Compte rendu de Takfarinas.
Compte rendu de la conférence donnée par Mme Meriem Demnati et M. Ahmed Assid.
L’association ASAYS a eu le plaisir de recevoir deux grands intellectuels du paysage Amazigh marocain. Militants du mouvement Amazigh, mais aussi et surtout membres de l’IRCAM, Mme Meriem Demnati et M. Ahmed Assid ont bien voulu répondre aux questions de l’auditoire, tout en apportant, lors de la conférence, des explications entre l’historique, le politique, le culturel, et les interactivités impératives de ces éléments, au Maroc.
Nous essaierons de retracer les divers sujets abordés ci-dessous :
M. Assid, a tenu à reclasser le combat amazigh dans son macro contexte historique, citant qu’après l’indépendance le pouvoir s’empressa de dissoudre l’armée de la libération. Et depuis ne réserver à l’amazighité qu’une marginalisation on ne peut plus claire. Le contexte idéologique de l’époque y est pour beaucoup, rappelons que le panarabisme prôné par Nacer en Egypte, et le mouvement dit « Al ba3t » en Iraq, ont influencé les classes politiques arabes et surtout marocaine. Cette dernière, où un certain nombre de nostalgiques de l’arabou-andalou, rêve d’une société arabe et uniquement arabe.
Dans ce but, le pouvoir à continuer la politique coloniale dite du « Maroc utile et Maroc non utile ». Celle ci visait à favoriser toutes les villes où prospéraient la culture arabo-andalou, profitant des richesses des autres villes mises à l’écart de toute modernisation. Et ce, afin de maintenir une supériorité de l’arabe face au berbère analphabète, et ainsi lui renvoyer une image on ne peut plus honteuse, de sorte à favoriser les programmes d’arabisation, pour lesquelles les bouchées sont mises doubles.
La négligence du Maroc dit « non utile » (Maroc amazigh), aura comme conséquences directes des exodes rurales, et donc toujours une favorisation de l’arabisation.
Cette dernière profitant de tous les appuis de l’état, tant aux niveaux officiels, institutionnels que financiers ne tardera pas à créer un déséquilibre du Marcher linguistique marocain en faveur, bien sur, de l’arabe au détriment, de ce qui désormais apparaissait comme une langue inutile, l’amazigh. Ce malaise linguistique, ne saurait rester sans conséquences psychologiques sur les imazighens, une déconsidération de leur propre culture, une minimisation de leur propre proportion sociétale, et une adoption de l’arabe comme langue de salut.
Le Maroc devient un pays, où seul un arabe peut avancer et où un amazigh est forcé de se faire passer pour tel. La langue parlée dans la rue, dans les institutions et est aussi la langue du travail. Dans ce demaine, prés de 70% seront réservés à des arabes pour ne pas dire des panarabes.
En parallèle à ce modelage idéologique de la société, une lutte, bien que toujours présente, ne tarda pas à s’organiser et donc à prendre forme d’associations, dénonçant la marginalisation de l’amazigh, et l’arabisation de la société.
Seulement, le régime de Feu Hassan II, réservait à ses associations groupées sous le Mouvement Amazigh, bien des surprises. Entre intimidation, enlèvement et interrogatoire, annulation des réunions, des manifestations et toute activité servant l’amazighité, la survie du Mouvement relevait de l’extraordinaire.
Les promesses de l’enseignement de l’Amazigh faites, à maintes reprises, en 1980 suite aux évènement du « Printemps berbère » en Kabylie, le discours royal du 20 Août 1994 par lequel Feu Hassan II se déclarait favorable "à l’enseignement des dialectes berbères", n’étaient que poudre aux yeux.
Il faudra attendre l’arrivée au pouvoir d’un nouveau roi, Mohamed VI, pris dans un contexte international particulier, et toujours en parallèle aux évènements en Kabylie, la présentation du manifeste Amazigh par Mohamed Chafiq, pour qu’enfin une promesse soit faite lors du discours du 17 Octobre 2001, à Ajdir.
En 2002 sera crée une institution royale dite IRCAM sur Dahir, les conférenciers ont attiré l’attention sur le fait que ce Dahir est le seul à avoir été modifié après le refus des membres du mouvement Amazigh.
Aujourd’hui l’IRCAM, est une institution qui prépare les éléments scientifiques dans tous les domaines, préparant une prochaine standardisation.
Seulement, compte tenu de son statut relié directement au palais, l’IRCAM, suscite bien des réactions, tant par certains membres du mouvement Amazigh que par les amazighs eux-mêmes. Cette dernière se reflétera au cours des questions posées par l’auditoire, la question récurrente sera :
Comment des intellectuels se disant membres du mouvement Amazigh, Mme Demnati et M. Assid, peuvent-ils participer à une institution makhzenienne ?
La réponse émanant des deux conférenciers s’inscrira dans une logique pragmatique, qui pour autant ne lâche pas du tout du lest par rapport à leurs convictions du mouvement amazigh.
L’IRCAM, est une institution qui bénéficie de plusieurs atouts que l’amazigh n’aurait jamais pu avoir à son service :
La possibilité de réunir les plus grands spécialistes de l’amazigh, dans une seule et unique institution, et donc pouvoir travailler en équipe et non plus travailler chacun de son coté comme ce qui a été fait jusqu’alors.
Le fait de bénéficier des fonts nécessaires pour la réalisation des études, des sorties sur terrain, des formations continues, assister à des conférences mondiales…
Le fait que toute décision prise par l’IRCAM, revêt un aspect officiel donc acquise, et non plus resté au stade de théorie, de manifeste, ou de proposition..
Donc en résumé, les conférenciers, ont justifié le fait d’avoir accepter d’intégrer les équipes de l’IRCAM, par une conception pragmatique des apports à l’amazigh.
Seulement, ils n’ont pas manqué de souligner les inconvénients de la situation de l’IRCAM et des divers problèmes auxquelles se trouvent, souvent, confrontée une équipe ou une autre.
Il ne faut pas croire que par ce que l’IRCAM a été crée que tous les problèmes ont été résolus. Bien des personnalités hautement placées s’inscrivent encore dans une phobie de l’Amazigh.
Mme Demnati a procédé à l’exemple du livret amazigh vilainçu pour les écoles primaires.
Dans la mesure où l’enseignement de l’Amazigh fut annoncé, sans réelle préparation sur le terrain, il a fallu mettre les bouchées doubles et donc concevoir un livret, en trois variantes : Maroc du haut (Tarifit), Maroc du milieu (Tachelhit), et Maroc du bas (Tamazight). La nomination est due, selon Mme Demnati, au positionnement géographique des parlers, mais surtout s’inscrit dans un refus catégorique à la reprise des termes utilisée par le discours officiel : Tarifit, Tachelhit et Tamazight.
Le souci, n’était pas de les concevoir le livret, mais de le distribuer. Le gouvernement annonça, que la distribution se fera gratuitement pour tous les éleves et les instituteurs du pays. L’édition du livret fut délivrée à un éditeur libanais, qui comme prévu, édita le nombre requis. Sauf, que suite à l’annonce du gouvernement, l’éditeur garda les livrets en attente de l’achat gouvernemental.
En réalité cette dernière n’était qu’une manœuvre du gouvernement pour encore retarder le lancement de l’amazigh. Les conséquences furent que tous les élèves, les enseignants restèrent pendant toute l’année sans livrets. L’IRCAM, a du réagir pour sauver l’année.
Une des questions posées également portait les prénoms amazigh, toujours refusés au Maroc. M. Assid regretta que l’IRCAM, lors de son courrier au Roi à ce sujet, n’ait invoqué que la résolution des trois prénoms problèmes qu’il avait reçus comme plaintes. L’IRCAM, selon lui, aurait du proposer que tous les prénoms Amazigh soient reconnus.
Mme Demnati a mis en exergue l’importance que commence à prendre les investissements des associations amazighs, tant au niveau social que culturel.
Les deux conférenciers ont salué également l’investissement des associations présentes, ainsi que l’association ASAYS. Ils ont également exalté la prise de conscience des amazighs de France et les ont encouragés à connaître mieux leurs culture et identité.
De notre coté, nous tenons à remercier Mme Meriem Demnati et M. Ahmed Assid d’avoir bien voulu accepter l’invitation de l’association ASAYS.
Nous remercions, Berbère TV, d’avoir bien voulu nous recevoir dans ses locaux.
Nous remercions nos confrères des autres associations de s’être déplacés.
Nous remercions toutes les personnes qui ont assisté à la conférence.
Association ASAYS.