les marocains de BELGIQUE réagissent suite à l'affaire d'Agadir
Le Soir, 23/06/2005
Entre malaise et débat, la voix des Maroxellois ( c'est ainsi qu'on appelle en Belgique les marocains de Bruxelles ).
HUGUES DORZÉE
La honte, " hchouma " en arabe. L'indignation. Mais aussi
l'embarras, la colère et la gêne. Autant de sentiments diffus qui, jour
après jour, gagnent peu à peu les membres de la communauté marocaine de
Belgique (environ 150.000 personnes). Une certitude : l'affaire du "
pornographe belge ", la " S... gate ", le " scandale d'Agadir ", peu
importe
l'intitulé, ne laisse aucun " Maroxellois " indifférent. A la veille
des
vacances et des retrouvailles tant attendues au " pays ", le débat
dépasse -
de loin - le simple fait divers.
Il est question de tourisme sexuel, de valeurs morales, de
rapport nord-sud, de droit comparé, de féminisme ici et là-bas...
Forums
réguliers sur les sites web de la " diaspora " (wafin.be, bladinet,
kif-kif...), discussions informelles dans la société civile, débat sur
radio
El Wafa, actions politiques... Autant d'initiatives et autant de
questions :
comment servir au mieux la cause des douze femmes poursuivies là-bas ?
Comment agir sans verser dans l'ethnocentrisme, la démagogie ou le
discours
moraliste ?
Sur le plan politique, le débat est lancé. Ce jeudi, à la
Chambre, la députée socialiste Talbia Belhouari interpellera la
ministre de
la Justice. Un groupe de réflexion réunissant des élus fédéraux et
bruxellois, des membres de la société civile et des juristes s'est
constitué
: Nous voulons lever les tabous, explique Nadia Youssfi (PS). Aborder
globalement la question du tourisme sexuel et légiférer de façon
pertinente.
Sa collègue Fatiha Saïdi, députée bruxelloise PS, s'envole,
quant à elle pour Agadir, ce vendredi matin afin d'évaluer de façon
objective la situation sur place : Ces femmes ont droit à un procès
équitable, insiste-t-elle. Nous allons rencontrer leurs familles, leurs
avocats, les associations de défense des droits de l'homme, en vue de
repérer les initiatives de solidarité qu'il est possible de mettre en
oeuvre
depuis la Belgique.
Autre démarche en cours, celle de Saïd Mrabet, conseiller
communal bruxellois Ecolo passé au FDF : une lettre de soutien diffusée
sur
le Web afin d'obtenir la libération de ces femmes qui, précise l'élu
local,
du statut de victimes sont devenues des coupables. Car l'été est là, et
les
prisons marocaines, c'est loin d'être la joie. Tous les humanistes
doivent
agir.
Dans la société civile, aussi, les voix se libèrent. Entre
désolation et fureur. Il s'agit de rester prudent, nous confie à titre
personnel Radouane Bouhlal, le président du Mrax. Il faut bien sûr
dénoncer
cette affaire de moeurs, mais sans devenir les alliés objectifs des
islamistes qui veulent rétablir l'ordre moral ; sans régler nos comptes
avec
le Maroc ; sans faire le procès de la presse ; sans verser dans le
discours
: " tous ces touristes néo-colonialistes et pervers ".
Des voix prudentes, mais aussi indignées, comme celle de
Mouedden Mohsin, animateur sur radio El Wafa qui n'hésite pas à jeter
un
pavé dans la mare en dénonçant les violences, le sexisme et le
non-droit qui
ont rendu certaines femmes telles des fauves enragées prêtes à tout
pour
fuir un monde hypocrite, étouffant et oppressant. Misère sociale,
analphabétisme, corruption, poids de l'islam et des traditions... Le
Maroc
récolte ce qu'il a semé, dénonce, attristée, une féministe
maroxelloise.
Cette sale histoire, c'est tout sauf l'image d'Epinal. Profitons-en
pour
lever les tabous. Merouane Touali, de Wafin.be ajoute : Il faut arrêter
de
se voiler la face. Le tourisme sexuel est une réalité connue de tous.
Fatiha
Saïdi enchaîne : Un an après la réforme du code de la famille, cette
affaire
est du pain bénit pour les réactionnaires.
Pour Mimoun El Khier, de la Maison des femmes de Molenbeek,
le
sujet est fort : Les femmes d'ici se sentent trahies, honteuses,
révoltées... Mais elles se posent aussi des questions sur les moeurs,
la
liberté de disposer de son corps, l'Europe comme Eldorado, l'attitude
des
touristes en général.
L'" affaire d'Agadir ", on le voit, dépasse le cadre du
simple
fait divers. Par-delà la honte, la " hchouma ", place au débat. Sans
tabous.
Ici et là-bas.·
© Rossel & Cie S.A. - Le Soir, Bruxelles, 2005
Le Soir, 23/06/2005
Entre malaise et débat, la voix des Maroxellois ( c'est ainsi qu'on appelle en Belgique les marocains de Bruxelles ).
HUGUES DORZÉE
La honte, " hchouma " en arabe. L'indignation. Mais aussi
l'embarras, la colère et la gêne. Autant de sentiments diffus qui, jour
après jour, gagnent peu à peu les membres de la communauté marocaine de
Belgique (environ 150.000 personnes). Une certitude : l'affaire du "
pornographe belge ", la " S... gate ", le " scandale d'Agadir ", peu
importe
l'intitulé, ne laisse aucun " Maroxellois " indifférent. A la veille
des
vacances et des retrouvailles tant attendues au " pays ", le débat
dépasse -
de loin - le simple fait divers.
Il est question de tourisme sexuel, de valeurs morales, de
rapport nord-sud, de droit comparé, de féminisme ici et là-bas...
Forums
réguliers sur les sites web de la " diaspora " (wafin.be, bladinet,
kif-kif...), discussions informelles dans la société civile, débat sur
radio
El Wafa, actions politiques... Autant d'initiatives et autant de
questions :
comment servir au mieux la cause des douze femmes poursuivies là-bas ?
Comment agir sans verser dans l'ethnocentrisme, la démagogie ou le
discours
moraliste ?
Sur le plan politique, le débat est lancé. Ce jeudi, à la
Chambre, la députée socialiste Talbia Belhouari interpellera la
ministre de
la Justice. Un groupe de réflexion réunissant des élus fédéraux et
bruxellois, des membres de la société civile et des juristes s'est
constitué
: Nous voulons lever les tabous, explique Nadia Youssfi (PS). Aborder
globalement la question du tourisme sexuel et légiférer de façon
pertinente.
Sa collègue Fatiha Saïdi, députée bruxelloise PS, s'envole,
quant à elle pour Agadir, ce vendredi matin afin d'évaluer de façon
objective la situation sur place : Ces femmes ont droit à un procès
équitable, insiste-t-elle. Nous allons rencontrer leurs familles, leurs
avocats, les associations de défense des droits de l'homme, en vue de
repérer les initiatives de solidarité qu'il est possible de mettre en
oeuvre
depuis la Belgique.
Autre démarche en cours, celle de Saïd Mrabet, conseiller
communal bruxellois Ecolo passé au FDF : une lettre de soutien diffusée
sur
le Web afin d'obtenir la libération de ces femmes qui, précise l'élu
local,
du statut de victimes sont devenues des coupables. Car l'été est là, et
les
prisons marocaines, c'est loin d'être la joie. Tous les humanistes
doivent
agir.
Dans la société civile, aussi, les voix se libèrent. Entre
désolation et fureur. Il s'agit de rester prudent, nous confie à titre
personnel Radouane Bouhlal, le président du Mrax. Il faut bien sûr
dénoncer
cette affaire de moeurs, mais sans devenir les alliés objectifs des
islamistes qui veulent rétablir l'ordre moral ; sans régler nos comptes
avec
le Maroc ; sans faire le procès de la presse ; sans verser dans le
discours
: " tous ces touristes néo-colonialistes et pervers ".
Des voix prudentes, mais aussi indignées, comme celle de
Mouedden Mohsin, animateur sur radio El Wafa qui n'hésite pas à jeter
un
pavé dans la mare en dénonçant les violences, le sexisme et le
non-droit qui
ont rendu certaines femmes telles des fauves enragées prêtes à tout
pour
fuir un monde hypocrite, étouffant et oppressant. Misère sociale,
analphabétisme, corruption, poids de l'islam et des traditions... Le
Maroc
récolte ce qu'il a semé, dénonce, attristée, une féministe
maroxelloise.
Cette sale histoire, c'est tout sauf l'image d'Epinal. Profitons-en
pour
lever les tabous. Merouane Touali, de Wafin.be ajoute : Il faut arrêter
de
se voiler la face. Le tourisme sexuel est une réalité connue de tous.
Fatiha
Saïdi enchaîne : Un an après la réforme du code de la famille, cette
affaire
est du pain bénit pour les réactionnaires.
Pour Mimoun El Khier, de la Maison des femmes de Molenbeek,
le
sujet est fort : Les femmes d'ici se sentent trahies, honteuses,
révoltées... Mais elles se posent aussi des questions sur les moeurs,
la
liberté de disposer de son corps, l'Europe comme Eldorado, l'attitude
des
touristes en général.
L'" affaire d'Agadir ", on le voit, dépasse le cadre du
simple
fait divers. Par-delà la honte, la " hchouma ", place au débat. Sans
tabous.
Ici et là-bas.·
© Rossel & Cie S.A. - Le Soir, Bruxelles, 2005