Un pays de cocagne
http://www.lepoint.fr/content/monde/article?id=185612
Le Maroc vise à accueillir 10 millions de touristes en 2010. Six nouvelles stations balnéaires sortent de terre sur des plages encore vierges.
Sans être un immense pays, le Maroc a été gâté par l’Histoire, ainsi que ses 31 millions d’habitants. Au fil des siècles, les capitales du royaume se sont déplacées de Marrakech la rouge à Meknès l’ismaélienne, de Fès la mérinide à Rabat en 1912, à l’initiative de Lyautey. Autant de villes qui se livrent aujourd’hui à une fructueuse compétition pour attirer les touristes.
Entre Meknès et Fès, les deux rivales, le duel à fleurets mouchetés n’est pas près de prendre fin. Meknès ne se remet pas d’avoir été abandonnée à son sort, de voir les splendides écuries d’Ismaïl Ier, le sultan qui demanda la main d’une fille de Louis XIV, envahies par les ronces. Elles abritaient jadis 12 000 destriers. Les Meknassis ont décidé de réagir. « Notre ville a un immense patrimoine touristique. Il faudra bien qu’on se rende compte un jour que Meknès est la capitale et Fès sa banlieue », plaisantait l’an passé, mi-figue, mi-raisin, un industriel meknassi amoureux de sa ville. Celle-ci fait peau neuve, restaure ses hautes murailles, entrouvre sa médina aux allures de Cité interdite, séduit de nouveau ses visiteurs, même si Fès, enceinte dans ses remparts moyenâgeux, garde encore plusieurs longueurs d’avance.
Le royaume a décidé d’attirer un tourisme haut de gamme, intéressé par son histoire et sa culture, sa cuisine et sa musique, d’où la multiplication des festivals : Musiques sacrées du monde à Fès ; Gnaouas et Arts lyriques à Essaouira, le joli port fortifié de la côte atlantique ; rap et techno à Casablanca ; folklore à Rabat...
Mais l’enjeu est d’une tout autre envergure. En 2001, le roi Mohammed VI fixait le cap : le royaume recevrait 10 mil-lions de touristes dix ans plus tard. Le pari semblait un peu fou. Pas pour Adil Douiri, actuel ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale, un des quadras du roi, polytechnicien dynamique et décontracté mis à ce poste pour le « booster ». Le « produit Maroc » marche fort : le soleil, les sites sauvages, les immenses plages vierges de sable blanc et la gentillesse de la population sont des atouts de premier ordre. Les Français en raffolent et ils ne sont pas les seuls, même s’ils forment les premiers bataillons de touristes (sans compter les 30 000 ressortissants de l’Hexagone, au bas mot, qui y résident désormais à l’année).
L’an passé, 6,5 millions de visiteurs ont fréquenté le Maroc, dont, il est vrai, 2,9 millions de Marocains rentrant pour les vacances. Mais une partie des deuxième et troisième générations de Marocains de l’étranger, délaissant le bled, achètent des appartements sur les côtes. Pour la première fois en 2006, les rentrées en devises tirées du tourisme ont dépassé les revenus générés par les transferts des émigrés.
Pour faire le saut des 10 millions de touristes, le royaume a vu grand : six nouvelles stations balnéaires - Saïdia, Lixus, Mazagan, Mogador, Taghazout, Plage-Blanche - sont en construction sur 3 500 kilomètres de côtes méditer-ranéenne et atlantique. La première, Saïdia, à l’extrême est du pays, aux confins de l’Algérie, ouvrira en 2008. Un vol direct est déjà prévu entre Londres et Oujda. Une compagnie à bas prix opérera, elle, entre Londres et Tanger. Sept vols quotidiens sont prévus entre Londres et Marrakech, dont quatre desservis par des compagnies à bas coût.
Pas question pour autant de bétonner les paysages. C’est précisément pour l’éviter que les autorités veulent multiplier les sites. « On ne construira plus à Agadir, qui compte actuellement 30 000 lits , explique Adil Douiri, et Marrakech est presque arrivée à son point de saturation. » Ces deux villes reçoivent actuellement les deux tiers des touristes.
L’objectif reste la création d’emplois. Les 5 000 chambres d’hôtel construites l’an passé en ont créé 20 000. En 2007, on table sur l’ouverture de 7 000 à 8 000 chambres (30 000 postes de travail). « Quand les terrains appartiennent à l’Etat, les investisseurs doivent construire 50 % en hôtels et 50 % en villas, pas plus » , explique le ministre du Tourisme. Car les villas, même si elles suscitent des emplois (bâtiment, artisanat), n’utilisent pas autant de salariés que l’hôtellerie.
Peut-on faire cohabiter sans risque islam et touristes ? Oui, estiment les responsables marocains. En misant sur une clientèle aisée, ils espèrent limiter les risques de friction entre des modes de vie bien différents. « Même les responsables du PJD [Parti de la justice et du développement] nous ont déclaré que si accueillir 1 million de retraités dans des maisons pour troisième âge permettait de créer 1 million d’emplois ils y étaient favorables », affirme Ahmed Lahlimi, haut-commissaire au Plan.
Fès : le festival du Maroc
C’est le plus chic et le plus couru des festivals du Maroc. Cette année encore, du 1er au 9 juin, le festival des Musiques sacrées de Fès, pour sa treizième édition, ne reniera pas sa tradition. Barbara Hendricks l’Américaine, Johnny Clegg le Zoulou blanc venu de la lointaine Afrique du Sud, Claire Zalamansky, formidable cantatrice interprète de l’Espagne séfarade, complaintes des soufis ouzbeks et chants grégoriens venus du Portugal, et même le Français Bartabas et son étalon blanc... Plus de trois cents artistes vont chanter, pleurer, prier sur le thème « Le sacré et la modernité ».
Pouvait-on imaginer meilleur écrin pour ce thème que Fès la lumineuse, cette ville-musée où le quotidien côtoie l’éternité et qui, cette année, a fait peau neuve ?
L’après-midi, en marge des concerts, des débats vont rassembler une quarantaine d’invités prestigieux venus du monde entier pour ces « Rencontres de Fès ». Trois thèmes, dont le très actuel « Les identités culturelles face à l’uniformisation du monde ».
http://www.lepoint.fr/content/monde/article?id=185612
Le Maroc vise à accueillir 10 millions de touristes en 2010. Six nouvelles stations balnéaires sortent de terre sur des plages encore vierges.
Sans être un immense pays, le Maroc a été gâté par l’Histoire, ainsi que ses 31 millions d’habitants. Au fil des siècles, les capitales du royaume se sont déplacées de Marrakech la rouge à Meknès l’ismaélienne, de Fès la mérinide à Rabat en 1912, à l’initiative de Lyautey. Autant de villes qui se livrent aujourd’hui à une fructueuse compétition pour attirer les touristes.
Entre Meknès et Fès, les deux rivales, le duel à fleurets mouchetés n’est pas près de prendre fin. Meknès ne se remet pas d’avoir été abandonnée à son sort, de voir les splendides écuries d’Ismaïl Ier, le sultan qui demanda la main d’une fille de Louis XIV, envahies par les ronces. Elles abritaient jadis 12 000 destriers. Les Meknassis ont décidé de réagir. « Notre ville a un immense patrimoine touristique. Il faudra bien qu’on se rende compte un jour que Meknès est la capitale et Fès sa banlieue », plaisantait l’an passé, mi-figue, mi-raisin, un industriel meknassi amoureux de sa ville. Celle-ci fait peau neuve, restaure ses hautes murailles, entrouvre sa médina aux allures de Cité interdite, séduit de nouveau ses visiteurs, même si Fès, enceinte dans ses remparts moyenâgeux, garde encore plusieurs longueurs d’avance.
Le royaume a décidé d’attirer un tourisme haut de gamme, intéressé par son histoire et sa culture, sa cuisine et sa musique, d’où la multiplication des festivals : Musiques sacrées du monde à Fès ; Gnaouas et Arts lyriques à Essaouira, le joli port fortifié de la côte atlantique ; rap et techno à Casablanca ; folklore à Rabat...
Mais l’enjeu est d’une tout autre envergure. En 2001, le roi Mohammed VI fixait le cap : le royaume recevrait 10 mil-lions de touristes dix ans plus tard. Le pari semblait un peu fou. Pas pour Adil Douiri, actuel ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale, un des quadras du roi, polytechnicien dynamique et décontracté mis à ce poste pour le « booster ». Le « produit Maroc » marche fort : le soleil, les sites sauvages, les immenses plages vierges de sable blanc et la gentillesse de la population sont des atouts de premier ordre. Les Français en raffolent et ils ne sont pas les seuls, même s’ils forment les premiers bataillons de touristes (sans compter les 30 000 ressortissants de l’Hexagone, au bas mot, qui y résident désormais à l’année).
L’an passé, 6,5 millions de visiteurs ont fréquenté le Maroc, dont, il est vrai, 2,9 millions de Marocains rentrant pour les vacances. Mais une partie des deuxième et troisième générations de Marocains de l’étranger, délaissant le bled, achètent des appartements sur les côtes. Pour la première fois en 2006, les rentrées en devises tirées du tourisme ont dépassé les revenus générés par les transferts des émigrés.
Pour faire le saut des 10 millions de touristes, le royaume a vu grand : six nouvelles stations balnéaires - Saïdia, Lixus, Mazagan, Mogador, Taghazout, Plage-Blanche - sont en construction sur 3 500 kilomètres de côtes méditer-ranéenne et atlantique. La première, Saïdia, à l’extrême est du pays, aux confins de l’Algérie, ouvrira en 2008. Un vol direct est déjà prévu entre Londres et Oujda. Une compagnie à bas prix opérera, elle, entre Londres et Tanger. Sept vols quotidiens sont prévus entre Londres et Marrakech, dont quatre desservis par des compagnies à bas coût.
Pas question pour autant de bétonner les paysages. C’est précisément pour l’éviter que les autorités veulent multiplier les sites. « On ne construira plus à Agadir, qui compte actuellement 30 000 lits , explique Adil Douiri, et Marrakech est presque arrivée à son point de saturation. » Ces deux villes reçoivent actuellement les deux tiers des touristes.
L’objectif reste la création d’emplois. Les 5 000 chambres d’hôtel construites l’an passé en ont créé 20 000. En 2007, on table sur l’ouverture de 7 000 à 8 000 chambres (30 000 postes de travail). « Quand les terrains appartiennent à l’Etat, les investisseurs doivent construire 50 % en hôtels et 50 % en villas, pas plus » , explique le ministre du Tourisme. Car les villas, même si elles suscitent des emplois (bâtiment, artisanat), n’utilisent pas autant de salariés que l’hôtellerie.
Peut-on faire cohabiter sans risque islam et touristes ? Oui, estiment les responsables marocains. En misant sur une clientèle aisée, ils espèrent limiter les risques de friction entre des modes de vie bien différents. « Même les responsables du PJD [Parti de la justice et du développement] nous ont déclaré que si accueillir 1 million de retraités dans des maisons pour troisième âge permettait de créer 1 million d’emplois ils y étaient favorables », affirme Ahmed Lahlimi, haut-commissaire au Plan.
Fès : le festival du Maroc
C’est le plus chic et le plus couru des festivals du Maroc. Cette année encore, du 1er au 9 juin, le festival des Musiques sacrées de Fès, pour sa treizième édition, ne reniera pas sa tradition. Barbara Hendricks l’Américaine, Johnny Clegg le Zoulou blanc venu de la lointaine Afrique du Sud, Claire Zalamansky, formidable cantatrice interprète de l’Espagne séfarade, complaintes des soufis ouzbeks et chants grégoriens venus du Portugal, et même le Français Bartabas et son étalon blanc... Plus de trois cents artistes vont chanter, pleurer, prier sur le thème « Le sacré et la modernité ».
Pouvait-on imaginer meilleur écrin pour ce thème que Fès la lumineuse, cette ville-musée où le quotidien côtoie l’éternité et qui, cette année, a fait peau neuve ?
L’après-midi, en marge des concerts, des débats vont rassembler une quarantaine d’invités prestigieux venus du monde entier pour ces « Rencontres de Fès ». Trois thèmes, dont le très actuel « Les identités culturelles face à l’uniformisation du monde ».