Reportage. Imilchil, au delà de la carte postale

agerzam

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Depuis 3 ans, le festival des cimes d'Imilchil œuvre pour désenclaver la région grâce au tourisme. Mais il bute sur l'absence d'infrastructures de base



Entre Rich et Imilchil, le car des journalistes venus couvrir le festival des cimes n'a plus que 150 kilomètres à parcourir depuis son départ à 5 heures du matin de Casablanca. Mais en montagne, les distances sont trompeuses, les habitants de la région ont appris à compter en heures. Et pour cause, la route de montagne qui serpente entre les monts arides est à peine carrossable, coupée à intervalles réguliers par les pluies torrentielles des orages d'été. Ainsi, les journalistes l'ont appris à leurs dépens quand le car les transportant s'est retrouvé bloqué par un glissement de terrain dû à un orage de fin
d'après-midi.

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Ces contretemps sont courants dans la région, où "la neige peut couper la route deux jours avant qu'elle ne soit déblayée", signale Moha Oulbia, président de la commune d'Imilchil. Au bout de 3 heures d'un voyage chaotique, le long d'une route sinueuse, Imilchil se présente enfin à l'horizon. Le village, célèbre dans le monde entier pour son moussem, est loin des images de cartes postales des guides touristiques. La bourgade est plutôt l'exemple typique de ce Maroc enclavé où tous les indicateurs du développement humain sont au rouge. Ici, les habitants qui n'ont pas migré vers les grandes villes marocaines ou à l'étranger vivent de l'agriculture, en totale autarcie, dépendant des aléas météorologiques. Ainsi, en moins d'une heure de pluie, beaucoup ont perdu leurs récoltes de pommes de terre à cause de la crue de l'oued.
Le tourisme commence à se développer dans la région, mais s'apparente à une mono-industrie. Paraphrasant la formule casablancaise sur les cafés, Moha Oulbia ne manque d'ailleurs pas de rappeler, avec le sourire, "qu'à Imilchil, entre une auberge et une auberge on trouve une auberge". Et pour cause, sur la dizaine de personnes ayant bénéficié d'un crédit jeune promoteur dans la bourgade, 10 ont ouvert…des auberges. Malika Ouhatare est dans ce cas et justifie de manière logique son investissement:"Et qu'aurais-je pu faire d'autre ? Ouvrir un pressing?" Toutes ces auberges vous proposent comme argument marketing un accueil rustique. Il ne pouvait pas en être autrement : les habitants n'ont toujours pas accès à l'eau courante, les rues et les maisons sont éclairées entre 20h et 1h du matin grâce à un groupe électrogène qui tombe en rade à intervalles réguliers. Dans l'esprit de Hassan Aourid, président du festival, la manifestation artistique vise en effet à développer la région géographiquement retirée et cloisonnée. Plus facile à dire qu'à faire. Rachid, guide touristique, a ouvert un bazar de souvenirs. Son travail est saisonnier et ne représente pour l'heure qu'une activité d'appoint. Rachid reconnaît cependant que les concerts programmés pendant le festival ont contribué à développer son chiffre d'affaires, mais surtout parce qu'ils créent une animation nocturne, sans pour autant attirer des touristes venus spécialement pour le festival, programmé dans une région aux routes impraticables. Les organisateurs du festival butent eux-mêmes sur l'enclavement et l'absence d'infrastructures de bases. Les artistes et la délégation de diplomates invités ont d'ailleurs découvert les joies du bivouac au bord du lac d'Isli jusqu'à ce que une nouvelle pluie torrentielle inonde le campement. Les deux jours suivants, l'ambassadeur du Japon scrutait le ciel de peur de passer la nuit à la belle étoile. Fort heureusement pour lui, le ciel resta d'un bleu limpide, juste troublé par l'arrivée de Hassan Aourid sur le bivouac en hélicoptère. Fin connaisseur de la région, il avait trouvé une solution royale à l'enclavement.
Manifestation musicale atypique, le festival a décidé de dépasser la simple programmation de concerts de troupes amazighs ou internationales. On y organise en parallèle une caravane médicale pour pallier l'absence d'infrastructures médicales. La commune rurale d'Imilchil compte près de 10.000 habitants et n'a qu'un médecin, deux infirmières et une ambulance. Les ateliers sur le tourisme rural et la gastronomie locale sont, quant à eux, des moyens de développer de nouvelles sources de revenus pour les habitants. Pourtant, le lien entre le festival et le moussem, véritable produit d'appel de la région est encore artificiel. Les dates du moussem des fiançailles ont été déplacées de septembre en août "pour coïncider avec le festival", ce qui n'est pas sans rappeler la formule consacrée sur "la fête du trône coïncidant cette année avec la fête de la jeunesse". Mais, selon un habitant, ce changement de date officielle aurait entraîné une baisse de fréquentation du moussem: "Beaucoup d'habitants de la région ne viennent plus car la saison agricole n'est pas encore achevée en août". En effet, le moussem d'Imilchil est le grand souk de la région, on y vient pour y commercer et faire ses provisions pour l'année, avant d'être isolé par la neige des mois durant. Durant ces quelques jours de négoce, se déroule la fameuse cérémonie de mariage qui a fait la réputation du lieu. Sous la grande tente caïdale, Hamid attend depuis 7 heures du matin, avec sa future épouse et le père de cette dernière, l'arrivée de Hassan Aourid qui doit ouvrir la cérémonie. Hamid, propriétaire d'une crémerie à Imilchil, a choisi de se marier pendant le moussem pour économiser les frais de transport, à l'image de la majorité des couples présents.: "Il n'y a pas d' adouls dans la région. Les plus proches sont à Rich". Il supporte en silence le tapage médiatique des photographes, de la télévision japonaise, de la chaîne Al Hurra et des touristes shootant et filmant à tout va la vingtaine de couples devant convoler en justes noces. L'arrivée de Hassan Aourid à 11h30 ouvre les festivités. Il rejoint le parterre des officiels, assis au premier rang, tandis que les habitants lambda sont rejetés derrière la barrière. Nouvelle moudawana oblige, un caïd vérifie que la mariée est bien majeure. Cette nouvelle disposition juridique a d'ailleurs fait fuir de nombreux candidats au mariage public. En 2002, juste après son entrée en application et à quelques jours du moussem, les autorités n'avaient encore aucun couple pour perpétuer la tradition des fiançailles. Pour attirer les mariés, les autorités ont décidé de prendre en charge les frais des adouls et de distribuer des enveloppes aux jeunes ménages. Il en allait de la survie du tourisme local.

Par Hassan Hamdani

Tel Quel
 
agerzam a écrit :

Depuis 3 ans, le festival des cimes d'Imilchil œuvre pour désenclaver la région grâce au tourisme. Mais il bute sur l'absence d'infrastructures de base


Bah si il y'a des infrastructures;des helicos,demandez à Mme aourid.
 
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