Maroc, le PPS s'attaque aux imazighen !

Agrawal

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Lahsen Oulhadj

Que dire des dernières déclarations de quelques responsables de partis politiques marocains à propos de la constitutionnalisation de la langue amazighe ? À mon sens, pour ne pas trop paraître pessimiste, il faut s'en féliciter.

Que des partis connus jusqu'à hier pour leur animosité à l'amazighité l'évoquent est en soi, quoiqu'on puisse dire, un énorme événement. Car cette amazighité qui s'accroche désespérément à la vie, revient vraiment de loin. D'aucuns pensent qu'elle a été enterrée depuis belle lurette à cause justement de la cabale orchestrée par le Makhzen et ces mêmes partis qui n'avaient et qui n'ont toujours des yeux que pour l'arabité et son pendant idéologique, le baâthisme.

On ne va pas évoquer les dernières sorties de l'USFP et du PI, mais on va seulement se contenter de celle de Moulay Ismâil El Alaoui, président du PPS. Un parti, que ce soit dit en passant, qui a prôné jusqu'à récemment ni plus ni moins que l'officialisation de la langue amazighe.


Reculade

Que nous annonce exactement le président du PPS ? Que la langue amazighe ne doit plus être officielle, mais juste nationale. Le PPS recule, et c'est le moins qu'on puisse dire, sur son engagement d'hier. Pourquoi une telle volte-face ? La raison invoquée par le chef de ce parti, c'est que les Marocains doivent au préalable tous savoir déchiffrer le tifinagh, l'alphabet ancestral de la langue amazighe, avant de prétendre à une quelconque officialisation. Soit. Mais a-t-on fait des efforts suffisants dans ce sens ? Non, malheureusement, car, à ce jour, le tifinagh est resté prisonnier des murs de l'IRCAM. D'ailleurs, l'État marocain nous a donné la preuve de tout l'amour qu'il lui porte en arrachant sans ménagement les panneaux signalétiques rédigés dans cet alphabet à Nador. Pour l'enseignement de l'amazigh et de son alphabet, de l'aveu même des responsables de l'IRCAM, c'est un échec absolu. Car le ministère de l'éducation nationale et ses académies régionales ont mis énormément de zèle pour que ce soit le cas.

À ce compte-là, il faut certainement attendre la fin des temps pour que les Marocains soient juste au courant de l'existence du tifinagh. Pour son apprentissage, c'est peut-être dans l'au-delà. Connaissant la tendance idéologique communiste du PPS –enfin ce qu'il en reste-, il vaut mieux dire jamais.

Cependant, a-t-on exigé de même de l'arabe classique pour qu'il soit la langue officielle du pays? Aucunement. D'ailleurs, dans le dernier recensement et après 60 ans d'arabisation agressive, si ce n'est destructive, on n'a même pas osé poser, et c'est très révélateur, la question de la maîtrise de cette langue. Parce qu'on connaît d'avance le résultat, à savoir qu'une petite minorité insignifiante de citoyens est concernée. Ce qui n'est pas du tout le cas de l'amazigh qui est quotidiennement parlé, si Moulay Ismaâil El Alaoui l'a oublié, par plusieurs millions de locuteurs.

On pourrait comprendre sa position- et encore- s'il était islamiste ou président d'un parti islamiste. Car on sait que pour les tenants de cette mouvance, la langue arabe, c'est du domaine du sacré. On peut même dire qu'elle est érigée, par certains d'entre eux si ce n'est la majorité, en sixième fondement de l'Islam. En bonne logique, un communiste n'a que faire de tout cela. Pourquoi donc cette attitude nullement digne d'un homme qui se qualifie, à qui veut l'entendre, de progressiste et de moderniste? Dieu- ce n'est pas de l'ironie- seul le sait.

Tout bien considéré, l'histoire aura retenu que le PPS, au moment où les Amazighs exigent massivement l'officialisation de leur langue sur leur bonne terre de Tamazgha, il leur a, honteusement, faussé la route en allant à contre courant de la dynamique de demande de reconnaissance visible même dans le pays du très démocratique Qaddafi, la Libye.

C'est révélateur !


Pourquoi faire de l'amazigh une langue nationale alors qu'elle l'était bien avant l'arrivé des Arabes de plusieurs millénaires? Est-ce à dire, pour l'élite politique marocaine, qu'auparavant, elle n'a aucun caractère national? C'est ce qui naturellement nous vient à l'esprit. D'ailleurs, la guerre dont elle a fait l'objet –ça continue toujours malheureusement- par tous les moyens légitimes et illégitimes en la possession de l ‘ État tend à accréditer l'idée que la langue amazighe, du moins officiellement, n'a jamais été considérée comme appartenant à l'héritage culturel marocain. Elle a été niée, occultée, cachée, des décennies durant. Et rien n'augure que ce déni de justice va changer de sitôt malgré les beaux discours qui, faut-il encore le rappeler, n'ont aucune valeur en politique. L'expérience nous a appris qu'en politique, seuls les actes comptent.

Il faut dire, si je reprends l'idée très répandue chez de très larges couches de la société marocaine abreuvées à l'excès de l'idéologie officielle, que les Amazighs et leur langue ne sont que des créations coloniales. Ils étaient quand même forts ces Gaulois! Le pire dans tout cela, c'est quand des pseudo professeurs d'Université crient à tue-tête, sans avoir peur du ridicule, qu'affirmer que les Amazighs sont des autochtones, relève d'une vision colonialiste. Est-ce qu'on peut dire autant des Arabes en Arabie ou des Palestiniens en Palestine? Pourquoi toujours vouloir faire des Amazighs des étrangers sur leur propre terre? Cette médiocrité ambiante, qui n'est qu'un symptôme de la disette d'idées et de la déchéance intellectuelle, est vraiment fatigante! C'est vrai qu'on trouvait cela à un moment désopilant, mais là non, c'est vraiment trop exagéré.

Inégalité

À noter que faire de l'amazigh juste une langue nationale, ce qui est déjà en soi un non-sens, est une manière de renforcer le rapport inégalitaire entre l'arabe et l'amazigh, et, partant entre les Amazighs et les Arabes. Au lieu de militer dans le sens de l'égalité entre toutes les cultures, et, partant entre tous les Marocains, le PPS veut que cette situation abominable soit constitutionnalisée, et, par voie de conséquence institutionnalisé. En d'autres termes, on continue à ériger l'antiamazighisme d'État en une loi écrite noir sur blanc dans la Loi fondamentale d'un pays qui se targue, ce qui est vraiment paradoxal, d'être sur la voie de la démocratie. La crédibilité des officiels marocains sur leurs intentions à rompre avec leur haine historique de l'amazighité en prend un terrible coup.

Pour quelqu'un qui suit les développements de la question amazighe, il est tout simplement désespérant de remarquer le mépris avec lequel les revendications amazighes sont traitées. Pourquoi donc toujours ses réponses au rabais à leurs griefs ? C'est tout simplement incompréhensible. Ce qui ne fait que frustrer davantage les Amazighs qui souffrent déjà de la marginalisation, de la misère, … Alors que les expatriés parmi eux, et Dieu sait qu'il sont nombreux, apportent leur contingent précieux à l'économie nationale. Qu'est-ce que serait le Maroc sans leurs transferts en devises? On ne préfère même y penser.

Ce qu'il faut à la langue amazighe, c'est d'être constitutionnalisée comme langue officielle pour lui assurer une protection juridique au même tire que l'arabe. Dans cette histoire, s'il y a quelqu'un qui a besoin d'être «nationalisé», ce n'est pas l'amazigh, mais c'est bien nos partis dit politiques pour qu'ils collent un peu à la réalité marocaine qu'ils confondent, semble-t-il, avec celle de Syrie et d'Irak.

Ensembles vides


Et si l'Algérie, sauf une pirouette de dernière minute de Bouteflika- ce qui s'est passé effectivement-, où les Amazighs ne sont qu'un tiers décide d'officialiser la langue de Yugurten? Il est certain que le Maroc va lui emboîter le pas, car on ne peut tout simplement pas imaginer qu'un pays majoritairement amazigh ne fasse de même. Il est fort probable que ces mêmes formations - qui n'ont rien de politiques- vont encore applaudir la décision éclairée de sa majesté en rappelant à qui veut l'entendre qu'elles ont été à l'inspiratrice d'un tel choix on ne peut plus démocratique. Alors que dans la réalité du terrain, c'est loin d'être le cas.



Il faut donc que les Amazighs zappent irrémédiablement ces partis qui sont à des années
lumières de leurs préoccupations. D'ailleurs, généralement dans la presse de la Place , on les qualifie souvent de coquilles vides, mais dans le cas des Amazighs, ce sont plutôt des ensembles vides .

http://www.amazighworld.org/history/amazighophobia/morocco/index.php
 
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