16 mai 1930: le Dahir berbère au Maroc

Tafart

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En 1930 les autorités du protectorat français au Maroc ont décidé de reformer la justice y compris la justice de coutume amazighe. Un certain Abdelatif Sbihi de la ville de salé a réagi par inciter les gens à protester. Ses motifs furent condamnés par le sultan Mohamed V (1909-1961) dont voici la lettre qu’il a fait lire le 02 août 1930 dans les mosquées des grandes villes du royaume . La lettre avertit les marocains contre une interprétation erronée du texte du Dahir. Source de la lettre: Lahoucine Outachfit. Le Dahir du 16 mai 1930, dit « Dahir berbère » au Maroc. Le mythe et la fiction dans l’histoire du Maroc. JePublie, 2010. PP. 140-142.

«Vous n'ignorez pas que les tribus berbères ont toujours été soumises à un ensemble de lois coutumières ancestrales qui leur ont permis de régler leurs différends et que ce système d'administration leur a toujours été reconnu par Nos Ancêtres sanctifiés ainsi que les souverains des autres dynasties qui les ont précédés. L'exercice de ces coutumes s'est ainsi étendu sur plusieurs siècles et le dernier souverain qui l'a reconnu aux tribus berbères est Notre Auguste et Vénère père qui n'a fait que suivre les traces de ses prédécesseurs, dans le seul but d'accorder aux Berbères le moyen de régler leurs différends pour le développement de la paix parmi eux. Cet octroi ne pouvant être considère comme un moyen d'administration makhzanienne, nous avons nous-mêmes décrèté de semblables mesures par Notre Dahir chérifien. Cependant, des jeunes gens, dénués de toute espèce de discernement, ignorant toute la portée de leurs actes repréhensibles, se sont mis à faire croire que ces mesures que nous avons décrétées n'ont pour but que la christianisation des Berbères. Ils ont ainsi induit la foule en erreur et ont convie les gens à se réunir dans les mosquées pour reciter les prières du Latif après les prières rituelles, transformant par ce procédé la prière en manifestation politique de nature à jeter le trouble dans les esprits. Notre Majesté reprouve absolument que les mosquées, dont Dieu a fait des lieux de prière et de piété, soient transformées en foyers de réunions politiques ou prennent libre cours les arrière-pensées, et ou se développent les mauvais penchants.

«Comment peut-on concevoir que notre glorieux auteur, dont l'éternel souci était le bien-être de ses sujets, ait jamais pu penser à la christianisation des Berbères ou à admettre tout ce qui pourrait y conduire ; et vous savez que Nous nous sommes toujours inspirés de ces principes et que Nous ne nous sommes jamais écartés de la glorieuse voie qu'il nous a tracée, soucieux de ne rien épargner pour assurer à nos sujets le bienêtre et la tranquillité les plus absolus. En renouvelant aux tribus berbères le libre exercice de leurs coutumes, nous ne faisons que répondre à leur désir le plus intime qu'ils ont exprimé en toutes occasions, coutumes qui, comme nous l’avons déjà dit, sont en vigueur depuis des siècles. Mais, pour vous montrer qu'aucune arrière-pensée n'a guidé notre action, nous venons de décréter que toute tribu berbère qui exprimera le désir d'être soumise à la juridiction du Chraa, obtiendra immédiatement un cadi pour le règlement de ses transactions. Ceci est une preuve de toute notre sollicitude pour la protection de leur religion et pour le maintien de l'Islam parmi eux. Nous vous ordonnons en conséquence d'observer l'ordre et la tranquillité, et de ne jamais vous écarter de la voie de la pondération et de la sagesse. Puisse Dieu, par ses inestimables faveurs, vous guider dans le chemin de votre bonheur présent et futur.»

Le message fut lu clans les mosquées de Fès, Rabat, Sale, Casablanca, Meknès et Marrakech.Dans ce message, le sultan Mohammed V justifiait la promulgation du Dahir et demandait l'arrêt des manifestations. Il ajoutait que le Dahir avait été rédigé par les services de la Résidence et que, lui, avait accepte de le signer. Le sultan n 'oublia pas de rappeler l'existence des coutumes ancestrales qui, de tout temps, avaient permis aux tribus berbères de régler leurs différends. Il précisait ainsi que les coutumes berbères ne dataient pas d'aujourd'hui, mais qu'il s'agissait d'un règlement qui existait au Maroc depuis des siècles. Il rappela même que son grand-père, Moulay el-Hassan, avait déjà accordé auparavant aux Berbères l'usage de leurs coutumes. Apres ce message du sultan, les manifestations clans les mosquées - y compris la récitation du Latif- furent officiellement interdites clans tout le royaume.
 
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