L'intégration de l'amazighe dans le système éducatif entre attentes et contraintes
Par Fatima Timjerdine
Rabat, 02/11/04- Pour les élèves de la première année de cette école primaire de Rabat, le cours d'amazighe n'aura pas été des plus normaux, même pour les amazighophones d'entre eux. Et pour cause, c'est la première fois qu'ils apprennent à lire et à écrire en alphabet "Tifinaghe".
Une grande partie des élèves a fait montre d'un enthousiasme et d'une curiosité incommensurables en suivant attentivement une leçon en expression et écriture en langue amazighe. La découverte de l'alphabet Tifinaghe, qui remonte en fait à des milliers d'années, n'a pas manqué de susciter un intérêt certain de ces élèves.
Face à l'enthousiasme des élèves qui ne conçoivent pas encore l'ampleur des défis imposés par l'intégration de la langue amazighe dans le système éducatif, l'institutrice, amazighophone, n'a pas pu cacher la persistance de certains handicaps, d'autant plus que la majorité des élèves ne parlent pas l'idiome amazighe.
"Les élèves ont rencontré des difficultés au niveau de la prononciation, mais ils ont été fascinés par l'alphabet Tifinaghe qu'ils ont facilement assimilé, étant donné que les petits enfants sont dotés de grandes facultés mentales d'apprentissage", a estimé l'enseignante.
De par sa position, elle a formé l'espoir que "la langue soit simplifiée ou qu'il y ait adoption des dialectes pour faciliter la communication, dans la mesure où même si l'élève apprend la langue standardisée, il ne pourra pas communiquer avec une personne parlant une variété linguistique berbère.
Evoquant la question de la formation, l'institutrice a indiqué avoir bénéficié en début de l'année d'un stage qui ne dépasse pas les quinze jours, estimant que ce n'est pas suffisant, d'autant que l'amazighe intègre pour la première fois les classes d'enseignement. L'instituteur en langue arabe ou française reçoit, quant à lui, une formation d'une à deux années.
La procédure d'intégration de la langue amazighe dans le système éducatif a généré des opinions différentes, notamment quant au bilan de sa première année, certains l'ont jugé positive, alors que d'autres estiment qu'il est en deçà des attentes et des aspirations. D'autres soulignent, pour leur part, la nécessité de soutenir cette jeune expérience jusqu'à la réalisation du résultat escompté.
Membre du conseil d'administration de l'Institut Royal de la culture Amazighe (IRCAM), Ahmed Assid estime que les positions exprimées à ce propos, semblent très variées, étant donné qu'elles focalisent l'attention sur une seule dimension et en omettent d'autres. " Nous avons besoin d'une vision critique globale qui s'arrête sur les volets aussi bien négatifs que positifs ", a-t-il indiqué.
L'IRCAM, a encore ajouté Assid, a pu élaborer un manuel scolaire, le premier du genre dans l'histoire du Maroc contemporain, pour l'enseignement de la langue amazighe en première année de l'enseignement primaire, soulignant que les efforts portent actuellement sur l'élaboration d'un manuel pour la deuxième année.
M. Assid a estimé que les aspects négatifs se situent essentiellement au niveau de l'exécution en rapport avec le ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la formation des cadres, précisant qu'au niveau des prérogatives relevant de la responsabilité du ministère, telles la supervision des établissements scolaires, l'organisation des sessions de formation et la logistique, un déficit effectif et un dysfonctionnement flagrant sont à souligner.
Les observateurs de la question amazighe estiment, toutefois, que l'un des éléments positifs de cette étape actuelle réside dans le travail en groupe et dans une instance officielle des différents spécialistes de cette question.
Avant, les efforts consentis en ce sens, se faisaient à titre individuel.
Les acteurs du paysage culturel amazigh sont quasi-unanimes à dire que les entraves et dysfonctionnements qui ont affecté l'enseignement de la langue amazighe sont dus essentiellement au manque d'encadrement pédagogique, ainsi qu'au déficit accusé en matière d'outils pédagogiques et matériels.
De son côté, M. Abdallah Hitous, acteur associatif amazigh, estime que la situation actuelle de l'enseignement de la langue amazigh "révèle une absence de suivi de la part des directeurs responsables sur le cours normal des cursus et d'une réelle volonté de former une génération d'enseignants dotés du bagage pédagogique et cognitif à même de leur permettre l'enseignement de cette langue", a-t-il ajouté.
M. Hitous a encore fait remarquer qu' "il était impossible de former des instituteurs et d'initier aux supports pédagogiques et aux moyens de communications dans d'aussi brefs délais (trois jours), notamment lorsqu'il s'agit d'une nouvelle expérience de l'élève avec sa langue mère en milieu scolaire".
"Le Maroc a besoin d'une génération imprégnée des valeurs universelles de la modernité et de la démocratie", a-t-il dit, soulignant que la dimension identitaire, présente dans le manuel scolaire à travers des protagonistes dont les noms à résonance amazigh et compatibles avec la réalité socioculturelle véhiculée, aidera l'élève à prendre conscience de sa personnalité, de ses origines et de son appartenance.
En dépit des différentes évaluations du bilan d'une année d'intégration de la langue amazigh dans les cursus scolaires au Maroc, il demeure encore prématuré d'émettre un jugement général sur cette expérience, qualifiée de premier pas perfectible, l'objectif étant évidemment de traduire dans les faits les grandes orientations contenues dans le discours Royal d'Ajdir.
Source: MAP
Par Fatima Timjerdine
Rabat, 02/11/04- Pour les élèves de la première année de cette école primaire de Rabat, le cours d'amazighe n'aura pas été des plus normaux, même pour les amazighophones d'entre eux. Et pour cause, c'est la première fois qu'ils apprennent à lire et à écrire en alphabet "Tifinaghe".
Une grande partie des élèves a fait montre d'un enthousiasme et d'une curiosité incommensurables en suivant attentivement une leçon en expression et écriture en langue amazighe. La découverte de l'alphabet Tifinaghe, qui remonte en fait à des milliers d'années, n'a pas manqué de susciter un intérêt certain de ces élèves.
Face à l'enthousiasme des élèves qui ne conçoivent pas encore l'ampleur des défis imposés par l'intégration de la langue amazighe dans le système éducatif, l'institutrice, amazighophone, n'a pas pu cacher la persistance de certains handicaps, d'autant plus que la majorité des élèves ne parlent pas l'idiome amazighe.
"Les élèves ont rencontré des difficultés au niveau de la prononciation, mais ils ont été fascinés par l'alphabet Tifinaghe qu'ils ont facilement assimilé, étant donné que les petits enfants sont dotés de grandes facultés mentales d'apprentissage", a estimé l'enseignante.
De par sa position, elle a formé l'espoir que "la langue soit simplifiée ou qu'il y ait adoption des dialectes pour faciliter la communication, dans la mesure où même si l'élève apprend la langue standardisée, il ne pourra pas communiquer avec une personne parlant une variété linguistique berbère.
Evoquant la question de la formation, l'institutrice a indiqué avoir bénéficié en début de l'année d'un stage qui ne dépasse pas les quinze jours, estimant que ce n'est pas suffisant, d'autant que l'amazighe intègre pour la première fois les classes d'enseignement. L'instituteur en langue arabe ou française reçoit, quant à lui, une formation d'une à deux années.
La procédure d'intégration de la langue amazighe dans le système éducatif a généré des opinions différentes, notamment quant au bilan de sa première année, certains l'ont jugé positive, alors que d'autres estiment qu'il est en deçà des attentes et des aspirations. D'autres soulignent, pour leur part, la nécessité de soutenir cette jeune expérience jusqu'à la réalisation du résultat escompté.
Membre du conseil d'administration de l'Institut Royal de la culture Amazighe (IRCAM), Ahmed Assid estime que les positions exprimées à ce propos, semblent très variées, étant donné qu'elles focalisent l'attention sur une seule dimension et en omettent d'autres. " Nous avons besoin d'une vision critique globale qui s'arrête sur les volets aussi bien négatifs que positifs ", a-t-il indiqué.
L'IRCAM, a encore ajouté Assid, a pu élaborer un manuel scolaire, le premier du genre dans l'histoire du Maroc contemporain, pour l'enseignement de la langue amazighe en première année de l'enseignement primaire, soulignant que les efforts portent actuellement sur l'élaboration d'un manuel pour la deuxième année.
M. Assid a estimé que les aspects négatifs se situent essentiellement au niveau de l'exécution en rapport avec le ministère de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la formation des cadres, précisant qu'au niveau des prérogatives relevant de la responsabilité du ministère, telles la supervision des établissements scolaires, l'organisation des sessions de formation et la logistique, un déficit effectif et un dysfonctionnement flagrant sont à souligner.
Les observateurs de la question amazighe estiment, toutefois, que l'un des éléments positifs de cette étape actuelle réside dans le travail en groupe et dans une instance officielle des différents spécialistes de cette question.
Avant, les efforts consentis en ce sens, se faisaient à titre individuel.
Les acteurs du paysage culturel amazigh sont quasi-unanimes à dire que les entraves et dysfonctionnements qui ont affecté l'enseignement de la langue amazighe sont dus essentiellement au manque d'encadrement pédagogique, ainsi qu'au déficit accusé en matière d'outils pédagogiques et matériels.
De son côté, M. Abdallah Hitous, acteur associatif amazigh, estime que la situation actuelle de l'enseignement de la langue amazigh "révèle une absence de suivi de la part des directeurs responsables sur le cours normal des cursus et d'une réelle volonté de former une génération d'enseignants dotés du bagage pédagogique et cognitif à même de leur permettre l'enseignement de cette langue", a-t-il ajouté.
M. Hitous a encore fait remarquer qu' "il était impossible de former des instituteurs et d'initier aux supports pédagogiques et aux moyens de communications dans d'aussi brefs délais (trois jours), notamment lorsqu'il s'agit d'une nouvelle expérience de l'élève avec sa langue mère en milieu scolaire".
"Le Maroc a besoin d'une génération imprégnée des valeurs universelles de la modernité et de la démocratie", a-t-il dit, soulignant que la dimension identitaire, présente dans le manuel scolaire à travers des protagonistes dont les noms à résonance amazigh et compatibles avec la réalité socioculturelle véhiculée, aidera l'élève à prendre conscience de sa personnalité, de ses origines et de son appartenance.
En dépit des différentes évaluations du bilan d'une année d'intégration de la langue amazigh dans les cursus scolaires au Maroc, il demeure encore prématuré d'émettre un jugement général sur cette expérience, qualifiée de premier pas perfectible, l'objectif étant évidemment de traduire dans les faits les grandes orientations contenues dans le discours Royal d'Ajdir.
Source: MAP