Les Mouslim, les enfants français d'Ahmed

agoram

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Familles de France (5) : Les Mouslim, les enfants français d'Ahmed


Fêtes de fin d'année oblige, l'heure est à la vie de famille. Marianne2.fr vous propose une incursion dans huit familles françaises, en autant de volets. Aujourd'hui les Mouslim, les enfants français d'Ahmed.





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La famille Mouslim

Khadija (52 ans), Ahmed (71 ans), Karima (17 ans), Salima (15 ans), Yacine (11 ans) et Yamna (8 ans)

Chez nous
Sur un mur du séjour, face à l'une de ces tapisseries bon marché représentant La Mecque que l'on trouve dans tous les bazars du monde - et dans pas mal de foyers maghrébins -, une clé pend à un clou. Celle de l'autre maison des Mouslim qu'Ahmed a construite là-bas, au Maroc, dans le village berbère proche d'Agadir où Khadija et lui sont nés. Contrairement à leurs enfants, c'est sans doute l'endroit auquel ils pensent quand ils disent « chez nous », même s'ils passent dix mois sur douze et le plus clair de leurs journées dans cet appartement du XVIIIe arrondissement parisien. Situé à quelques encablures du Montmartre branché de la rue Lepic, cet ensemble HLM comporte une dizaine d'immeubles construits à l'économie dans les années 80. Les cloisons sont en papier, les sols recouverts d'un méchant lino mais le voisinage semble paisible. Pour ce quatre-pièces, le loyer se monte à 430 €, presque la moitié de la retraite d'Ahmed, 1 000 €. Sans les allocations, les Mouslim ne parviendraient pas à joindre les deux bouts. Les trois filles occupent une chambre et Yacine partage l'autre avec ses parents. En dehors du séjour passablement encombré, une pièce est entièrement occupée par une table entourée de banquettes. C'est là que sont accueillis les visiteurs. Non qu'ils soient si nombreux. C'est la tradition.

Un bon garçon

Ahmed a la mémoire des dates. La seule qui lui échappe est ce jour de juin 1995 où un incendie a coûté la vie à Moustapha, alors son seul fils, âgé de 4 ans. Salima, qui a pris place sur la banquette à côté de son père - sans doute une habitude -, le guide avec délicatesse dans les brumes du souvenir. Ahmed n'a rien oublié : toute la famille hospitalisée, l'assistante sociale qui les avait relogés dans un hôtel de la rue de Crimée avant de leur trouver cet appartement, le soutien des jeunes du quartier. « Moustapha était un bon garçon. » Aujourd'hui, il repose au pays.

Travailleur immigré
Ahmed égrène avec précision les dates qui ont marqué sa vie de travailleur immigré depuis qu'il a quitté le village où il n'y avait pas assez de terres pour son frère et lui. L'arrivée à la gare d'Austerlitz en provenance d'Algésiras le 7 avril 1960. Le départ immédiat pour Gennevilliers, où il loge avec d'autres Marocains. Les premiers mois dans le bâtiment puis dans une entreprise de métallurgie. Le 4 juillet 1960, les débuts à Simca-Citroën, à Flains, sur la chaîne de montage. « Il fallait arriver à l'heure et compter toutes les minutes. » L'examen pour devenir ajusteur, niveau P1. Le 7 avril 1970, son entrée à la Régie Renault, à Flains puis sur l'île Seguin. « J'étais là-bas quand Georges Besse a été assassiné. » La médaille du Travail décernée par la Régie le 14 juillet 1990. Le départ en préretraite en 1990. Ahmed n'était pas le genre d'ouvrier à se faire remarquer. « J'ai pas beaucoup fait la grève. » De l'usine, il n'a pas gardé d'amis, quelques relations qu'il croise par hasard. « A l'usine, on est copains, mais chacun travaille pour soi. »

Autres temps

Depuis peu, Khadija prend des cours d'alphabétisation. Mais les enfants, qui s'adressent à leur père en français, lui parlent en dialecte berbère. Souriante et rougissante sous son hidjab, Khadija a l'habitude de passer par leur truchement ou celui de son mari pour communiquer avec le reste du monde. C'est lui qui fait les courses, presque quotidiennement : au marché, c'est moins cher. « Elle n'est pas allée à l'école », observe Ahmed qui a fréquenté la medersa (l'école coranique). Sa première épouse n'a pas pu avoir d'enfants. Après leur séparation, les familles, au village, ont arrangé l'union avec Khadija, une jeune femme revenue vivre chez ses parents depuis que son mari était mort noyé en France. Ahmed avait 52 ans. « Au Maroc, on ne fait pas comme ici, explique-il. Si elle n'avait pas voulu, son père lui aurait parlé. » Il précise qu'il ne l'a fait venir qu'un an plus tard, après avoir « rempli tous les papiers des services de l'immigration ». Khadija est bien tombée. « La maman a les enfants, la maison, elle est très contente », dit Ahmed. Elle approuve avec conviction. Il sait que, pour ses filles, ça ne se passera pas comme ça : « C'est elles qui choisiront. » Il se contentera de donner son accord.

Première génération
Racisme, connais pas. « Nous n'avons jamais eu de problèmes ici. » Respectueux des lois, reconnaissants envers la France, Ahmed et Khadija côtoient la société plus qu'ils ne s'y intègrent. Ils laissent cette tâche et cette promesse à leurs enfants. Seule Khadija porte le foulard. Pour les filles, il n'en est pas question. « Je veux qu'elles soient comme tout le monde », souligne Ahmed. En vertu du même principe de discrétion, elles se couvrent la tête au Maroc. Le souci de ne pas se faire remarquer, parce qu'il se sent encore invité ici, explique l'aversion d'Ahmed pour la politique. Surtout, pas d'histoire. Il veut que ses enfants soient « bien tranquilles » - c'est sa définition de l'intégration.. Et, comme en toutes choses, ils semblent lui donner satisfaction. Même les deux grandes n'ont suivi les campagnes électorales que très superficiellement. Elles ne savent pas vraiment ce qu'était le CPE, et la nomination d'une ministre d'origine marocaine les laisse indifférentes. Ils n'ont pas la double nationalité, précise Ahmed. Ils sont nés en France et leur avenir est ici. Il aime à le répéter : « Mes enfants sont français. »

Chef de famille
Son autorité est incontestée. Ahmed exerce ses prérogatives de chef de famille avec bienveillance mais sans faiblesse. Retraité depuis quinze ans, il en a le temps. « Je surveille beaucoup les enfants, mais je les aime beaucoup. » Pas question de les laisser traîner – surtout les deux grandes. En traînant, on se met à fumer et à boire de l'alcool. Le temps des trajets entre l'école et la maison est évalué avec précision, à l'aller comme au retour et tout le monde rentre déjeuner. Pas de cinéma, ni de promenade en ville avec les copines. Pour acheter des vêtements, les deux adolescentes sont accompagnées de leur père ou de leur mère. « Si nous demandons à sortir, on nous laisse, explique Salima. Mais nous ne demandons pas souvent. » Parfois un anniversaire, quand Ahmed connaît les parents. Karima assure qu'avec ses amies elle ne parle que d'école.

Une affaire privée
En 2003, Ahmed a déboursé 2 800 € pour accomplir, enfin, le pèlerinage à La Mecque. Les parents se lèvent à 4 h 30 pour la prière et se recouchent. Dans la journée, lui va à la mosquée, « il y en a beaucoup autour de Château-Rouge ». Les grandes prient avant de partir à l'école et à leur retour. C'est leur père qui leur a appris. Les enfants ne discutent pas cette piété sans histoire : elle fait partie de la vie. Une année, il y a longtemps, ils ont acheté un mouton pour l'Aïd el-Kebir. « Plus jamais ! » s'exclame Ahmed. Cet homme simple sait ce qu'est la laïcité : « La religion, dit-il, c'est une affaire privée. »

L'école avant tout

Ahmed est intraitable sur ce chapitre. Ses enfants doivent être de bons élèves. On ne leur demande jamais d'aider aux travaux ménagers tant que les devoirs ne sont pas finis. Pour l'école, on ne compte pas. Le moins possible. Il leur a acheté un ordinateur mais a dû renoncer à l'abonnement Internet, trop coûteux. Peu importe, Ahmed est un père comblé. Les quatre jeunes Mouslim sont brillants, même si « Yacine est un peu plus dur ». Karima entre en première S et elle a remporté deux prix de la Mairie de Paris. Lycéenne à partir de la rentrée prochaine, lauréate de la même distinction, Salima est déterminée à égaler, voire à dépasser son aînée. « J'ai des profs sévères mais avec eux on travaille », affirme-t-elle avec le sérieux qui ne paraît guère la quitter. Elles veulent avoir un bon métier, une bonne famille et gagner de l'argent. Yacine et Yamna sont manifestement prometteurs. « Elle lit tout le temps », dit le père avec un sourire plein de fierté pour sa benjamine.

Vacances au pays

Tous les étés, on charge la Kangoo familiale et c'est le départ vers le Maroc. Sur la route, une petite caravane se forme avec d'autres familles qui roulent vers la même destination. Pendant trois jours, c'est la fête. « On ne va pas à l'hôtel, raconte Salima. On s'arrête tous sur la même aire d'autoroute, on étale les tapis, on fait la prière, on chante et on mange ensemble. » Les enfants aiment ce rassemblement qui est l'occasion de sortir du nid familial en famille. Karima et Salima redoutent et désirent le jour où elles devront voler de leurs propres ailes. « Plus tard, annonce l'aînée, nous irons au Maroc très souvent. Mais pas tous les ans ».

Cette série de huit articles a été publiée dans Marianne durant l'été 2007. Marianne2.fr remercie leurs auteurs pour leur aimable autorisation de rediffusion.




Mercredi 26 Décembre 2007 - 00:03

Elisabeth Lévy et Gil Mihaely
 
Re : Les Mouslim, les enfants français d'Ahmed

je trouve que c'est un bon résumé de la facon de vivre de la majorité des familles marocaines, au niveau éducation et valeur en tout cas... je trouve ca touchant, faire le possible pour etre le meilleur! Cependant je grimace un peu en lisant que leur père clame que ses enfants sont Francais! Que ses filles ne mettent pas le voile pour etre comme tout le monde, MAIS AU MAROC ELLES LE METTENT :eek:uf: Au nom de l'intégration... si ses enfants sont francais, comme il dit, alors ils sont déjà intégrés, quel rapport avec le port du voile???
Quand les enfants disent que lorsqu'ils seront grands, ils iront au maroc mais pas tous les ans. Et pourquoi pas!!!? A moins d'avoir des difficultés financières, je pense qu'il est important de ne pas oublier d'où on vient et que même après que nos parents ne soient plus là, il ne faut pas laisser de côté le maroc, sinon, nous ne serons plus marocains et nous ne deviendrons surement pas francais ( cad intégrés )
 
Re : Les Mouslim, les enfants français d'Ahmed

si ses enfants sont francais, comme il dit, alors ils sont déjà intégrés, quel rapport avec le port du voile???

faut pas...se voiler la face.
 
Re : Les Mouslim, les enfants français d'Ahmed

Avant même de lire l'article , dés que j'ai vu la photo , je me suis dit :ça c'est des chleuhs.
Cette retenue dans la pose....C'est typique de chez nous
 
Re : Les Mouslim, les enfants français d'Ahmed

Avant même de lire l'article , dés que j'ai vu la photo , je me suis dit :ça c'est des chleuhs.
Cette retenue dans la pose....C'est typique de chez nous

lool t'as raison agoram, j'ai pensé pareil que toi !!
 
Re : Les Mouslim, les enfants français d'Ahmed

Bonjour à toutes et tous... Aywa Achilhiye Ayga...
Très belle histoire que celle de ce Hadj....Yiwisse N'Tamighte (Souss-Massa-Draa) Domage que les journaliste n'aient pas mentionné sonvillage,sa tribu,sa circonscription.Cela pour mieux le situer et le connaître.
Il serait très interessant de pouvoir rassembler un certain nombre de témoignages vécus comme celui de Hadj Ahmed et en faire un recueil,une mémoire pour nos enfants petits enfants.Notre histoire de travailleurs immigrés...Qu'en pensez vous? Et Souss Com comme nous nous devons rendre ce témoignage.
Alors ,Aytma Oulla Istma...Que fait on ?.... :)

Je profite de cette occasion pour vous souhaiter une très bonne et heureuse année 2008.
Santé,bonheur,joie,prospérité pour vous,vos familles et vos proches.
Addakhe Ihdou Rabbi Smaghilla Alkhayre,d'elhanna oulla assahte,Amine ya Rabbi Al3alamine


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