa maison, il a choisi d’accrocher trois portraits encadrés, disposés l’un au-dessus de l’autre. Un portrait de Rimbaud, une photo du Che au béret, une belle photo en noir et blanc, enfin, du colonel Massoud. Trois rêveurs, révoltés, "incompris" et morts précocement. Il vient d’y ajouter un tableau offert par les lycéens du jury du Prix Grand Atlas des lycéens, Quand on lui pose la question, Mohamed Nedali répond de sa voix posée, que "le prix est une reconnaissance qui [le] touche". Pour autant, rien n’a radicalement changé dans la vie du professeur de français. à la rentrée prochaine, il continuera certainement d’enseigner le français au Lycée Toubkal de Tahennaout. L’homme garde la tête froide, et ne démord pas de ses projets d’écriture. Après Grâce à Jean de la Fontaine, qu’il envisage comme le premier volet d’un triptyque, il prépare un roman sur la période nancéenne, dans la veine autobiographique. En cours d’écriture aussi, une fiction dramatique qui se déroule en 1995, après les inondations de l’Ourika. Les deux livres déjà parus intéressent les éditions de l’Aube, et ses voisins l’ont vu à la télé. De là à ce que sa littérature entre au programme, l’avenir nous le dira.

telquel-online.com
 
La presse independante de notre pays doit en être fière. Felicitons cette journaliste pour son bon travail qu'elle continue de faire. Son premier article que j'ai lu etait une interview en 2002 avec Mohamed Chafik. Elle l'avait faite avec conviction et intelligence. Depuis lors je savais que c'etait une journaliste pas comme les autres, surtout lorsqu'elle traite les sujets qui touche à l'identité nationale!

Felicitons Nadia Lamlili!
Son weblog: www.nadialamlili.com
 
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