Mast se meurt et le crie (Tamaynut-Mast)

agerzam

Administrator
A Messieurs les membres du Conseil communal de Mast
(Traduction de Hassan BELLA)


Nous, les membres de la section de l’association Tamaynut-Mast, suivons avec attention vos actions dans le domaines des affaires locales de Mast, combien épineuses et difficiles. Nous n’avons aucun doute que la plupart, d’entre vous, soit scrupuleuse et consciente de la lourdeur de la responsabilité qui vous incombe.
Cela a été confirmé par l’écho de l’opposition de certains d’entre vous à une tentative de détournement de fonds communaux et à l’abus de mission, par certains, à des fins égoïstes. Nous en prenons note avec un grand soulagement.
Nous avons appris, également, que vous projeter l’attribution de noms aux avenues et rues. En conséquence nous exprimons notre grande inquiétude et notre profonde préoccupation quant à cette initiative, en raison des dérapages idéologique probables, en faveur de la dépendance et de la fidélité aveugle et crédule à la ligne tracée par les partis ayant accrédité une majorité d’entre vous. En effet, l’idéologie à laquelle sont soumis ces partis se fonde sur des bases raciales exclusivistes, chauvinistes et étrangères à notre patrie. Elle puise son obscurantisme et son injustice dans l’idéologie baâthiste au nom de laquelle des peuples sont opprimés et des milliers de personnes furent assassinés.
Etant fort conscient que certains d’entre vous ne lui sont pas fidèles, nous vous exhortons à dépasser les différends personnels, les sensibilités partisanes mais aussi les découpages administratifs pour vous entraider et coopérer avec les communes voisines dans l’intérêt général et pour le développement de la région.
Nous vous invitons à rendre justice à la patrie et à ses symboles, à lutter conte la falsification et l’anéantissement de l’Histoire de Tamazgha , à insister et à préserver l’identité amazigh de Mast et à rappeler l’étendu de la zone géographique de Tamazgha. Vous devez aussi marquer votre ouverture sur les autres peuples non amazigh qui ont donné des personnalités dont les noms sont restés emblèmes de la lutte des peuples pour la liberté et de la pensée illuminée qui s’oppose au rétrograde à l’opportunisme et à l’abus.
Sachez que les symboles de la patrie ne sont pas ceux qui ont excellé à réciter le Ya Latif (Ô sauveur) et à falsifier l’Histoire. Les personnalités de la patrie sont ceux renommés pour avoir briller dans des domaines comme le port d’armes pour libérer la terre et les personnes, ou l’usage de la chanson pour motiver les hommes, ou ceux qui ont apprit le Coran, ont assimilé la religion islamique et n’ont pas abhorrer l’azerf ni jamais interdit les arts ancestraux pratiqués collectivement dans l’asays ).
On trouve parmi ceux-ci les fondateurs d’écoles et de zaouit qui protégèrent les gens contre les dérapages de l’importation et de la dépendance et qui sont restées des forteresses de la tolérance et de la cohabitation sur lesquelles se dissipèrent les chimères de la tyrannie et les ambitions de l’abus.
Vous savez certainement que l’Histoire de Tamazgha a commencé des milliers d’année avant la prétendu venue de Idris 1er de l’Orient au Maroc, et que c’est une Histoire chargée de gloires, riche en étapes et en événements.
Ne perdez pas de vue que, les monuments historiques et site archéologiques et géographiques, les groupes humains et les traditions dont Tamazgha est dotée témoignent de l’enracinement de la civilisation amazigh et demeurent dignes de tous les hommages et de l’immortalisation.
Nous avons la certitude que vous n’êtes pas sans partager notre avis sur le maintien des noms de certains quartiers, rues et places du fait qu’ils constituent des sites historiques à part entière et en vue de préserver l’identité et la mémoire de la région pour les générations futures.
Ce que fait une minorité d’entre vous s’avère regrettable. En effet, ils se servent de leurs pions pour exhorter les gens à rejoindre les associations des « utilisateurs des eaux d’irrigation », lesquelles sont régies par les lois makhzeniennes, gérées selon les mécanismes partisans, obéissent aux conduites politiciennes et protègent des intérêts égoïstes. Ils visent la substitution de ces associations aux communautés coutumières ancestrales. Il n’est pas question ici des « communes ethniques », terme importé par les lois coloniales. Ils souhaitent, également, l’extirpation de l’« azerf n waman » pour qu’il laisse place à leurs caprices. Ils diffusent parmi la population que la coutume à laquelle est soumise l’opération de l’irrigation s’avère injuste et préjudiciable pour certains habitants.
Nous disons à ces crédules et à ceux qui écoutent leurs estomacs avant la raison :

Amzwaru : l’« azerf n waman » est un monument historique qu’ont institué nous ancêtres, et se sont mis d’accord sur ses règles et ses dispositions, par le biais de leurs institutions, précurseurs en démocratie véritable, telle que takat , afus , inflas , ljmaât , tarigt , imgharen , ayt rbâin , tadâ …etc.
Et nul doute q’ils ont pris en considération lors de leurs pourparlers pour le partage des eaux du fleuve de Mast l’expérience des décennies antérieures :
-le niveau minimum du débit d’eau, l’effort humain et la capacité en force animale disponibles pour la construction de l’uggug et le tracer des isura ainsi que pour leur entretien
-la superficie minimum (en imtlan ) à irriguer et indispensable pour garantir la couverture des besoins alimentaires et les réserves stratégiques
-le nombre de takatin, et des ifassen et par conséquent le nombre d’habitant par tribu ou village
-l’équilibre des puissances en présence, la pérennité des alliances, le bon voisinage, la prévention du danger et l’établissement de la sécurité garantissant la stabilité et la continuité de la quiétude au sein de tadâ ainsi que la dissuasion vis-à-vis des alliances voisines voir de l’armée makhzenienne.

Wisin : les contraintes naturelles, politiques et démographiques qui ont dicté l’azerf organisant l’irrigation sont objectives et n’ont pas permis l’irrigation de toutes les terres que possède chaque groupe des populations en présence. Une grande proportion des terres reste privée d’eau, sauf rarement. En effet, dans les cas ou le débit d’eau augmente et que l’on ait fini d’irriguer les champs prioritaires en vertu des dispositions de l’azerf, à l’intérieur des délais qui leurs sont impartis, les terres privées, habituellement, bénéficient de l’excédant selon des priorités connues.

Wiskrad : les part d’eau d’irrigation et les délais qui y sont attachés constituent notre patrimoine historique et restent la propriété des communes coutumière de la région et un droit des populations autochtones qui les forment, alors que les « les utilisateurs des eaux d’irrigation » n’y ont aucun droit. Ce droit n’est pas susceptible d’achat-vente, ni d’hypothèque, ni de location et ne peu faire l’objet d’aucun contrat qui touche les droits réels. La peur de perdre ce droit déclenchait des guerres et des villages se faisaient démolir. Ces tribus ont même interdit le passage par leurs terres sans l’accompagnement des izttâtên et le versement de tâzttâdt .

Wiskkûz : quant aux terres qui demeurent privées de l’irrigation même après l’édification du barrage Yusf U Tachfin (*) on ne peu prendre pour responsable l’azerf de l’irrigation. De même qu’on ne peu pas résoudre ces problèmes par la réduction des parts qui reviennent aux propriétaires des autres terres. Vous avez sans doute remarqué que, lorsque le taux de remplissage du dit barrage baisse, toute targwa reste privée de ses eaux et les igran s’exposent à la sécheresse. Les causes de ces disfonctionnements ne résident pas dans l’azerf pour les différentes raisons suivantes :
-Il n’interdit pas l’augmentation des quantités d’eau réservées à une terre ou à un groupe humain déterminés
-Il ne refuse pas la prolongation des délais que possède chaque commune coutumière avec le maintient des durées actuelles comme minimum.
-Il n’admet pas que le droit à l’irrigation soit payant et n’autorise que la rémunération des inggwafen .

Le vice réside et se limite dans le type de politique économique qu’a adopté le makhzen, en général, et dans la politique agricole et hydrique que poursuivent les autorités agricoles, en particulier. Elle demeure soumise au critère du Maroc utile et Maroc inutile et reste gouvernée par les intérêts corporatifs à grandes capacités de négociation en raison des ressources financières et des investissements colossaux dont ils disposent.
Si l’on disposait de politique agricole populaire sérieuse à même de transformer les slogans de développement durable en réalité, nous aurions pu irriguer tous les secteurs demeurés privés comme les terrains bour de Targwa, Urtan, Imdran et Tayyitact. Les canaux d’irrigation auraient pu atteindre Zzur pour en faire un jardin verdoyant exploité en permanence et participant à l’amélioration du niveau de vie dans la région et à la fixation des habitants.
Ces terres de Zzur sont aujourd’hui sujettes à des marchandages entre plusieurs parties toutes étrangères à Mast ou sans liens avec la terre. On y trouve ceux relevants des sphères makhzeniennes, ceux qui relèvent des mafias qui s’approprient les terres d’autrui gratuitement sous prétexte de l’intérêt général, il comptent des fonctionnaires, des agents d’autorité, des ingénieurs, des médecins, et d’autres exerçant des professions libérales. Parmi eux des crédules et ceux agissent en connaissance de cause. Il gagnent tous leur vie, non en se fatigant à travailler la terre, mais grâce à leurs fonctions makhzeniennes et professions libérales confortables et rentables et qui leurs garantissent la belle vie, les dispensent de la terre et les protègent contre ces corvées.
Tous ceux-ci n’ont jamais réalisé, une seconde de leurs vies, l’importance de cette terre ni de son rôle dans la vie de ses propriétaires. C’est avant tout une question de dignité humaine sur sa terre et grâce à sa terre. C’est ensuite une question de liberté et d’indépendance vivrière. C’est enfin l’épargne et la seule provision et unique disponible sur laquelle on peut compter à travers les générations.
Parmi les arguments déclarés et qui les autorisent à digérer les propriétés des populations, on trouve la création d’un parc pour la protection des animaux en exécution à un plan dont le dessein fût tracé par le colonialisme français. Le parc ne signifie point une réserve puisque celle-ci vise la protection d’espèces animales et végétales dans le cadre d’une forêt, d’une île ou du delta d’un fleuve, sur lesquels rampe l’activité humaine de façon à en menacer la pérennité. Le premier, quant à lui -parc d’attraction- nécessite la création d’établissements, la réalisation de constructions et l’aménagement de services, non seulement pour l’accueil des touristes et des excursionnistes et la garantie de leur sécurité et leur luxe, mais aussi, et essentiellement, pour l’accroissement de leur nombres et la diversification de leurs ages, goûts et sources.
Ce-ci correspond exactement à Zzur , puisque le seul animal qui s’y trouve se révèle parlant et pratiquant l’agriculture, l’élevage et la pêche côtière depuis des siècles. Aujourd’hui, Il est menacé d’évacuation, car des animaux dans des espaces clôturés ne constituent qu’une étape qui devance les phases d’un plan ambitieux et à long terme. S’ajouteront des constructions pour abriter les animaux prédateurs, sauvages et exotiques; suivront les bars et boites de nuit; les rejoindront ensuite les restaurant Mc Donald et les terrains de golf. Arriveront un village touristique, le palais du Koweïtien, la villa de l’Allemand et un port pour le yacht de l’Emirati. Il sera proposé au touriste des balades à cheval, en chameau, en voitures et motos adaptées au sables. Tout cela nécessitera des routes, des gares et pourquoi pas des aéroports et la suite viendra…
Nous verrons beaucoup de grands malheurs. En effet, les clôtures ne laisseront aux propriétaires des terres que les passages qui vont les mener à la nationale n°1 pour rejoindre les villes de la migration. Ceux qui vont résister supplieront les maîtres qui les auront expropriés pour une occasion de travail.
Il n’iront pas mieux que ceux qu’ont a fait venir à des fermes à Achtuken pour travailler dans les serres et habiter dans des huttes qu’il se confectionnent avec les chutes de plastique de leurs employeurs. Et pas mieux que ceux qui survécurent aux barques de la mort et sont restés coincés à El Ejido de l’Andalousie espagnole.

Recevez, Messieurs, nos salutations.

Traduction proposée par Hassan BELLA (Mast, Yulyu 2004).
 
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