Saïdia sera la 19 ème Plage à disparaître au Maroc et nouvelle région pour la promotion du tourisme sexuel dans une région payasanne et conservatrice
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Najib Bachiri, Président de l’association Homme & Environnement à Berkane, nous dévoile dans cet entretien les problèmes environnementaux dont souffre la région de l’Oriental. Parmi les menaces imminentes, le projet Méditerrania-Saïdia retient toute l’attention de cette association. Selon lui Fadesa, avec son projet, menace le site écologique de l’embouchure de la Moulouya. Détour.
Finances News hebdo : Une association de lutte pour la sauvegarde de l’environnement à Berkane. Qu’est-ce qui motive la création d’une telle association ?
Najib Bachiri : L’association a été créée en 1993. La première raison de son existence était la situation catastrophique de l’état environnemental de la région. Nous, dans notre association, avons cherché, dans un premier temps, à limiter les dégâts. Notre premier objectif était de déterminer la manière de conserver l’environnement. En s’activant dans ce domaine, nous avons constaté qu’il était impossible de sauvegarder l’environnement sans prendre en considération l’élément humain ; Si on protège un site que l’homme exploite comme source de vie, il y aura inévitablement un conflit d’intérêt. Donc, nous avons changé notre stratégie et avons essayé d’intégrer l’élément humain en le sensibilisant à l’importance du site en question, de sorte qu’il le protège lui-même. Nous sommes arrivés à des résultats très satisfaisants. De plus en plus de personnes sont conscientes de l’enjeu que représente la préservation de l’environnement. A cet égard, nous sommes fiers que les gens connaissent maintenant l’association Homme & Environnement. Même à Rabat, la plupart des ministères connaissent l’association car la question de notre engouement pour la sauvegarde de l’environnement ne se limite pas à une région donnée.
F. N. H. : La préservation de l’environnement ne se heurte-elle pas aux grands chantiers en phase de réalisation dans cette région ?
N. B. : Ces dernières années, nous avons rencontré un très grand problème dont sont responsables directement les décideurs politiques. Je m’explique : vous avez une grande compagnie espagnole, Fadesa, qui s’est installée dans la région et dont le gouvernement marocain chante le mérite, jour et nuit, en disant qu’elle va réaliser un grand projet avec des opportunités d’emploi considérables ; que la région va se développer ; que le tourisme sera rayonnant au niveau de la région et j’en passe. Notre association en doute. Nous avons des réserves à émettre quant aux réelles motivations de cette compagnie. Avec ce projet en marche, c’est le conflit déclaré entre notre association et les décideurs politiques parce que ces derniers n’ont ni une vision futuriste ni une notion claire sur le développement durable. Pour le moment, notre principal souci est de pousser le gouvernement à changer sa stratégie dans le domaine environnemental. Si, pour le gouvernement, Fadesa est sacrée, elle ne l’est pas pour nous. Nous parlerons de Fadesa parce que c’est notre patrimoine écologique qui est en jeu. Il en va de notre survie. Il faut dire que le Maroc est très connu par sa biodiversité. A ce titre, il est classé deuxième dans le pourtour méditerranéen. Et quand nous voyons qu’une grande société vient détruire toute notre richesse, cela nous fait mal et nous ne pouvons pas rester les mains croisées. Certes, nous avons un ministère de l’Environnement, mais il ne fait rien. Les gens de Rabat, enfermés dans leurs bureaux, ne savent rien de ce qui se passe ici.
F. N. H. : Les responsables ne vous ont jamais sollicités pour connaître votre opinion ?
N. B. : Pour être franc avec vous, ils nous mettent dans un tunnel sans fin puisqu’ils décident, à partir de Rabat, sans avoir la moindre maîtrise des sites de cette région ni même de son environnement.
Ils parlent de l’indépendance des régions, mais leur action reste centralisée ; ce qui engendre de graves problèmes. Ils ne se concertent pas avec les forces vives de cette région ni avec les spécialistes de la question de l’environnement. Quand vous avez une politique qui n’est pas basée sur une notion claire et rationnelle du développement, c’est la catastrophe. C’est comme si l’on nous demandait de vivre « en attendant Godot ». aujourd’hui, nous vivons dans cette situation. Godot finira-t-il par venir ? J’en doute fort bien.
F. N. H. : Arrivez-vous à faire entendre votre voix ?
N. B. : Quand le premier ministre, Driss Jettou, s’est déplacé ici à Berkane, l’association Homme & Environnement n’a pas été invitée, parce que nous lui avons adressé, auparavant, une lettre sur la méthode de travail de Fadesa. La moindre des choses était de venir discuter avec nous. Certes, en tant que militant pour la sauvegarde de l’environnement, je suis dur à avaler, mais il y a d’autres membres de l’association qui ont leur stratégie de communication et avec qui on peut discuter. Moi, je suis franc et comme l’association décrit la réalité des choses sans fard ni maquillage, nous avons tout simplement été écartés. Ce projet de Fadesa provoque le courroux de tout le monde. Dans cet esprit, les Verts en Espagne ont envoyé des lettres à leur premier ministre et leur ministre de l’Environnement. Ils ont même fait parvenir au Roi Juan Carlos qui était en visite au Maroc, une lettre relatant les conséquences d’un projet comme Méditerrania-Saïdia. Ces deux lettres parlaient des problèmes écologiques qu’engendrera ce projet et de son impact négatif sur l’environnement de ce site qui est universel et non juste marocain. Donc, tous les écolos du bassin méditerranéen se sentent concernés par le devenir de ce site que Fadesa est entrain de détruire aujourd’hui.
F. N. H. : Donc, il y a plus de réactions de l’autre côté de cette rive que dans le Royaume ?
N. B. : Bien sûr. Au Maroc, on se targue d’être un pays de justice et de loi. Mais, pour Fadesa, l’Etat a fait des concessions. Trop même ! Cette grande société devait procéder à une étude d’impact avant de se lancer dans ce projet. Pourtant, quand nous avons demandé à avoir cette étude d’impact pour analyser les conséquences du projet sur l’environnement local, on nous a répondu qu’elle a été effectuée sans pour autant nous la faire parvenir. Moi, je ne demande qu’à voir pour y croire ! Vous savez, ce projet va affecter l’embouchure de la Moulouya, un parc de 2.700 Ha, qui est l’unique site écologique de toute la méditerranée. Les deux tiers des espèces d’oiseaux existants au Maroc y vivent. Il y a aussi d’autres espèces qui sont menacées comme les chalcides qui n’existent que dans 4 sites dans le monde dont l’embouchure de la Moulouya. Maintenant, malheureusement, l’habitat de ces reptiles se trouve au milieu du projet Méditérrania-Saïdia. La tortue grecque, par exemple, une espèce rare et en voie de disparition, se trouve sur ce site aussi. Nous avons exhorté les autorités à protéger ces espèces. Nous pensons que c’est pour cette raison qu’aucune étude d’impact n’a été faite au préalable. Or, la biodiversité est une garantie de vie pour toute l’humanité. Si seulement Fadesa se rendait compte de ce que lui apportait la variante écologique en termes d’image de marque et de préservation de son entourage ! Déjà, près du village de Sogatour, le niveau de l’eau augmente et on perd chaque année 10 mètres de sable. Avec les changements climatiques et le projet de Fadesa, ce problème s’accentuera. Selon nos estimations, dans 10 ans, voire moins, toute la partie de la plage qui appartient à ce village touristique de Sogatour disparaîtra. Le Maroc est vraiment connu pour la dégradation des plages, d’ailleurs 18 plages ont disparu. Celle de Saïdia sera peut-être la 19 ème.
F. N. H. : Votre association n’est pas liée par une convention ou partenariat avec des organismes internationaux qui peuvent la soutenir dans son action auprès des autorités marocaines ?
N. B. : Nous faisons partie du réseau WWF, très connu à l’échelle mondiale. Il y a quelques mois, nous avons discuté du projet de Méditerrania-Saïdia. En Europe, si une compagnie européenne part investir à l’étranger et si son argent vient d’un fonds européen, les instances européennes exigent ce qu’on appelle une « étude d’impact durable ». Fadesa a bien compris cela et a contracté des prêts auprès des banques marocaines. Nous avons eu écho que l’Etat marocain a bloqué un projet du club Med près d’Agadir pour son impact négatif sur l’environnement. On se demande pourquoi Fadesa fait exception. Est-ce que vous savez pourquoi toutes les deux semaines les responsables de Fadesa viennent ici à la province de Berkane pour se réunir avec les responsables marocains ? Eh bien sachez que c’est pour modifier le cahier des charges. Par ailleurs Saïdia ne compte que 5.000 habitants en hiver contre 250.000 à 300.000 visiteurs durant la saison estivale. Fadesa veut créer 3 terrains de golf 18 trous pour ces visiteurs. De qui se moque-t-on là ? Combien en possède une ville comme Casablanca, ou Rabat, pour que Saïdia en accueille trois d’un seul coup ? Les besoins en irrigation sont énormes et dépassent de loin les ressources de la région. Je vous laisse imaginer les conséquences sur les réserves hydriques de la région.
FINANCES NEWS HEBDO
IMANE BOUHRARA JUILLET 2005
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Najib Bachiri, Président de l’association Homme & Environnement à Berkane, nous dévoile dans cet entretien les problèmes environnementaux dont souffre la région de l’Oriental. Parmi les menaces imminentes, le projet Méditerrania-Saïdia retient toute l’attention de cette association. Selon lui Fadesa, avec son projet, menace le site écologique de l’embouchure de la Moulouya. Détour.
Finances News hebdo : Une association de lutte pour la sauvegarde de l’environnement à Berkane. Qu’est-ce qui motive la création d’une telle association ?
Najib Bachiri : L’association a été créée en 1993. La première raison de son existence était la situation catastrophique de l’état environnemental de la région. Nous, dans notre association, avons cherché, dans un premier temps, à limiter les dégâts. Notre premier objectif était de déterminer la manière de conserver l’environnement. En s’activant dans ce domaine, nous avons constaté qu’il était impossible de sauvegarder l’environnement sans prendre en considération l’élément humain ; Si on protège un site que l’homme exploite comme source de vie, il y aura inévitablement un conflit d’intérêt. Donc, nous avons changé notre stratégie et avons essayé d’intégrer l’élément humain en le sensibilisant à l’importance du site en question, de sorte qu’il le protège lui-même. Nous sommes arrivés à des résultats très satisfaisants. De plus en plus de personnes sont conscientes de l’enjeu que représente la préservation de l’environnement. A cet égard, nous sommes fiers que les gens connaissent maintenant l’association Homme & Environnement. Même à Rabat, la plupart des ministères connaissent l’association car la question de notre engouement pour la sauvegarde de l’environnement ne se limite pas à une région donnée.
F. N. H. : La préservation de l’environnement ne se heurte-elle pas aux grands chantiers en phase de réalisation dans cette région ?
N. B. : Ces dernières années, nous avons rencontré un très grand problème dont sont responsables directement les décideurs politiques. Je m’explique : vous avez une grande compagnie espagnole, Fadesa, qui s’est installée dans la région et dont le gouvernement marocain chante le mérite, jour et nuit, en disant qu’elle va réaliser un grand projet avec des opportunités d’emploi considérables ; que la région va se développer ; que le tourisme sera rayonnant au niveau de la région et j’en passe. Notre association en doute. Nous avons des réserves à émettre quant aux réelles motivations de cette compagnie. Avec ce projet en marche, c’est le conflit déclaré entre notre association et les décideurs politiques parce que ces derniers n’ont ni une vision futuriste ni une notion claire sur le développement durable. Pour le moment, notre principal souci est de pousser le gouvernement à changer sa stratégie dans le domaine environnemental. Si, pour le gouvernement, Fadesa est sacrée, elle ne l’est pas pour nous. Nous parlerons de Fadesa parce que c’est notre patrimoine écologique qui est en jeu. Il en va de notre survie. Il faut dire que le Maroc est très connu par sa biodiversité. A ce titre, il est classé deuxième dans le pourtour méditerranéen. Et quand nous voyons qu’une grande société vient détruire toute notre richesse, cela nous fait mal et nous ne pouvons pas rester les mains croisées. Certes, nous avons un ministère de l’Environnement, mais il ne fait rien. Les gens de Rabat, enfermés dans leurs bureaux, ne savent rien de ce qui se passe ici.
F. N. H. : Les responsables ne vous ont jamais sollicités pour connaître votre opinion ?
N. B. : Pour être franc avec vous, ils nous mettent dans un tunnel sans fin puisqu’ils décident, à partir de Rabat, sans avoir la moindre maîtrise des sites de cette région ni même de son environnement.
Ils parlent de l’indépendance des régions, mais leur action reste centralisée ; ce qui engendre de graves problèmes. Ils ne se concertent pas avec les forces vives de cette région ni avec les spécialistes de la question de l’environnement. Quand vous avez une politique qui n’est pas basée sur une notion claire et rationnelle du développement, c’est la catastrophe. C’est comme si l’on nous demandait de vivre « en attendant Godot ». aujourd’hui, nous vivons dans cette situation. Godot finira-t-il par venir ? J’en doute fort bien.
F. N. H. : Arrivez-vous à faire entendre votre voix ?
N. B. : Quand le premier ministre, Driss Jettou, s’est déplacé ici à Berkane, l’association Homme & Environnement n’a pas été invitée, parce que nous lui avons adressé, auparavant, une lettre sur la méthode de travail de Fadesa. La moindre des choses était de venir discuter avec nous. Certes, en tant que militant pour la sauvegarde de l’environnement, je suis dur à avaler, mais il y a d’autres membres de l’association qui ont leur stratégie de communication et avec qui on peut discuter. Moi, je suis franc et comme l’association décrit la réalité des choses sans fard ni maquillage, nous avons tout simplement été écartés. Ce projet de Fadesa provoque le courroux de tout le monde. Dans cet esprit, les Verts en Espagne ont envoyé des lettres à leur premier ministre et leur ministre de l’Environnement. Ils ont même fait parvenir au Roi Juan Carlos qui était en visite au Maroc, une lettre relatant les conséquences d’un projet comme Méditerrania-Saïdia. Ces deux lettres parlaient des problèmes écologiques qu’engendrera ce projet et de son impact négatif sur l’environnement de ce site qui est universel et non juste marocain. Donc, tous les écolos du bassin méditerranéen se sentent concernés par le devenir de ce site que Fadesa est entrain de détruire aujourd’hui.
F. N. H. : Donc, il y a plus de réactions de l’autre côté de cette rive que dans le Royaume ?
N. B. : Bien sûr. Au Maroc, on se targue d’être un pays de justice et de loi. Mais, pour Fadesa, l’Etat a fait des concessions. Trop même ! Cette grande société devait procéder à une étude d’impact avant de se lancer dans ce projet. Pourtant, quand nous avons demandé à avoir cette étude d’impact pour analyser les conséquences du projet sur l’environnement local, on nous a répondu qu’elle a été effectuée sans pour autant nous la faire parvenir. Moi, je ne demande qu’à voir pour y croire ! Vous savez, ce projet va affecter l’embouchure de la Moulouya, un parc de 2.700 Ha, qui est l’unique site écologique de toute la méditerranée. Les deux tiers des espèces d’oiseaux existants au Maroc y vivent. Il y a aussi d’autres espèces qui sont menacées comme les chalcides qui n’existent que dans 4 sites dans le monde dont l’embouchure de la Moulouya. Maintenant, malheureusement, l’habitat de ces reptiles se trouve au milieu du projet Méditérrania-Saïdia. La tortue grecque, par exemple, une espèce rare et en voie de disparition, se trouve sur ce site aussi. Nous avons exhorté les autorités à protéger ces espèces. Nous pensons que c’est pour cette raison qu’aucune étude d’impact n’a été faite au préalable. Or, la biodiversité est une garantie de vie pour toute l’humanité. Si seulement Fadesa se rendait compte de ce que lui apportait la variante écologique en termes d’image de marque et de préservation de son entourage ! Déjà, près du village de Sogatour, le niveau de l’eau augmente et on perd chaque année 10 mètres de sable. Avec les changements climatiques et le projet de Fadesa, ce problème s’accentuera. Selon nos estimations, dans 10 ans, voire moins, toute la partie de la plage qui appartient à ce village touristique de Sogatour disparaîtra. Le Maroc est vraiment connu pour la dégradation des plages, d’ailleurs 18 plages ont disparu. Celle de Saïdia sera peut-être la 19 ème.
F. N. H. : Votre association n’est pas liée par une convention ou partenariat avec des organismes internationaux qui peuvent la soutenir dans son action auprès des autorités marocaines ?
N. B. : Nous faisons partie du réseau WWF, très connu à l’échelle mondiale. Il y a quelques mois, nous avons discuté du projet de Méditerrania-Saïdia. En Europe, si une compagnie européenne part investir à l’étranger et si son argent vient d’un fonds européen, les instances européennes exigent ce qu’on appelle une « étude d’impact durable ». Fadesa a bien compris cela et a contracté des prêts auprès des banques marocaines. Nous avons eu écho que l’Etat marocain a bloqué un projet du club Med près d’Agadir pour son impact négatif sur l’environnement. On se demande pourquoi Fadesa fait exception. Est-ce que vous savez pourquoi toutes les deux semaines les responsables de Fadesa viennent ici à la province de Berkane pour se réunir avec les responsables marocains ? Eh bien sachez que c’est pour modifier le cahier des charges. Par ailleurs Saïdia ne compte que 5.000 habitants en hiver contre 250.000 à 300.000 visiteurs durant la saison estivale. Fadesa veut créer 3 terrains de golf 18 trous pour ces visiteurs. De qui se moque-t-on là ? Combien en possède une ville comme Casablanca, ou Rabat, pour que Saïdia en accueille trois d’un seul coup ? Les besoins en irrigation sont énormes et dépassent de loin les ressources de la région. Je vous laisse imaginer les conséquences sur les réserves hydriques de la région.
FINANCES NEWS HEBDO
IMANE BOUHRARA JUILLET 2005