02-05-2005
Le magazine marocain hebdomadaire telQuel : le Maroc tel qu’il est, vient de publier un article sur un éventuel changement de la constitution au Maroc, il a organisé une table ronde avec la participation des représentants des principales tendances sociales et politiques : (Ahmed Assid, philosophe, militant de la cause Amazighe, li Belhaj, chef de parti (Alliance Des Libertés), Mustapha Khalfi, membre du Conseil national du Parti de la Justice et du Développement, Abdelaziz Nouidi, professeur de droit, militant du parti USFP, Mohamed Sassi, chef de parti (Fidélité à la Démocratie) et Mustapha Sehimi, partisan de la monarchie absolue.
Je vous choisi une partie concernant l’Identité et principes fondamentaux du royaume.
Premier axe. Identité et principes fondamentaux
I. Religion et ethnicité
"Etat musulman" ou pays "musulman" ? Quid de la liberté de conscience, et des droits de minorités ? Et le tamazight, doit-il être "langue nationale" ou "langue officielle" ?
Préambule
Le royaume du Maroc, état musulman souverain, dont la langue officielle est l’arabe, constitue une partie du Grand Maghreb Arabe. État africain, il s’assigne en outre, comme l’un de ses objectifs, la réalisation de l’unité africaine.
Article 6
L’islam est la religion de l’état qui garantit à tous le libre exercice des cultes.
Dès le préambule, c’est mal parti. Notre Constitution ne nous dit pas réellement qui nous sommes. "état musulman (…) dont la langue officielle est l’arabe", cela ne reflète pas l’identité plurielle de la nation marocaine. Prenons la composante amazighe de notre identité, dont plus personne n’ose contester la prééminence historique. Elle n’est mentionnée nulle part dans la Constitution. Quant à notre rapport à l’islam, il est légitime de comprendre de l’article 6 que le Maroc n’est pas loin d’une théocratie, se contentant de donner des gages de tolérance aux autres religions… Bref, le prélude de notre Constitution mérite d’être complètement réécrit. Sur cette question, cruciale, de choix de mots et d’adjectifs, 3 tendances se dégagent parmi nos constituants.
Une première tendance propose d’aligner exhaustivement toutes les composantes de l’identité marocaine, sans tri ni hiérarchie. Pour elle, le Maroc est "un pays amazigho-arabo-africano-judéo-islamique appartenant à l’aire méditerranéenne". Son message ? Reconnaître toutes les minorités, qu’elles soient ethniques, raciales ou confessionnelles. égalitariste, cette tendance ne se contente pas d’exiger que le tamazight soit reconnu comme langue nationale (utilisable par tous) mais aussi comme langue officielle (utilisée par l’administration). Soucieuse de protéger les droits des minorités, elle voudrait que "la déclaration universelle des droits de l’homme", version onusienne, soit clairement et solennellement mise en avant dans le préambule. Son objectif ? Consacrer la primauté des conventions internationales sur les lois nationales et couper l’herbe sous le pied des islamistes qui chercheraient à introduire plus de Charia dans le droit. En mettant en avant le référentiel universel, cette tendance refuse que la spécificité religieuse biaise le politique. Pour ce, elle propose que l’état abandonne son épithète de "musulman" et accorde aux Marocains, noir sur blanc, "la liberté de conscience". Reconnaissant, tout de même, que le Maroc est "un pays musulman" (c’est-à-dire habité par une écrasante majorité de citoyens se réclamant de cette religion), elle ne renie pas à l’état (qu’elle souhaite tout de même "neutre") le droit de promouvoir l’islam via les médias et l’école. Mais si l’islam doit être cité dans la Constitution, elle recommande de lui ajouter l’adjectif "éclairé". Tant qu’à ouvrir le bal des interprétations, autant les orienter d’avance dans le bon sens.
Une deuxième tendance… prend la première à contre-pied, sans complexe. Elle suggère en effet de stratifier notre identité culturelle, de sorte que l’islam coiffe les autres composantes et devienne l’identité-mère. Le Maroc, selon cette version, serait "un état musulman, avec des composantes arabe et amazighe et des affluents juif et africain". Selon cette vision, il est possible de faire des concessions et d'admettre le tamazight comme langue nationale (mais pas officielle) ou encore la déclaration universelle des droits de l’homme comme référence… à la condition expresse que la primauté revienne à l’islam. Ce dernier serait alors, non seulement "la religion de l’état" mais aussi sa "source suprême de législation". C’est clair, net et assumé.
Une troisième tendance, à mi-chemin entre les deux premières, n’est pas contre les changements à ce niveau de la Constitution, mais se pose des questions de faisabilité et d’opportunité politique. Sur la formule à adopter quant à l’identité nationale, elle propose une version médiane : "pays amazigho-arabe à identité multiple". Concernant la composante juive, elle préfère ne pas y faire référence ouvertement pour "ménager la psychologie collective". Consciente que le terme "état musulman" pourrait induire une survalorisation de la Charia en tant que source de droit, elle préfère parler de "pays musulman". Autrement dit, oui pour l’islam, mais en tant que donnée sociologique incontournable. Aussi, concernant l’article 6, les tenants de cette orientation ne proposent pas vraiment de version alternative. Mais leur message est tout de même clair, et tient en un mot : prudence.
Source : http://www.telquel-online.com
Le magazine marocain hebdomadaire telQuel : le Maroc tel qu’il est, vient de publier un article sur un éventuel changement de la constitution au Maroc, il a organisé une table ronde avec la participation des représentants des principales tendances sociales et politiques : (Ahmed Assid, philosophe, militant de la cause Amazighe, li Belhaj, chef de parti (Alliance Des Libertés), Mustapha Khalfi, membre du Conseil national du Parti de la Justice et du Développement, Abdelaziz Nouidi, professeur de droit, militant du parti USFP, Mohamed Sassi, chef de parti (Fidélité à la Démocratie) et Mustapha Sehimi, partisan de la monarchie absolue.
Je vous choisi une partie concernant l’Identité et principes fondamentaux du royaume.
Premier axe. Identité et principes fondamentaux
I. Religion et ethnicité
"Etat musulman" ou pays "musulman" ? Quid de la liberté de conscience, et des droits de minorités ? Et le tamazight, doit-il être "langue nationale" ou "langue officielle" ?
Préambule
Le royaume du Maroc, état musulman souverain, dont la langue officielle est l’arabe, constitue une partie du Grand Maghreb Arabe. État africain, il s’assigne en outre, comme l’un de ses objectifs, la réalisation de l’unité africaine.
Article 6
L’islam est la religion de l’état qui garantit à tous le libre exercice des cultes.
Dès le préambule, c’est mal parti. Notre Constitution ne nous dit pas réellement qui nous sommes. "état musulman (…) dont la langue officielle est l’arabe", cela ne reflète pas l’identité plurielle de la nation marocaine. Prenons la composante amazighe de notre identité, dont plus personne n’ose contester la prééminence historique. Elle n’est mentionnée nulle part dans la Constitution. Quant à notre rapport à l’islam, il est légitime de comprendre de l’article 6 que le Maroc n’est pas loin d’une théocratie, se contentant de donner des gages de tolérance aux autres religions… Bref, le prélude de notre Constitution mérite d’être complètement réécrit. Sur cette question, cruciale, de choix de mots et d’adjectifs, 3 tendances se dégagent parmi nos constituants.
Une première tendance propose d’aligner exhaustivement toutes les composantes de l’identité marocaine, sans tri ni hiérarchie. Pour elle, le Maroc est "un pays amazigho-arabo-africano-judéo-islamique appartenant à l’aire méditerranéenne". Son message ? Reconnaître toutes les minorités, qu’elles soient ethniques, raciales ou confessionnelles. égalitariste, cette tendance ne se contente pas d’exiger que le tamazight soit reconnu comme langue nationale (utilisable par tous) mais aussi comme langue officielle (utilisée par l’administration). Soucieuse de protéger les droits des minorités, elle voudrait que "la déclaration universelle des droits de l’homme", version onusienne, soit clairement et solennellement mise en avant dans le préambule. Son objectif ? Consacrer la primauté des conventions internationales sur les lois nationales et couper l’herbe sous le pied des islamistes qui chercheraient à introduire plus de Charia dans le droit. En mettant en avant le référentiel universel, cette tendance refuse que la spécificité religieuse biaise le politique. Pour ce, elle propose que l’état abandonne son épithète de "musulman" et accorde aux Marocains, noir sur blanc, "la liberté de conscience". Reconnaissant, tout de même, que le Maroc est "un pays musulman" (c’est-à-dire habité par une écrasante majorité de citoyens se réclamant de cette religion), elle ne renie pas à l’état (qu’elle souhaite tout de même "neutre") le droit de promouvoir l’islam via les médias et l’école. Mais si l’islam doit être cité dans la Constitution, elle recommande de lui ajouter l’adjectif "éclairé". Tant qu’à ouvrir le bal des interprétations, autant les orienter d’avance dans le bon sens.
Une deuxième tendance… prend la première à contre-pied, sans complexe. Elle suggère en effet de stratifier notre identité culturelle, de sorte que l’islam coiffe les autres composantes et devienne l’identité-mère. Le Maroc, selon cette version, serait "un état musulman, avec des composantes arabe et amazighe et des affluents juif et africain". Selon cette vision, il est possible de faire des concessions et d'admettre le tamazight comme langue nationale (mais pas officielle) ou encore la déclaration universelle des droits de l’homme comme référence… à la condition expresse que la primauté revienne à l’islam. Ce dernier serait alors, non seulement "la religion de l’état" mais aussi sa "source suprême de législation". C’est clair, net et assumé.
Une troisième tendance, à mi-chemin entre les deux premières, n’est pas contre les changements à ce niveau de la Constitution, mais se pose des questions de faisabilité et d’opportunité politique. Sur la formule à adopter quant à l’identité nationale, elle propose une version médiane : "pays amazigho-arabe à identité multiple". Concernant la composante juive, elle préfère ne pas y faire référence ouvertement pour "ménager la psychologie collective". Consciente que le terme "état musulman" pourrait induire une survalorisation de la Charia en tant que source de droit, elle préfère parler de "pays musulman". Autrement dit, oui pour l’islam, mais en tant que donnée sociologique incontournable. Aussi, concernant l’article 6, les tenants de cette orientation ne proposent pas vraiment de version alternative. Mais leur message est tout de même clair, et tient en un mot : prudence.
Source : http://www.telquel-online.com