Mort d'un écrivain...gros calibre

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Le dimanche 03 août 2008, le prix nobel Russe, Alexandre Soljenetsyne est mort. La vie et les oeuvres de ce grand écrivain de notre temps sont très riches. Nous y reviendrons.
 
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Mort d' Alexandre Soljenitsyne, chroniqueur des horreurs du goulag


Alexandre Soljenitsyne, prix Nobel de littérature en 1970 et auteur de "L'Archipel du goulag", est mort à l'âge de 89 ans. Auteur d'une oeuvre fondée sur l' expérience du totalitarisme, notamment d'une série d' ouvrages faisant le récit des horreurs des camps soviétiques, l'écrivain russe a longtemps été considéré comme l'incarnation de la dissidence.

Alexandre Soljenitsyne, qui vivait près de Moscou , est décédé dimanche soir d'une insuffisance cardiaque, a annoncé tôt lundi matin son fils Stepan, interrogé par l'Associated Press.

Condamné lui-même à huit ans de travaux forcés dans les goulags pour avoir critiqué Staline, déchu de sa nationalité soviétique, il fut contraint de s'exiler en Occident et publia nombre de ses oeuvres à l'étranger: "Le Premier Cercle", "Le Pavillon des cancéreux", "L'Archipel du goulag" (1973) ou encore "La Roue rouge".

Après 20 années d'exil, il fit un retour triomphal dans son pays en 1994.

Né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk (Russie ), Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne passe son enfance à Rostov-sur-le-Don, au sud de la Russie, où il fait des études de sciences et de lettres, avant d'être mobilisé pendant la seconde guerre mondiale et de servir comme capitaine d'artillerie.

Dans les dernières semaines de la guerre, en 1945, il est arrêté puis condamné aux camps de travail pour complot anti-soviétique, après avoir écrit -selon ses propres dires- "certaines remarques irrespectueuses" sur Staline, surnommé "l' homme à la moustache ", dans une lettre à un ami.

Soljenitsyne y laissait entendre que le gouvernement de l'URSS et Staline lui-même portaient une plus grande responsabilité que Hitler dans les ravages causés par la guerre au peuple soviétique.

Il passera sept ans dans un camp de travail dans les steppes interdites du Kazakhstan, puis trois ans en exil intérieur en Asie centrale . Il relatera son expérience du goulag -abréviation soviétique du système des camps de travail, un terme qu'il contribuera à faire connaître dans le monde entier- dans un court roman , "Une journée d'lvan Denissovitch", dont Khrouchtchev lui-même autorise la parution en 1962 dans le but évident de prendre ses distances avec les abus de la période stalinienne. Cet ouvrage lui confère rapidement la notoriété.

Toutefois, après l'éviction de Khrouchtchev en 1964, Soljenitsyne est victime d'une campagne de harcèlement de la part du KGB et de dénigrement de la part de ses pairs qui l'expulsent de l' Union des écrivains soviétiques. Mais il continue à écrire tout en gagnant sa vie comme professeur de mathématiques dans la ville provinciale de Riazan.

Il obtient le prix Nobel de littérature en 1970, alors que sa carrière littéraire débute à peine. Il ne sera pas autorisé à se rendre à Stockholm pour y recevoir son prix. Finalement déchu de sa nationalité, il s'exile d'abord en Suisse puis aux Etats-Unis.

Ce n'est que trois ans après son prix Nobel qu'il commence à publier à Paris en 1973 sa célèbre trilogie de "L'Archipel du goulag", immense fresque du système concentrationnaire en URSS remontant aux premières années de la révolution bolchevique.

Cette trilogie laissera nombre de lecteurs en état de choc devant la sauvagerie de l'Etat soviétique sous la dictature de Staline.

Elle contribuera également à effacer les persistants relents de sympathie pour l'Union soviétique parmi de nombreux intellectuels de gauche, notamment en Europe.

L'Occident lui ouvre grand les bras, lui accorde asile et accolades. Le dissident s'installe avec sa femme Natalia et ses trois fils dans la petite ville de Cavendish , dans le Vermont . Il y séjournera 18 ans au cours desquels il publiera une saga de l' histoire russe en plusieurs volumes, intitulée "La Roue rouge", une série qu'il considère comme l'oeuvre de sa vie.

Mais Soljenitsyne n'hésitera pas, non plus, à heurter ses nouveaux amis de l' Ouest en critiquant, dans son célèbre discours de 1978 à l' Université de Harvard, la culture occidentale pour sa faiblesse et sa décadence.

Finalement, en 1990, le dernier président soviétique Mikhaïl Gorbatchev restitue à Soljenitsyne sa citoyenneté et lève les accusations de trahison pour lesquelles il avait été condamné. Cela permet à l'écrivain de faire un retour triomphal dans son pays en 1994. Arrivé par l'Extrême -Orient russe le 27 mai, il effectue un long voyage en train de 56 jours à travers la Russie afin de se réacclimater à son pays natal. Il s'installera finalement dans une maison en briques rouges avec vue sur la Moskva, dans un faubourg ouest de la capitale.

Toutefois, par la suite, il ne cachera pas sa contrariété et sa déception en constatant que la plupart de ses compatriotes n'ont pas lu ses livres.

Au cours des années 90, ses positions nationalistes, sa foi profonde en la religion orthodoxe, sa vision de la Russie comme bastion de l' orthodoxie chrétienne et comme lieu d'une culture et d'une destinée uniques, son dédain du capitalisme et son dégoût des magnats russes qui ont mis la main sur les industries et les ressources du pays après l' effondrement de l'Union soviétique se sont trouvés en décalage avec les opinions en cours dans son pays.

Il s'éloignera peu à peu de la vie publique.

Le président français Nicolas Sarkozy lui a rendu hommage en saluant "l'une des plus grandes consciences de la Russie du XXe siècle", "une figure romanesque, héritière de Dostoïevski" qui "appartient au Panthéon de la littérature mondiale", une incarnation de la "dissidence" et de la " résistance à l'oppression".

Soljenitsyne était le plus vieux prix Nobel de littérature encore en vie. Sa femme et ses trois fils vivent toujours aux Etats-Unis.


AP
Lundi 04 Août 2008


Tags : alexandre soljenitsyne; écrivain; littérature; mort
 
Re : Mort d'un écrivain...gros calibre

Voici quelques citations de Soljenetsyne:

Si attachés que nous soyons à cette terre c'est à peine si nous y tenons.

Lâcher tant soit peu la bride la monture s'en aperçoit.
 
Re : Mort d'un écrivain...gros calibre

mercredi, juin 06, 2007
Prix d'État décerné à Soljenitsyne
– Ce que l'historien pensait de Montréal et du Canada était pour le moins prémonitoire...

Le président russe, Vladimir Poutine, vient de décerner à Alexandre Soljenitsyne, l'ancien dissident soviétique, le prestigieux Prix d'État pour « accomplissements exceptionnels dans le domaine humaniste ».

Ce prix, l'auteur de L'Archipel du Goulag ne l'a pas volé ! L'historien-fétiche du XXe siècle rugissant mérite mieux que quiconque cet hommage qui rejaillit, comme il se doit, de toute évidence, sur la compagne de sa vie, sur sa famille, sur son oeuvre et, hélas ! sur les manipulateurs de peuples qui lui offrent cette récompense ultime avant de faire le grand saut dans sa propre histoire. Un être d'une formidable puissance qui témoigne, par son propre parcours de vie et d'auteur engagé, de l'impossibilité de dissocier l'histoire de la politique. S'il faut avoir un modèle dans l'apprentissage de cet art qu'est l'histoire, je veux bien que ce soit lui. Le simple parcours de cet homme plus grand que nature, banni de son pays pour lui avoir voulu sa libération, mérite l'éloge de la planète toute entière. En tant qu'historien héritier de son message, j'aurai eu cette chance d'avoir été son contemporain.

À travers son oeuvre, l'écrivain, aujourd'hui malade et âgé de 88 ans, a révélé au monde la réalité du système concentrationnaire soviétique. «Toute sa vie, tient à témoigner Mme Soljenitsyne, Alexandre Issaïevitch a étudié l'histoire démentielle de la Russie du XXe siècle qui a engendré la révolution autodestructrice et rendu possible l'existence de L'Archipel du Goulag ». Du sang de martyrs dans les mains d'un pays qui en était déjà souillé pour la peine. Une histoire qui se répète sans cesse et qui semble vouloir plutôt s'étendre à l'ensemble planétaire au lieu de se résorber comme une vieille plaie.


Trudeau, Montréal et le Canada

Parenthèse. Si Soljenitsyne a su se faire très critique sur la Russie et sur les dérigeants de ce pays dont il ne s'est pas privé du reste de qualifier de « bandits », disons qu'il n'a guère été plus tendre envers le Canada, Montréal et Pierre Elliot Trudeau dont il trouva les contacts... « parfaitement inutiles » et le personnage totalement... « insignifiant » ! De quoi faire plaisir à bien des Québécois qui n'ont pas aimé et qui disent se souvenir. Quand on lit ce qu'il a écrit sur Nous, on se surprend d'abord, et on comprend vite pourquoi les journaux du pays, d'une mer à l'autre, n'ont pas pris le temps d'en faire la lecture à défaut de le porter aux nues. Lisons plutôt l'expression singulière de ses humanités :

« Ce que j'aperçus en premier fut Montréal et, vue du haut des airs, la ville me parut horrible, impossible d'imaginer plus affreux. Cette rencontre ne promettait rien au coeur. (Et les jours suivants, où j'y errai au hasard, confirmèrent cette impression.) Le monstrueux pont Jacques-Cartier, de métal vert, tout tremblant de trafic automobile sur ses huit voies, sous lequel j'aurais dû passer si j'étais arrivé en bateau ; et, tout de suite après, j'aurais vu les fumées sans joie de la brasserie avec son toit où flottent des drapeaux ; et l'alignement des quais industriels en béton à ce point inhumains que, dans une île du fleuve, les restes d'un vieux bâtiment mi-caserne mi-prison vous réjouissent l'oeil comme quelque chose de vivant. Puis, plus au coeur de la ville, la tour noire de la radio canadienne suivie du groupe absurde et serré des gratte-ciel en forme de boîtes plantés au milieu d'immenses espaces urbains. Montréal aspirait à imiter les « mégalopoles » d'Amérique, mais sans en être capable. »
[...]
« Avant tout, en fait, le Canada ne ressemble pas du tout à la Russie : c'est un continent sauvage, peu peuplé, exposé au souffle des golfes boréaux, couvert de granit, si bien que, pour y tracer des routes, on n'arrête pas d'y forer des excavations. Les forêts ? On se les représentait luxuriantes, prospères, peuplées d'arbres aux troncs épais ; elle se révélèrent (dans l'Ontario, la seule province où j'avais l'intention de me fixer) rabougries, rien n'y retenait le regard, une sorte d'isthme de Carélie : durant de nombreuses années, on en a avec rapacité arraché chaque tronc un tant soit peu épais, des tracteurs l'ont extirpé de chaque fourré et on y a laissé qu'une insignifiante et malsaine population d'arbustes aux troncs chétifs. Si de belles essences d'arbres poussent sur un terrain, on veille à ce que ce soit spécialement indiqué dans le prospectus. (Plus tard, des fenêtres du train, j'ai regardé les steppes canadiennes, mais ce n'est qu'une steppe égale à perte de vue, impossible de se croire en Ukraine qui l'emporte largement par le pittoresque de ses fermes). Si seulement il y avait au moins des villes convenables ! mais le Canada est aussi à la traîne en ce domaine, et les villes y semblent envahies par la paresse intellectuelle : par contre, on voit des hippies abrutis, costauds, gras de lard : sur ce point, le Canada n'est pas à la remorque du monde civilisé, ils se chauffent au soleil sur les gazons, se vautrent dans des fauteuils dans les rues en plein pendant les journées de travail, bavardent, fument, sommeillent. [...]

Le Canada se révélait non pas simplement septentrional, mais, pour ainsi dire, oublieux de soi-même et endormi.[...]

Commencer par poser des voies ferrées toujours plus loin pour s'en désintéresser ensuite, voilà bien la manière jeune, vorace, rapace du continent américain : happer le fruit nouveau, mordre dedans, le jeter pour saisir le suivant... »

Et le tout est puissamment signé Alexandre Soljenitsyne, « Le grain tombé entre les meules », Fayard, 1998, pp. 241-247). Voilà qui aurait dû nous faire sursauter et réagir. Ce livre prémonitoire a été publié voilà dix ans. Et, aujourd'hui, rien n'a changé réellement dans la manière de faire ce pays et on ne peut que se désoler davantage à le voir aller nulle part...

AKAKIA
 
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