Le calme était revenu, lundi 17 avril, à Alexandrie, après deux jours de heurts entre coptes (chrétiens orthodoxes) et musulmans, qui ont fait un mort et une cinquantaine de blessés. Quarante-cinq personnes ont été interpellées. Ces troubles avaient suivi l'attaque à l'arme blanche, vendredi 14 avril, de trois églises coptes de la ville par un jeune musulman "déséquilibré", selon la version officielle. Un copte avait été tué et cinq autres blessés.
Ces heurts, qui ne sont pas les premiers, traduisent une exacerbation des tensions interconfessionnelles qui trouve son origine dans la structure politique du pays et dans la crise économique et sociale. De nombreuses voix se sont élevées, ces dernières quarante-huit heures, pour dénoncer les mesures hâtives auxquelles procèdent les autorités à l'occasion de chaque poussée de fièvre entre les deux communautés, et demander le traitement des problèmes de fond. Ceux-ci "tiennent au climat d'extrémisme religieux qui prévaut dans le pays depuis deux décennies, avec le soutien de l'Etat", estime Helmi Salem, rédacteur en chef de la revue égyptienne Littérature et critique, publiée par le parti marxiste Tagamoo.
Dans un pays où "la Constitution affirme que l'islam est la religion de l'Etat et la charia la source principale de la législation, et où les cheiks de la mosquée Al-Azhar (référence suprême de l'islam sunnite) multiplient les fatwas sur le côté licite du point de vue religieux ou non de toute production intellectuelle, culturelle et artistique, tout jeune extrémiste musulman se croit autorisé à s'armer d'un couteau ou d'une hache", déclare M. Salem. Et il ajoute : "La version du "déséquilibré", déjà servie à d'autres occasions, n'est qu'un sédatif administré par les autorités, qui ne voient pas plus loin que leur objectif immédiat, consistant à brider la gauche et le mouvement démocratique. Aucune leçon n'a été tirée des drames antérieurs. Déjà, pour contrer la gauche, Anouar Al-Sadate (feu l'ancien président égyptien) avait été le premier à encourager les formations islamistes extrémistes. Il est mort sous leurs balles !"
DISCRIMINATION DE FACTO
Outre la Constitution, qui en fait "des citoyens de seconde zone", les coptes, indique M. Salem, ancien militant des droits de l'homme, font l'objet d'une discrimination de facto. "Un copte ne sera jamais commandant en chef de l'armée, parce que son patriotisme est mis en doute, ni ministre de l'intérieur, parce qu'il est suspect de semer la discorde, ni recteur d'une faculté de lettres, parce qu'il n'a pas appris le Coran." En réaction à cette marginalisation, "un extrémisme copte a vu le jour", qui n'est que le reflet de "la haine" engendrée par les politiques discriminatoires.
Le romancier Gamal Ghitany dénonce cet "extrémisme copte", dont un homme de religion résidant aux Etats-Unis, le "père Zakaria" est, à ses yeux, le principal animateur, par ses interventions antimusulmanes sur une télévision satellitaire copte. La crise économique, le chômage et la corruption favorisent, selon lui, les extrémismes. De même, la fermeture du champ politique, réduit à deux forces, le Parti national démocratique (PND), au pouvoir, et les Frères musulmans, accentue les tensions.
"Dans la mesure où l'objectif des Frères est l'instauration d'un Etat religieux musulman, les coptes, estime M. Ghitany, ont des raisons d'être inquiets." Il regrette le temps où, dans les années 1920, le parti Wafd, héraut de la lutte contre les Anglais, avait brandi le slogan "La religion est pour Dieu et la patrie pour tous" et conçu un drapeau portant le croissant et la croix.
Mouna Naïm, lemonde.fr
Ces heurts, qui ne sont pas les premiers, traduisent une exacerbation des tensions interconfessionnelles qui trouve son origine dans la structure politique du pays et dans la crise économique et sociale. De nombreuses voix se sont élevées, ces dernières quarante-huit heures, pour dénoncer les mesures hâtives auxquelles procèdent les autorités à l'occasion de chaque poussée de fièvre entre les deux communautés, et demander le traitement des problèmes de fond. Ceux-ci "tiennent au climat d'extrémisme religieux qui prévaut dans le pays depuis deux décennies, avec le soutien de l'Etat", estime Helmi Salem, rédacteur en chef de la revue égyptienne Littérature et critique, publiée par le parti marxiste Tagamoo.
Dans un pays où "la Constitution affirme que l'islam est la religion de l'Etat et la charia la source principale de la législation, et où les cheiks de la mosquée Al-Azhar (référence suprême de l'islam sunnite) multiplient les fatwas sur le côté licite du point de vue religieux ou non de toute production intellectuelle, culturelle et artistique, tout jeune extrémiste musulman se croit autorisé à s'armer d'un couteau ou d'une hache", déclare M. Salem. Et il ajoute : "La version du "déséquilibré", déjà servie à d'autres occasions, n'est qu'un sédatif administré par les autorités, qui ne voient pas plus loin que leur objectif immédiat, consistant à brider la gauche et le mouvement démocratique. Aucune leçon n'a été tirée des drames antérieurs. Déjà, pour contrer la gauche, Anouar Al-Sadate (feu l'ancien président égyptien) avait été le premier à encourager les formations islamistes extrémistes. Il est mort sous leurs balles !"
DISCRIMINATION DE FACTO
Outre la Constitution, qui en fait "des citoyens de seconde zone", les coptes, indique M. Salem, ancien militant des droits de l'homme, font l'objet d'une discrimination de facto. "Un copte ne sera jamais commandant en chef de l'armée, parce que son patriotisme est mis en doute, ni ministre de l'intérieur, parce qu'il est suspect de semer la discorde, ni recteur d'une faculté de lettres, parce qu'il n'a pas appris le Coran." En réaction à cette marginalisation, "un extrémisme copte a vu le jour", qui n'est que le reflet de "la haine" engendrée par les politiques discriminatoires.
Le romancier Gamal Ghitany dénonce cet "extrémisme copte", dont un homme de religion résidant aux Etats-Unis, le "père Zakaria" est, à ses yeux, le principal animateur, par ses interventions antimusulmanes sur une télévision satellitaire copte. La crise économique, le chômage et la corruption favorisent, selon lui, les extrémismes. De même, la fermeture du champ politique, réduit à deux forces, le Parti national démocratique (PND), au pouvoir, et les Frères musulmans, accentue les tensions.
"Dans la mesure où l'objectif des Frères est l'instauration d'un Etat religieux musulman, les coptes, estime M. Ghitany, ont des raisons d'être inquiets." Il regrette le temps où, dans les années 1920, le parti Wafd, héraut de la lutte contre les Anglais, avait brandi le slogan "La religion est pour Dieu et la patrie pour tous" et conçu un drapeau portant le croissant et la croix.
Mouna Naïm, lemonde.fr