Talalit
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Histoires de Saints
Sidi Hmed ou Moussa, un grand Saint du Sous
La Nouvelle Tribune poursuit son survol de la sainteté à travers l’histoire du Maroc. Après Abou Abbas Sebti l’un des plus célèbres seba’tou rijâl, voici Sidi Hmed ou Moussa qui a vécu au 16ème siècle, soit trois siècles plus tard. A part certains récits oraux rapportés ça et là, la littérature sur ce saint de Souss est peu abondante. Un livre a été écrit en français en 1950 par le Colonel Justinard, un des spécialistes de l’Islam comme le protectorat a su en produire tels Michaux Bellaire, Henri de Castries ou Afred Bel. Cette biographie est une des rares, voire la seule en français. Elle a un intérêt même si son auteur n’est pas musulman. Elle n’a pas été rééditée mais on peut la consulter notamment à la Bibliothèque nationale (Rabat). Colonel Justinard, Un petit Royaume Berbère : "Le Tazeroualt, un saint berbère Sidi Ahmed Ou Moussa", Librairie orientale et américaine, 1954
Le texte ci-dessous est un extrait intégral de cette biographie.
L’imagerie populaire récente ne retient que le folklore illustré par les fameux équilibristes, les “Tarwa n Sidi Hmed Ou Moussa”, comme si ce saint avait “une vocation historique à former des gymnastes”… Il faut parfois, souvent, aller au-delà, de ce que nous offrent les croyances populaires, pour toucher l’essentiel, la vérité…
Sidi Hmed Ou Moussa est un saint du 16ème Siècle, contemporain des Sultans Saadiens.
Il est né à Bou Merouan de la tribu des Ida ou Semlal. Il est mort en 971 (1560), au Tazeroualt (à l’Est de Tiznit) où son tombeau est vénéré. Son père était Sidi Moussa et sa mère Lalla Taounout. Des textes attestent de son origine chérifienne par Sidi Abdallâh, ben Ja’fer.
Il étudia le Coran sans doute dans la petite école (akherbich) de son village, comme tant de petits chleuhs. Il approfondit son étude de la grammaire, car il fut lettré, dans une de ces antiques mosquées qu’on voit partout chez les Ida Oultit (confédération regroupant Ida Oubaaqil, Ida Ousemlal et Ida Goursmoukt).
Sidi Hmed ou Moussa, comme tous les tolbas du Souss, fut un grand voyageur “Quant à ses voyages et à ses courses à travers le monde, voici ce que m’a dit le faqir Mohamed Ben Brahim le Taïbi : “J’entrai un jour chez lui dans sa zaouïa. Je le trouvai exposé au soleil, les jambes étendues. Et il regardait ses deux pieds et il riait. J’eus le soupçon qu’il riait de moi et je lui dis: “Pourquoi ris-tu Sidi ? Il dit: “Tu me trouves en train de regarder ces deux-là et je ris. Car tous les chameaux de la terre, en tout lieu du monde, auraient beau porter des charges, ils périraient avec tout leur chargement avant d’avoir franchi tout ce qu’ont franchi ces deux-là”
Un jour que ses disciples étaient assis autour de lui, l’un d’entre eux s’interrogea sur la foi. Un disciple répondit: “C’est l’assentiment”. Le shaykh se pencha vers un de ses familiers et lui dit : “c’est la saveur” (Dawq).
Il disait à qui demandait la connaissance de Dieu: “Ton eau est dans ton chargement et ton trésor est sous ton mur”, Faisant allusion à la parole de Dieu Très-Haut: “Et dans vos âmes, ne l’apercevez-vous pas ?... ” (Coran, 51-21).
Il disait (qu’Allah l’agrée) : “Combien d’hommes sont morts de soif alors que l’eau atteignait leur barbe. C’est qu’ils avaient besoin d’un sage pour leur faire courber la tête. Alors ils auraient bu à se désaltérer”.
Il voulait dire que celui qui néglige la connaissance de Dieu a besoin de qui la lui montre dans les choses les plus proches de lui, c’est-à-dire lui-même. Il disait: “Tout, du sol jusqu’à la voûte du Ciel proclame par Sa voix et Son aspect. Il n’y a de salut que dans la vérité (El Haqq). C’est Dieu qui est la vérité et dirige dans la voie droite”.
A ceux des savants qui venaient à lui, il disait: “Celui qui a la crainte de Dieu, c’est lui qui est le savant, et non pas un autre”
Un jour qu’il prêchait, il mit au nominatif (faute de grammaire) le vocatif en rapport d’annexion. Un des assistants se dit à lui-même : “Quel bon shaykh ce serait s’il savait au moins un peu la grammaire».
Il se tourna vers l’assistant (car il avait lu en lui) et il répéta la phrase en mettant correctement à l’accusatif. Puis il dit : “Ma langue a été rapide en vocalisant”. Plaise à Dieu qu’elle s’en tire au Jour du Rassemblement (le jugement dernier). Ce jour là, la vocalisation correcte ne servira pas à qui n’a pas la crainte d’Allah. Et à qui aura la crainte d’Allah, un langage barbare ne lui nuira pas”.
Ainsi prennent fin les extraits du livre : Un petit Royaume Berbère : Le Tazeroualt, un saint berbère Sidi Ahmed Ou Moussa.
Je voudrais maintenant attirer l’attention sur les deux paroles citées en encadrés. Cinq siècles environ séparent leurs auteurs (Sidi Hmed ou Moussa et Sidi Hamza), mais c’est la même vérité exprimée. La vérité est une et tous les saints l’expriment à leur manière un peu comme cette parabole soufie de l’éléphant. Des hommes plongés dans l’obscurité touchent chacun une partie de l’animal : l’un déclare que c’est la trompe, l’autre, les pieds, etc. mais n’est-ce pas la seule et même réalité décrite : un éléphant ?
Si l’eau (symbolisant ici la vérité) est proche de nous (et “Il est plus proche de vous que votre veine jugulaire”, Coran), le rôle du sage, de l’éducateur spirituel est de faire découvrir à l’homme insouciant la vérité qu’il porte en lui. Méditons cette détresse dans laquelle se trouve l’homme moderne, courant dans tous les sens tel l’assoiffé en quête d’une eau que jamais il ne trouvera (parce que c’est un mirage !) ; alors que la source où il pourrait se désaltérer à volonté est juste près de lui. Mais, semble nous dire la seconde sagesse de Sidi Hamza, l’eau est certes proche mais jamais l’orgueilleux ne s’abaissera car refusant d’admettre que l’eau lui arrive à la barbe. Seule l’humilité (de savoir qu’on ne sait pas) peut amener notre homme à se baisser pour se désaltérer. Il pourra alors comprendre (s’élever dans la compréhension) en proportion du degré de son humilité : “qui s’humilie au fur et à mesure, Dieu l’élève au fur et à mesure ” dit notre Prophète bien aimé (que la paix et la grâce de Dieu soient sur lui, sa famille et ses compagnons).
Puisse Dieu être satisfait de Ses saints car ce sont les véritables guides de Ses créatures !
(Source: LaNouvelleTribune, Hmed Rachik)
Sidi Hmed ou Moussa, un grand Saint du Sous
La Nouvelle Tribune poursuit son survol de la sainteté à travers l’histoire du Maroc. Après Abou Abbas Sebti l’un des plus célèbres seba’tou rijâl, voici Sidi Hmed ou Moussa qui a vécu au 16ème siècle, soit trois siècles plus tard. A part certains récits oraux rapportés ça et là, la littérature sur ce saint de Souss est peu abondante. Un livre a été écrit en français en 1950 par le Colonel Justinard, un des spécialistes de l’Islam comme le protectorat a su en produire tels Michaux Bellaire, Henri de Castries ou Afred Bel. Cette biographie est une des rares, voire la seule en français. Elle a un intérêt même si son auteur n’est pas musulman. Elle n’a pas été rééditée mais on peut la consulter notamment à la Bibliothèque nationale (Rabat). Colonel Justinard, Un petit Royaume Berbère : "Le Tazeroualt, un saint berbère Sidi Ahmed Ou Moussa", Librairie orientale et américaine, 1954
Le texte ci-dessous est un extrait intégral de cette biographie.
L’imagerie populaire récente ne retient que le folklore illustré par les fameux équilibristes, les “Tarwa n Sidi Hmed Ou Moussa”, comme si ce saint avait “une vocation historique à former des gymnastes”… Il faut parfois, souvent, aller au-delà, de ce que nous offrent les croyances populaires, pour toucher l’essentiel, la vérité…
Sidi Hmed Ou Moussa est un saint du 16ème Siècle, contemporain des Sultans Saadiens.
Il est né à Bou Merouan de la tribu des Ida ou Semlal. Il est mort en 971 (1560), au Tazeroualt (à l’Est de Tiznit) où son tombeau est vénéré. Son père était Sidi Moussa et sa mère Lalla Taounout. Des textes attestent de son origine chérifienne par Sidi Abdallâh, ben Ja’fer.
Il étudia le Coran sans doute dans la petite école (akherbich) de son village, comme tant de petits chleuhs. Il approfondit son étude de la grammaire, car il fut lettré, dans une de ces antiques mosquées qu’on voit partout chez les Ida Oultit (confédération regroupant Ida Oubaaqil, Ida Ousemlal et Ida Goursmoukt).
Sidi Hmed ou Moussa, comme tous les tolbas du Souss, fut un grand voyageur “Quant à ses voyages et à ses courses à travers le monde, voici ce que m’a dit le faqir Mohamed Ben Brahim le Taïbi : “J’entrai un jour chez lui dans sa zaouïa. Je le trouvai exposé au soleil, les jambes étendues. Et il regardait ses deux pieds et il riait. J’eus le soupçon qu’il riait de moi et je lui dis: “Pourquoi ris-tu Sidi ? Il dit: “Tu me trouves en train de regarder ces deux-là et je ris. Car tous les chameaux de la terre, en tout lieu du monde, auraient beau porter des charges, ils périraient avec tout leur chargement avant d’avoir franchi tout ce qu’ont franchi ces deux-là”
Un jour que ses disciples étaient assis autour de lui, l’un d’entre eux s’interrogea sur la foi. Un disciple répondit: “C’est l’assentiment”. Le shaykh se pencha vers un de ses familiers et lui dit : “c’est la saveur” (Dawq).
Il disait à qui demandait la connaissance de Dieu: “Ton eau est dans ton chargement et ton trésor est sous ton mur”, Faisant allusion à la parole de Dieu Très-Haut: “Et dans vos âmes, ne l’apercevez-vous pas ?... ” (Coran, 51-21).
Il disait (qu’Allah l’agrée) : “Combien d’hommes sont morts de soif alors que l’eau atteignait leur barbe. C’est qu’ils avaient besoin d’un sage pour leur faire courber la tête. Alors ils auraient bu à se désaltérer”.
Il voulait dire que celui qui néglige la connaissance de Dieu a besoin de qui la lui montre dans les choses les plus proches de lui, c’est-à-dire lui-même. Il disait: “Tout, du sol jusqu’à la voûte du Ciel proclame par Sa voix et Son aspect. Il n’y a de salut que dans la vérité (El Haqq). C’est Dieu qui est la vérité et dirige dans la voie droite”.
A ceux des savants qui venaient à lui, il disait: “Celui qui a la crainte de Dieu, c’est lui qui est le savant, et non pas un autre”
Un jour qu’il prêchait, il mit au nominatif (faute de grammaire) le vocatif en rapport d’annexion. Un des assistants se dit à lui-même : “Quel bon shaykh ce serait s’il savait au moins un peu la grammaire».
Il se tourna vers l’assistant (car il avait lu en lui) et il répéta la phrase en mettant correctement à l’accusatif. Puis il dit : “Ma langue a été rapide en vocalisant”. Plaise à Dieu qu’elle s’en tire au Jour du Rassemblement (le jugement dernier). Ce jour là, la vocalisation correcte ne servira pas à qui n’a pas la crainte d’Allah. Et à qui aura la crainte d’Allah, un langage barbare ne lui nuira pas”.
Ainsi prennent fin les extraits du livre : Un petit Royaume Berbère : Le Tazeroualt, un saint berbère Sidi Ahmed Ou Moussa.
Je voudrais maintenant attirer l’attention sur les deux paroles citées en encadrés. Cinq siècles environ séparent leurs auteurs (Sidi Hmed ou Moussa et Sidi Hamza), mais c’est la même vérité exprimée. La vérité est une et tous les saints l’expriment à leur manière un peu comme cette parabole soufie de l’éléphant. Des hommes plongés dans l’obscurité touchent chacun une partie de l’animal : l’un déclare que c’est la trompe, l’autre, les pieds, etc. mais n’est-ce pas la seule et même réalité décrite : un éléphant ?
Si l’eau (symbolisant ici la vérité) est proche de nous (et “Il est plus proche de vous que votre veine jugulaire”, Coran), le rôle du sage, de l’éducateur spirituel est de faire découvrir à l’homme insouciant la vérité qu’il porte en lui. Méditons cette détresse dans laquelle se trouve l’homme moderne, courant dans tous les sens tel l’assoiffé en quête d’une eau que jamais il ne trouvera (parce que c’est un mirage !) ; alors que la source où il pourrait se désaltérer à volonté est juste près de lui. Mais, semble nous dire la seconde sagesse de Sidi Hamza, l’eau est certes proche mais jamais l’orgueilleux ne s’abaissera car refusant d’admettre que l’eau lui arrive à la barbe. Seule l’humilité (de savoir qu’on ne sait pas) peut amener notre homme à se baisser pour se désaltérer. Il pourra alors comprendre (s’élever dans la compréhension) en proportion du degré de son humilité : “qui s’humilie au fur et à mesure, Dieu l’élève au fur et à mesure ” dit notre Prophète bien aimé (que la paix et la grâce de Dieu soient sur lui, sa famille et ses compagnons).
Puisse Dieu être satisfait de Ses saints car ce sont les véritables guides de Ses créatures !
(Source: LaNouvelleTribune, Hmed Rachik)