Dhen ssir isir!
Ah! la! la! le Consulat du Maroc à Pontoise !!!
Autant aller en Enfer demander au Diable de vous octrôyer le document dont vous avez besoin !!! je connais très bien ce lieu infernal: ça m' a dégoûté à jamais des services administratifs marocains à l' étranger. J' y suis allé la dernière fois... ça remonte à quand déjà? Il y a 14 ans, l' âge de ma fille aînée, pour enregistrer mon mariage, demander un carnet d' Etat civil ( hala madania ). Jusqu' à présent je m' en souviens comme si c' était un cauchemar, une descente aux enfers de la bureacratie marocaine, une folie de ma part et la réalisation subite que je suis un " sujet marocain"... Ce fut la dernière fois où je fus humilié par des fonctionnaires de sa majesté.
Je vous raconte l' anecdote, si vous êtes patients. En tant que Marocain et fier de l' être je désirais absolument et naturellement disposer d' un carnet d' état civil marocain, comme celui de mon père; donc, pour enrigistrer mon mariage et pouvoir rentrer au Maroc avec ma femme française fièrement et sans problèmes, selon les prescriptions de la loi makhzénienne et celles d' Allah. Muni de mon passeport, de ma C.I.N ( carte d' identité nationale), du carnet d' Etat civil délivré par la mairie française attestant de notre mariage républicain, on se présente donc ma femme et moi dès tôt le matin, pour cette formalité banale. C'était au mois de mai, il faisait beau, nous étions confiants et bien habillés, donc bien avant le rush et le stress des grandes vacances de l' été. Nous pensions être malins, mais c' était sans compter sur les mystères de l' administration marocaine à l' étranger.
Dès l' entrée au consulat nous fumes accueillis par le sinistre portrait de Hassan II, nous souriant comme un ami très cher, comme un père, mais nous fumes aussitôt déçus par la foule immense qui était rassemblée là, à croire qu' ils s' y trouvaient depuis la veille: des centaines de personnes ( je dis bien des centaines) étaient rassemblées là dans un désordre indescriptible, amassés dans les couloirs, dans les escaliers, silencieux, résignés, soupirant de temps en temps, perdus devant les portes des bureaux fermés, chacun attendant avec une patience infinie l'ouverture de la porte magique, l' apparition du planton qui leur demandera de s' approcher.
Pendant la longue attente, assis accroupi contre un mur, je conteplais mes pauvres concitoyens abattus par la chaleur, l' odeur de la sueur, la fatalité qui se lisait sur leurs visages apeurés et défaits. De temps en temps circulait quelque employé du consulat en petit costume gris, l' air très important et affairé, qui disparaissait vite dans quelque mur, malgré les supplications de quelques personnes déséspérées qui s' accrochaient à lui pour réclamer de l' aide ou un renseignement. Les plantons sortaient des bureaux et disparaissaient aussi dans les escaliers et couloirs, portant des plateaux de thé pour leurs collègues surchargés de travail.
Je ne sais plus combien de temps nous avions attendu, dans cette inconfortable promiscuité, ne sachant que faire, évitant de parler fort, tellement les gens étaient silencieux, vous dévisageaient, attendant qu' il se passe quelque chose pour meubler leur ennui et leur désarroi. Je me levais de temps en temps, allais faire un tour, regarder les affiches qui ornaient les murs: des réclames touristiques et des affaiches de banques, vous rappelant que le fric est laseulechose qui compte. J' ai pris tout mon temps pour lire de long en large la curieuse liste des prénoms autorisés ou interdits, affichée dès l' entrée au consulat. Pas la peine de demander où se trouvent les toilettes dans cet endroit. Vu la foule amassée là le lieu d' aisance devait être dans un état lamantable, à l' image des services administratifs marocains: un vrai merdier. Ma femme sortait de temps entemps pour aller au café du coin, qui doit faire de bonnes affaires avec la proximité de ce seul petit consulat dans une région où se trouve deux départements, Yvelines et Val d' Oise, où se concentrent la majeure partie des immigrés Marocains à l' Etranger. Rien que le Val Fourré, " le petit Maroc", quartier immense de Mantes la jolie, concentre des centaines de milliers de Marocains! et du Val fourré au consulat marocain de Pontoise il faut compter deux heures de trajet, avec les correspondances.
Ah! oui! Je ne vous ai pas parlé du problème de transport pour y accéder, surtout si vous venez des Yvelines comme moi: si vous n' avez pas de voiture il faut prendre le bus, le train, attendre les correspondances... Imaginez donc la situation pour un vieux retraité ou une maman accablée de sa marmaille. Quand il faut aller au Consulat du Maroc à Pontoise il s' agit de s' y préparer comme pour un pélerinage à la Mecque, s' y prendre longtemps à l' avance, et surtout, surtout, surtout ne pas oublier le moindre petit papier qui vous obligerait à tout recommencer. Avoir de l' argent aussi bien sûr, pour les timbres, photocopies...
Des heures d' attente donc, à vous dégoûter d' être marocain, pas à cause de l' attente et du désordre, non, pour ça nous autres marocains nous sommes habitués, dressés dès notre jeune âge. Non, à cause de l' arrogance, du mépris, du manque d' amabilité des fonctionnaires de ce lieu, on dirait sélectionnés dans quelque commissariat de casablanca et entraînés spécialement à brimer et à terroriser leur concitoyens, à les écraser.
Une véritable torture! qu' à cela ne tienne, il nous faut notre Etat civil marocain pour montrer à tous, surtout aux flics marocains, qu' on est bien des époux légitimes, car à l' époque il était interdit aux couples non mariés de se promener dans les rues et boulevards du Maroc, à Agadir du moins, je me rappelle: les mokhaznis et policiers, les inspecteurs ( " lehnoucha", les serpents ) faisaient la chasse aux libertins et autres gentils amoureux non déclarés. Impossible de sortir donc avec sa copine, surtout si elle est européenne, de boire une limonade avec elle à la terrasse d' un café, si vous n' avez pas le document justifiant que votre copinage c' est du halal.
( A suivre...)