Said Taghmaoui, un acteur achlhi!!

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http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne_gen_cpersonne=3418.html
 
Il est de la ville d'Agadir...D'ailleurs, si vous voulez le voir parler en tachlhite, il faut voir le film de Marrakech express.
 
Libération
PROFIL, samedi 9 janvier 1999, p. 40

Saïd Taghmaoui, 25 ans, révélé par "la Haine", vedette de "Marrakech Express", revendique ses origines berbères et fait carrière à Hollywood. Cheikh symbol.

ECOIFFIER Matthieu

Leonardo l'embrassait à la poupe du Titanic. Et voilà Saïd qui pose sa tête entre les seins généreux de la belle dans Marrakech Express, sur les écrans mercredi prochain. "Pendant le tournage, je les appelais mes coussins airbag. C'est pas méchant, j'espère. Tout le monde dit qu'elle est un peu grosse... Moi, je la trouve mignonne." Elle, c'est la comédienne anglaise Kate Winslet. Et lui, c'est Saïd Taghmaoui. Jeune premier français d'origine marocaine, découvert dans la Haine. Mi-Aladin berbère, mi-Pacino des rues. Son histoire ressemble à un conte, une nuit parmi mille et une autres. Il la raconte calé dans un fauteuil de l'Institut du monde arabe, en sirotant du thé vert et sucré. Avec des mots et des images moulinés à grande vitesse, pour dire sa vie de jeune beur d'Aulnay-sous-Bois, parti pour Hollywood conquérir "le respect" qu'on lui refuse dans son pays. Le lendemain, Saïd s'envole pour l'Arizona, où il doit tourner jusqu'à la fin février un thriller à 60 millions de dollars produit par la Warner avec George Clooney, le Dr Doug d'Urgences. "Tout le monde rêvait de jouer avec la fille du Titanic! Et qu'est-ce qu'ils vont dire quand je vais revenir avec Clooney! My God!" Comme si, pour s'échapper de la banlieue sans la trahir, il lui fallait accomplir des exploits toujours plus grands, attraper le rêve américain sans se prendre les pieds dans les étoiles. "Hollywood, c'est du travail. Read the scene, si t'es bon, on te prend." Et Saïd a été retenu pour jouer un capitaine irakien dans un second rôle. "C'est la fin de la guerre du Golfe, quatre soldats américains, des morfalous, ne repartent pas et tentent de mettre la main sur l'or que les Irakiens ont volé aux Koweïtiens. Ça braque dans tous les sens, comme dans un John Woo. La métaphore, c'est que la guerre c'est de l'argent, et les Américains des voleurs", commente Saïd, incapable de respecter la consigne de discrétion du studio.

En France, c'est un autre jeu de rôles. "L'emploi au cinéma pour un jeune Arabe? Coche la bonne case: épicier, dealer, toxico, taulard ou vendeur d'armes." Son premier cachet? Tagger dans un clip du groupe Pow Wow, "dans la jungle, terrible jungle, le lion est mort ce soir...". A l'époque, Saïd est inscrit à l'université de la rue, du graffiti et du hip-hop. C'est là qu'il rencontre Mathieu Kassovitz. Cinq ans plus tard, qui se souvient de lui dans son premier rôle au cinéma? Personne. Et qui, du trio de la Haine, a fait carrière en France depuis? "Vincent Cassel", constate Saïd. Pour contourner le "monde des Blancs" du cinéma français, il a appris l'italien et tourné une poignée de films là-bas. "A sa sortie, la Haine a fait le tour du monde. Quand je suis arrivé en Italie, on me prenait pour un petit Pacino, il n'y avait pas de connotation maghrébine."

Saïd a grandi place Jupiter, à la cité des 3000 d'Aulnay-sous-Bois. Pendant son enfance, il n'y avait pas de "connotation". On ne parlait pas encore des cités, de la banlieue. Juste la famille, l'école, les grandes vacances à Agadir. "Mon père, c'est un arbre. Il se lève à 5 heures du matin depuis quarante-deux ans pour faire le maçon chez Bouygues. C'est un milieu prolétaire et fier. Avec des rapports humains comme partout." Seulement voilà. "Plus tu grandis, plus ça s'efface de ta mémoire: tes projets, ça va plus être possible. Il y a un vrai problème pour passer dans le monde des Blancs à Paris. Ça te demande une énergie énorme, une inhibition de ta culture. C'est comme un grand mensonge, la terre d'asile." Parmi ses trois frères et ses cinq soeurs, certains ont connu des embrouilles. "Mes enfants sont hantés", disait sa mère. "Ce qui m'a sauvé, c'est que je suis un grand curieux. Mais j'ai retenu mon souffle pour en arriver là", dit Saïd.

De rencontres en lectures, il se renseigne sur les cultures. S'ouvre "de A à Z". Mais continue de buter sur ce "quelque chose de tordu" qui empêche les auteurs français de faire jouer des gens qui lui ressemblent. "Boycottez Place Vendôme, boycottez ces films qui nous ignorent! Mettons des quotas, puisqu'il faut en arriver là!", lance-t-il. Puisqu'il faut taper dans la douleur pour en sortir. Et pas seulement au cinéma. Pas seulement avec Anelka et Zidane dans les stades, et Doc Gynéco sur les platines. "C'est pas une fois, pas deux fois, mais plusieurs fois qu'on se le dit entre nous: tout doucement, on se dirige vers la politique. On va mettre des cravates, et on va se faire embrouiller et désembrouiller. Quand tu vois tout ce trafic, tu peux pas rester pacifique", rappe-t-il. Mais le combat politique n'est pas le sien. A 25 ans, il veut encore "gambader" dans le monde.

Il est comme ça, Saïd, à balancer entre l'oubli du voyage et la tentation des origines. Les pieds sur terre, mais sans gâcher son plaisir. Longue est la route pour pouvoir dire "je suis". Si, aux Etats-Unis et en Italie, Saïd s'est sorti du cliché banlieue, on le cantonne quand même dans des rôles ethniques de nouvel Omar Sharif. Au printemps, il va interpréter la descente d'un écrivain égyptien dans les bas-fonds londoniens aux côtés de Vanessa Redgrave et Rupert Everett. Marrakech Express est aussi l'épitomé de cette position acrobatique. Pour jouer dans ce road movie hippie, il s'est sculpté un corps souple et mat. Un mois d'entraînement quotidien pour jongler et réaliser des flip-flap crédibles devant la caméra. Si Saïd est convaincant en bateleur, le film se perd dans la médina. Adapté d'un roman d'Esther Freud (1) best-seller outre-Manche, il réactive un à un tous les clichés british du Maroc. Dédale de ruelles crasseuses, hululements assourdissants, foule bigarrée: rien ne manque à cette fantasmagorie. Dans toute cette agitation, on cherche en vain le Maroc du grand-père berbère de Saïd, qui lui disait: "Avant de renifler une fleur, allons voir sa racine." Bien sûr, Saïd n'est pas dupe: montrer ses abdos lui permet aussi de coller à l'image dominante du mâle hollywoodien. "Kate" lui assure une promo titanesque, bien au-delà de l'intérêt du film. Et il est bien décidé à saisir sa chance. "Il en veut; en cinq ans, il a appris l'anglais et l'italien. Et il a un sens des relations publiques hallucinant", raconte son ami l'acteur Stanislas Mehrar. Il y a deux ans, les deux jeunes premiers s'étaient retrouvés au Festival de Venise. "Il lui suffisait de dire à chaque gondolier "C'est Saïd!" pour voyager à l'oeil. Il avait dû rencontrer le propriétaire des bateaux-taxis dans une soirée", raconte Mehrar. Dans la conversation, Saïd invoque souvent la figure tutélaire du producteur. Face à Claude Berri, dont la société AMLF coproduit Marrakech, il a menacé de ne pas faire la promo, à la lecture de son CV dans le dossier de presse: "Une famille d'immigrants, dix enfants, le ghetto no future, mais c'est presque raciste!" Il a dû s'écraser. Alors, avec ses dollars, il compte monter sa propre boîte de production, devenir le Spike Lee de sa génération et embaucher des Blancs. Premier projet: l'histoire d'un vizir qui envoie au siècle des Lumières un messager découvrir comment les autres peuples vivent. "Il découvre que c'est en Europe que les gens étaient les plus sales, sous les détails sophistiqués.".

Photo BRUNO CHAROY

(1) Hideous Kinky, littéralement "carrément zinzin".

Saïd Taghmaoui en 6 dates :

19 juillet 1973. Naissance à Villepinte.

1994. "La Haine" de Mathieu Kassovitz.

1996. "Héroïnes" de Gérard Krawczyk.

1997. "Onorevoli Detenuti" de Giancarlo Planta, "Le Temps de l'inno-cence", de Vincenzo Terraciano, "Marrakech Express" de Gillies Mackinnon.

1998. "La Taule" d'Alain Robak.

1999. "Three Kings" de David O'Russel.
 
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