La poésie amazigh dans tous ses états !

idir

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Les cafés littéraires, un autre aspect du festival des musiques sacrées de Fès


Le café littéraire est un autre côté de ce Festival que bien des gens parmi les festivaliers continuent malheureusement d'ignorer. C'est pourtant un outil de grande efficacité, et surtout un moyen de communication d'un impact inestimable puisqu'il sert l'information crue, et donc s'adresse directement à l'esprit.

Aujourd'hui, au siège de l'association Fès-Saiss, dans un hall pas tout à fait aménagé pour accueillir ce genre d'activités, un débat de grande importance et d'envergure notable devait se tenir devant une assistance assez sélecte, vu le nombre des présents, sans doute à cause d'une médiatisation pas tout à fait adéquate. D'ailleurs le programme du Café littéraire lui-même passe des fois incognito sous le grand impact de cette grosse brochure servant les autres activités primées de ce festival, celles relatives aux chants et concerts. Il va sans dire que c'est là tout d'abord une réunion dévouée aux grandes musiques du monde, mais ceci ne devrait pas tout à fait faire éclipser ce volet culturel, qui servira sans doute à faire promouvoir le côté artistique et sacré de ce grand festival. Voici un petit détail sur lequel les organisateurs du Festival devront se pencher de manière plus rationnelle afin que lors de la prochaine édition, la 12e, l'âme, l'esprit autant que le corps pourront y trouver les mets délicats qu'ils recherchent.

Pour cet aprèm, le Café Littéraire, supervisé par le Docteur Rachid Bennani, homme de théâtre et de lettres bien connu ici à Fès, avait convié une pléiade d'experts, fins connaisseurs de la culture Amazigh, pour venir exposer leurs énormes connaissances sur ce sujet, et surtout informer des gens pour qui la littérature Amazigh et surtout sa poésie, plutôt ses poésies restent un domaine qu'ils ne connaissent que superficiellement.

Et donc après un petit briefing fait par Mr. Bannani sur la nature et le contenu de ce débat culturel, il céda la parole au Dr. Ali Amhan, professeur universitaire, qui disserta amplement sur les spécificités propres à la culture Amazigh. Mr. Amhan devait insister sur le fait qu'il pouvait y avoir d'énormes divergences entre des régions berbères mitoyennes alors que des ressemblances frappantes pouvaient être notées avec une autre région se trouvant à des centaines de kilomètres. Le tapis de Taznakht, par exemple, ressemble beaucoup plus au tapis Rbati qu'à celui d'une autre région du haut Atlas.

Dr. Amahan devait par la suite s'interroger sur ce malencontreux dénigrement de l'identité marocaine que d'aucuns nourrissent par des références complètement étranges et étrangères à notre culture. C'est ainsi donc que plusieurs vous parleraient de l'art Andalous qu'on retrouve dans telle ou telle Medersa, mosquée, ou toute autre construction pourtant conçue, et réalisée par des architectes, des Màalems et autres ouvriers marocains. S'agirait-il de musique, ou toute autre forme artistique, les termes oriental et une autre fois Andalous sont repris analogiquement.

Comme si d'un coup on devait se retrouver étranger chez-soi. «La chair de la moquée des Andalous se trouve être la seconde plus ancienne chair de toutes les mosquées du Monde Arabe. Sa conception témoigne de certains emprunts à l'art Amazigh.»
M. Bagui Bouazza, homme de lettres Anglaises, et de recherches relatives à tout ce qui touche à la culture Amazigh, devait prendre la relève pour parler des genres de poésies Amazigh, de ses sources, significations, images et métaphores … Il commença tout d'abord par relever les nombreux caractères qui ont de tous les temps géré cette belle et riche poésie en langue des Imazighen.

Il devait ainsi donc noter que cette forme littéraire démontre d'une présence notoire du volet religieux lié à l'Islam. C'est aussi, et d'abord, une poésie orale et non écrite, ce qui a causé d'énormes dommages à ces recueils à travers les âges, faute d'archivage. La poésie Amazigh est conçue pour être chantée avant tout ; les instruments d'accompagnements sont le Bendir, l'outhar, et le violon. C'est aussi une poésie suggestive, où le symbole remplace le mot brut ; d'où cette énorme richesses métaphorique dont regorgent les poémes Amazigh.

Le poète Amazigh procède par improvisation selon le contexte qui s'impose (les Izlan). D'ailleurs des concours sont tenus à cet égard avec des poètes qui viennent improviser sur place, et en présence d'un jury qui juge de la qualité littéraire et artistique des réalisations. Mr. Bagui devait clôturer en parlant des différents types de poémes, et leurs particularités thématiques. Les Izlan, Tamaouet, Tayfet ont été donnés comme exemples de ces compositions rythmées Amazigh.

M. Aboulkacem El Khatir Afulay (anthropologue) devait à son tour disserter sur l'historique et le rôle de cette culture Amazigh à travers les âges au Maroc. Il insista sur le coté religieux qu'impliquaient depuis les temps lointains les Zaouias dans la région du Souss, comme ce fut le cas par exemple de la Zaouia Derkaouia et son maître Mokhtar Soussi, et le grand rôle qu'elle devait jouer dans la conquête du pouvoir spirituel au sein de cette même organisation. Mr Afulay devait par la suite parler de l'énorme apport que devait contribuer la vulgarisation de la transcription Amazigh vers l'année 1974, et l'impact qu'elle eut, notamment sur la traduction de plusieurs œuvres dans un sens aussi bien que dans autre.

M. Mostapha Qadéry clôturait ce débat on ne peut plus fructueux par un exposé assez exhaustif des écrits – romans entre autres – achevés par de nombreux écrivains en langue Amazigh. Il s'étonna du fait que l'on puisse parler de Littérature Marocaine de Langue Française, ou Espagnole sans que l'on puisse dire de même de cette Littérature Marocaine de Langue Arabe, puisque la langue Marocaine serait Darija, un support linguistique qui n'a rien à avoir avec la langue Arabe (Foussha).

Mr Qadéry allait ensuite parler amplement des nombreuses qualités que devrait avoir un poète d'improvisation, tel celui de la poésie Amazigh, et en déduit que «c'est là une forme d'intelligence extrême, que ne saurait avoir un poète qui prend tout son temps pour calculer, corriger, rectifier, avant de finaliser une petite composition poétique.»
Ce forum littéraire s'acheva par un débat avec des intervenants au sein de la salle, ce qui enrichit cette réunion littéraire à plus d'un égard.

Mohamed Amrani | LE MATIN
 
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