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La filiation orientale

La filiation remonte plus loin encore. Les idées de la Nahda (ou renaissance) qui tire sa substance des enseignements de Ibn Taïmiya ce savant théologien du Houran en Syrie , enseignement repris par Mohamed Ben Abdelwahab et le wahabisme dès la moitié du XVIIIe siècle et dont la mis à jour sera faite par Djamal Eddine Al Afghani, Abdou et Cheikh Reda a atteint, par ondes concentriques de plus en plus larges, les confins de l’Afrique du Nord. Le cheikh Abdou fera d’ailleurs deux voyages en Afrique du Nord au début des années 1900. Mais les flux d’idées et de personnes eurent un caractère permanent entre le Moyen Orient et le Maghreb. Dès 1911, le peuple libyen, se solidarisant avec la Turquie et le calife installé à Istanbul, mènera une lutte de résistance contre l’Italie qui déclare la guerre à la Turquie et se propose d’occuper la Libye. Cette résistance durera plus de vingt et sera l’une des plus longues, des plus sanglantes et des plus sanglantes et des plus héroïques luttes de libération de notre temps. Elle évoque la très belle figure de Omar Ibn Mokhtar. Des échos de cette lutte sans merci parvenait en Algérie où l’on parlait de moudjahidine prisonniers que l’armée italienne assassinait en les larguant de ses avions. L’un des descendants de l’émir Abdelkader luttait d’ailleurs aux côtés des moudjahidine libyens. Et je me souviens que, traversant marocains, lors de la guerre d’Italie, les souvenirs de cette lutte héroïque me revenaient en mémoire.

Presque au même moment, se trouvent à Istanbul, Al Afghani, Abdallah El Nadhim, égyptien transfuge de la révolte d’Orabi et un Tunisien, Ali Bach Hamba qui se propose de préparer une expédition pour libérer le Maghreb. Il joindra ses efforts à ceux de deux autres Tunisiens : Salah Chérif et Ismaïl Sfai, lesquels en 1915 oeuvrent à partir de Berlin pour l’indépendance des pays maghrébins. Un comité sera créé à Genève pour l’indépendance de l’Algérie et de la Tunisie et l’avènement d’une « République Nord-Africaine ».

En 1916, ce comité auquel s’était joint Mohammed, le frère de Ali Hamba, crée la revue « Maghreb ». La déclaration en 14 points du Président Wilson est l’occasion pour cette revue de réclamer un référendum en Algérie et en Tunisie qui, écrit elle, « ont toujours formé un seul et même pays... Ce peuple algéro-tunisien n’a pas renoncé à son indépendance... ».

Le relais est pris dès 1920 avec la création du Destour de Abdelaâziz Thaâbi, au niveau de la référence arabo-islamique avec une veine Salafi très marquée due aux universités de la Zitouna en Tunisie et la Qaraouiyne à Fès avec le grand théologien Faqih Ben el Arabi Alaoui. Allai El Fassi, qui va bientôt jouer un rôle prépondérant dans les événements qui conduiront à l’indépendance du Maroc, est d’ailleurs un ’alem, professeur de la Qaraouiyne. Ben Badis qui, pour sa part, jouera un rôle central dans la renaissance de la langue arabe en Algérie et, plus généralement, dans la réactualisation des valeurs arabo-islamiques symbolisées par la formule « Un pays, l’Algérie ; une religion, l’Islam ; une langue, l’arabe », est lui aussi un ’alem sorti des rangs de la Zitouna. En Égypte, le parti Wafd de Saâd Zaghloul voit le jour en 1919 et mène une action pour l’indépendance du pays. L’écho des hauts faits de la résistance parvient en Afrique du Nord, attentive à ce combat pour la dignité. Biladi, biladi, ce chant de Sayed Derwiche est le cri de ralliement de tout un peuple. Repris en Algérie par les scouts musulmans, toute une jeunesse en fera le chant nationaliste par excellence. Et les mêmes paroles, les mêmes airs dédiés à la liberté et la dignité entendus au Caire, en Syrie, au Liban, en Palestine et ailleurs dans le Moyen-Orient, sont repris chez nous. A travers les distances, une communion s’établit, un même espoir habite les hommes et les femmes.

C’est dans cette même mouvance, signe précurseur de l’éveil d’une conscience en quête d’une manifestation plus affirmée, qu’avaient vu le jour les mouvements des « Jeunes Tunisiens » en 1907, des « Jeunes Algériens » en 1914 et des « Jeunes Marocains » en 1919. Ils seront relayés plus tard par le Mouvement des Étudiants Musulmans Nord-africains qui fera preuve d’une remarquable constance dans la revendication unitaire. Son histoire est indissociable du mouvement national au Maghreb auquel il fournira certains de ses dirigeants les plus lucides et les plus dynamiques. Les résolutions de son congrès de Tlemcen, tenu en 1935, témoigne de cette revendication unitaire. Sa résolution finale réclame la liberté et la préservation du culte musulman, le renforcement de l’enseignement de la langue arabe et l’étude de « l’histoire de l’Afrique du Nord dans les écoles primaires publiques... ». Ces mesures, dit-elle, « ne visent pas à créer une unité factice, non et non. Nous nous employons, par contre, à susciter une unité ancienne que l’histoire a enregistré et dont elle a témoigné ». La finalité est le développement de la « conscience de l’unité nationale de l’Afrique du Nord qui se fonde sur une mentalité unifiée, une religion unique et des sentiments communs ».

Durant cette maturation politique, deux monuments historiques vont jouer un rôle déterminant. Le premier moment se situe en 1930 avec la promulgation du dahir berbère soustrayant les berbères à la juridiction musulmane. Cette promulgation coïncide avec les fastes de la célébration à Alger du centenaire de la prise d’Alger, alors qu’en Tunisie se tient le Congrès Eucharistique de Carthage. Le colonialisme aveugle et triomphant signe ainsi sa triple agression culturelle.

Le Rif (terre de conquête chrétienne) est sillonné par des missionnaires ;

Des enfants habillés en croisés défilent dans les rues de Tunis ;

A Alger, un peuple fier assiste aux fastes d’un événement qui insulte à sa dignité.

Tout le monde musulman se dresse contre l’infamie du dahir. Ce dahir qui, en Algérie, évoque dans les mémoires la vaine tentative de christianisation poursuivie par le cardinal Lavigerie et les pères blancs. La vague de protestations orchestrée par l’Étoile Nord Africaine, le Destour et les milieux nationalistes marocains, entraînera une rectification au dahir en 1934. La triple agression culturelle et la réaction qu’elle provoque dans les trois pays nord africains aboutira à une restructuration du mouvement national. En Tunisie, un fort courant né au sein du Destour aboutira, après le congrès de Ksar Helal en 1934, à la création du Néo-Destour animé par Habib Bourguiba. Au Maroc, l’Action Marocaine voit le jour en 1934 qui groupe Allal El Fassi, Hassan El Ouazzani, Ahmed Balafrej et Omar Abdeljalil. En Algérie, l’Association des Oulémas est créée en 1931 et l’Étoile Nord Africaine, engendrera, avec sa section algérienne, le Parti du Peuple Algérien en 1937, présidé par Messali Hadj.

Le second moment historique est constitué par la deuxième guerre mondiale dont les conséquences détermineront le mouvement de libération nationale.

C’est après la défaite de la France en 1940 par les forces allemandes que les trois pays d’Afrique du Nord prendront le relais dans la poursuite de la guerre aux côtés des alliés. Le rôle des soldats nord africains dans les combats d’Afrique du Nord, d’Italie et de France-soldats nord-africains qui fourniront de nombreux cadres expérimentés dans les luttes de libération futures-provoquera un saut important dans la conscience nationale. En 1943, se constitue au Maroc le Parti de l’Istiqlal présidé par Allal El Fassi. En 1946, le Néo-Destour tunisien se restructure. En Algérie, le mouvement des Amis du Manifeste voit le jour en 1944. L’idée de l’indépendance est alors reprise par toutes les familles politiques, à l’exception du Parti Communiste. Les Amis du Manifeste regroupent les partis sans de Ferhat Abbas, anciens partisans de l’assimilation, l’Association des Oulémas qui jouera un rôle important dans la réactualisation de l’arabo-islamisme bien que ses positions politiques furent timorées, et le Parti du Peuple Algériens qui impulsera l’action des Amis du Manifeste.

Les événements de mai 1945 et les massacres qui firent 45 000 victimes sous la répression sauvage de l’action conjuguée de l’armée française et des colons français, produisirent une fracture définitive. La question du recours à la violence pour réaliser l’objectif ultime de l’indépendance fut, en partie, tranché à ce moment au sein du P.P.A., mouvement national le plus radical et qui sera à l’origine du 1er novembre 1954.

En 1947, le P.P.A. se transforme en Mouvement pour le Triomphe des Libertés démocratiques en même temps que se créée l’Organisation Spéciale, organisme paramilitaire secret. C’est cette Organisation Spéciale, qui fera le geste historique scellant le sort du colonialisme en Algérie le 1er novembre 1954.

Entre temps, certaines dates doivent retenir l’attention. Elles marquent les étapes d’une ascension, d’un déterminisme qui conduira à l’indépendance des trois pays d’Afrique du Nord.

En cette même année 1945 marquée par les massacres du Constantinois en Algérie, la Ligue Arabe voit le jour. 1947 voit la création de l’État d’Israël alors que 1948 enregistre la défaite des armées arabes. C’est un autre défi qui se pose aux Arabes. Il va peser lourd dans l’avenir de la région qui ne connaîtra plus la paix. Les développements de cette confrontation s’étendront de plus en plus, affectant même le Maghreb. Ce que symbolisera le dernier bombardement de la Tunisie par l’aviation libyen détourné par Israël et d’autres développement où les USA seront directement impliqués comme lors de l’affaire de l’avion égyptien détourné sur une base italienne de l’OTAN à la suite du détournement du bateau Achille Lauro.

Cependant 1947 est aussi l’année de la création de l’État Islamique du Pakistan.

Dès 1946 et la création de la Ligue Arabe, des dirigeants nationalistes tunisiens vont commencer à s’établir au Caire, initiant une démarche qu’emprunteront les uns après les autres, tous les dirigeants nationalistes du Maghreb. Habib Thameur, Youssef Rouisi, Rachid Driss seront bientôt suivis pas Bourguiba, Allai El Fassi, Abdelkhalek Torres du Rif et Chadli Mekki du PPA algérien.

L’arrivée au Caire de l’émir Abdelkrim en 1947 va donner une impulsion importante au regroupement des Maghrébins pour la revendication de l’indépendance. Il forme, avec les autres dirigeants nationalistes, un Comité de Libération du Maghreb. La charte adoptée réaffirme l’appartenance du Maghreb à l’Islam et au monde arabe.

La création d’Israël en 1947 et la défaite des armées arabes en 1948 sera douloureusement ressentie dans les consciences des peuples arabes. Deux événements vont jouer un rôle considérable dans la lutte de libération Le premier est l’indépendance de la Libye en 1964, le second est la Révolution de juillet en 1952 en Égypte. L’Africa Corps avait abandonné en Libye un armement important et c’est dans cet immense lot d’armes hétéroclites que l’Organisation Spéciale du P.P.A. (Parti du Peuple Algérien) va, après mille difficultés d’acheminement prélever quelques 300 malheureux mousquetons italiens « Statti ». Ils seront le détonateur du 1er novembre 1954 qui fera voler en éclat l’édifice colonialiste construit en 133 ans. Nasser et la Révolution de juillet 1952 tout d’abord, puis d’autres ensuite, pourvoiront au reste et permettront à la lutte de se poursuivre et de se terminer par une victoire.

Pendant ce temps, l’Afrique du Nord est entrée en ébullition. La dissolution du ministère Chenik, les arrestations massives de dirigeants tunisiens donnent le signal à une agitation populaire qui débouchera sur de violents affrontements puis sur une lutte de libération nationale et finalement sur l’autonomie puis l’indépendance du pays en 1956.

La déposition de Mohammed V va déterminer un processus semblable, débouchant également en 1956 sur l’indépendance.

La crise du mouvement national en Algérie, accentuée par le fait de la lutte de libération au Maroc et en Tunisie, alors que l’Algérie semblait en léthargie, déterminera le déclenchement de la révolution armée du 1er novembre 1954. La lutte sera synchronisée, avec plus ou moins de bonheur, avec celle des peuples frères tunisiens et marocain.

Dans la proclamation, le F.L.N. dans l’article premier de son programme, pose la revendication de l’indépendance nationale par « la restauration de l’État souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ».

Cette lutte impitoyable, épuisante, le peuple algérien la mènera en s’arc-boutant sur ses ancrages arabo-islamiques. Chaque fait, chaque circonstance est interprétée par référence à ce patrimoine. Le soldat pour la liberté s’appelle moudjahid c’est d’ailleurs le nom donné à l’organe de presse officiel de la Révolution algérienne : El Moudjahid qui se perpétue de nos jours encore-le mort pour la patrie s’appelle chadid et les combats s’engagent au cri de Allah Akbar fusant tel un trait de feu lancé à la face de la barbarie et de la tyrannie. L’actualité est ainsi soumise à une lecture coranique permanente. Aussi permanente que la référence à l’émir Abdelkader, à Mokrani, à Bouamama et à Boumaza, parallèlement à l’autre lecture axiale en référence à notre Prophète Mohammed, aux califes Abou Bakr, Omar, Othman, Ali et aux grandes figures du Djihad tels Abdel-Mounem ou Tarik Ibn Ziad.

Des tréfonds de nos âmes, resurgissent intacts les souvenirs, les hauts faits insérés aussitôt dans la trame de la vie de tous les jours, au fond des dechras comme sur les chemins de crête lumineux.

Égrenés comme un chapelet de perles, les noms de l’émir Abdelkader, Mokrani, Boumaza, Bouamama, Bouziane et tant et tant d’autres noms, Lalla Khadidija la Kabyle, l’émir Khaled... engrangés les moissons de nos certitudes à travers l’Étoile Nord Africaine, le Parti du Peuple Algérien, le MTLD, l’Organisation Spéciale, le CRUA et le FLN ; un langage s’est conservé, un message s’est transmis, une invariance s’est perpétuée.

Le rapport de l’Islam avec la Révolution algérienne est là, en contrepoint, irréfragable. Il est dans cette mouvance ininterrompue entre le Maghreb et le Machreq. Il est dans les yeux rivés sur la Kaâba et un tombeau à Médine. Il est-cela doit être souligné-dans l’attitude magnanime du peuple algérien vis-à-vis des Français, au lendemain même de sa victoire. Il est encore, telle une estampille indélébile sur toutes les chartes, toutes les constitutions, tous les textes fondamentaux de l’après indépendance. Et même lorsque nous paraissons nous en éloigner le plus, lorsque par exemple, le développement se confond avec son contraire et que l’agression culturelle, sous couvert de modernité, se fait triomphante, c’est justement à ce moment là que se produit la récurrence. A ce moment là, notre jeunesse dans une vague irrésistible atteignant toute la terre d’Islam, construit et emplit les mosquées. Alors. à nouveau, notre passé, intensément, resurgit et revit en nous, emplissant notre espace et fondant notre imaginaire redevenu créatif et s’élève, fuse dans l’arc en ciel de ce mot magique : Allah Akbar.

Bien sûr, il nous faut réactualiser, raccorder aux nécessités pluridimensionnelles de notre temps ; bien sûr, il nous faut faire preuve d’imagination par un Ijtihad renouvelé et vivant et pour élaborer un projet de civilisation convaincant ; bien sûr, il nous faut développer ce qui a fait les grands moments de l’Islam : la tolérance ; oui, tout cela est vrai et il nous faudra oeuvrer longtemps encore pour trouver des réponses satisfaisantes aux graves questions qui nous interpellent. Mais, au fond de nous-mêmes, quelque chose d’important s’est remis en marche. La récurrence se produit parfois même là où on l’attendait le moins.

En effet, qui peut dire l’influence qu’a pu produire sur Messali le fait qu’il ait appartenu dans sa jeunesse à la confrérie des Derkaouas ? Sur Aït Ahmed, qui lui-même a vécu dans la maison de ses parents, la vie d’une confrérie kabyle ? Ou sur moi-même, le fait que mon père ait été Mokkadem de la confrérie des Mouqahliya (fusiliers) ? Le fait que durant toute ma jeunesse, j’ai vécu dans une atmosphère imprégnée du Dikr de Khalti Mama, la femme de mon oncle qui s’est éteinte il y a quelques années seulement à l’âge de cent quarante ans et qui, faisant partie de la confrérie de Sidi El Habri, se levait chaque jour vers 3 heures du matin pour ses prières et jeûna un jour sur trois tout au long de sa vie. Toute mon enfance a été imprégnée de cette atmosphère, si bien qu’aujourd’hui encore, il me suffit de faire le silence en moi et de prêter l’oreille pour que la douce musique du Dikr de Kahlti Marna s’élève, émouvante, au fond de moi.

Oui, le message de l’Islam doit être un message de tolérance et de paix.

Oui, il nous faut répéter sans désemparer ce cri lancé au général Gérard par l’émir Abdelkader « Qu’on apprenne enfin à connaître ma religion ».

Oui, il nous faut toujours nous inspirer de la valeur et du sens des mots du message de l’Émir au roi des Français :

« Grand roi des Français ! Dieu nous a désignés l ’un et l’autre... Il nous a imposé l’obligation de rendre nos sujets heureux. .. on me dit : signe ou ne signe pas, mais ton refus sera la guerre. Eh bien ! moi, je ne signe pas et je veux la paix rien que la paix . . Si la guerre éclate à nouveau, plus de commerce... plus de sécurité pour tes colons. Je n’ai pas l’orgueil de croire que je pourrai tenir tête ouvertement à tes troupes, mais je les harcèlerai sans cesse. . . J’aurai pour moi la connaissance du pays, la frugalité et le dur tempérament des Arabes... Si au contraire tu veux la paix, nos deux pays n’en feront plus qu’un, le moindre de tes sujets jouira de la sécurité la plus absolue, le commerce deviendra réellement libre, nos deux peuples se mêleront chaque jour davantage... »

Oui, certes il nous faudrait constamment méditer ce message de paix. Mais, est-il incompatible avec cette quête sacrée de rester nous-mêmes, et ceci n’épouse-t-il pas cela pour donner son véritable sens à la paix ? Pardelà le temps, l’espace, les conflits momentanés et, bien que les modes et les emplois doivent être interprétés différemment pour une adéquation véritable, les paroles de notre regretté Moufdi Zakaria, auteur de notre hymne national, prononcées lors du 4e Congrès de l’Association des Étudiants Nord-Africains à Tlemcen en 1935, ne demeurent-elles pas encore vivantes en nous. Et ne sommes-nous pas tous un peu ces étudiants de 1935 quand il dit :

« J’ai foi en Allah comme divinité, dans l’Islam comme religion, dans le Coran comme Imam, dans la Kaâba comme mausolée, dans notre Seigneur Mohammed - bénédiction et salut d’Allah sur lui- comme Prophète et dans l’Afrique du Nord comme patrie une et indivisible. »Je jure sur l’Unicité de Dieu que j’ai foi dans l’unicité de l’Afrique du Nord pour laquelle j’agirai tant qu’il y aura en moi un coeur qui bat, un sang qui coule et un souffle chevillé au corps. « L’Islam est notre religion, l’Afrique du Nord notre patrie et l’arabe notre langue. »Je ne suis ni musulman, ni croyant, ni Arabe si je ne sacrifie pas mon être, mes biens et mon sang pour libérer ma chère patrie (l’Afrique du Nord) des chaînes de l’esclavage et la sortir des ténèbres de l’ignorance et de la misère vers la lumière du savoir, de la prospérité et d’une vie heureuse.

« Tout musulman en Afrique du Nord, croyant en l’unicité de celle-ci, croyant en Dieu et en son Prophète est mon frère et partage mon âme. Je ne fais aucune distinction entre un Tunisien, un Algérien, un Marocain ; ni entre un Malékite, un Hanéfite, un Chaféite, un Ibadite et un Hanbalite : ni entre un Arabe et un Kabyle, un citadin et un villageois, un sédentaire et un nomade. Tous sont mes frères, je les respecte et les défend tant qu’ils oeuvrent pour la cause de Dieu et de la patrie. Si je contreviens à ce principe, je me considérerai comme le plus grand traître à sa religion et à sa patrie. »Je considère quiconque agit pour la division entre les différentes composantes de ma patrie (l’Afrique du Nord) comme le plus grand ennemi de ma patrie et le mien propre. Je le combattrai par tous les moyens, même s’il s’agit du père qui m’a engendré ou de mon frère de père et de mère.

« Ma patrie est l’Afrique du Nord, patrie glorieuse qui a une identité sacrée, une histoire somptueuse, une langue généreuse, une noble nationalité, arabe. Je considère comme exclus de l’unité de ma patrie et exclu de la communauté des musulmans quiconque serait tenté de renier cette nationalité et de rejeter cette identité. Il n’aura qu’à rejoindre la nationalité des autres, en apatride qu’on recueille. Il encourra la colère de Dieu et celle du peuple. »La distinction s’est opérée entre la lucidité et l’erreur. Ni politique d’assimilation, ni politique de défi . Nous revendiquons un droit usurpé et un patrimoine confisqué. Qu’il nous suffise de les recouvrer. Il ne peut y avoir d’autre alternative : être patriote ou un traître impie.

« Nous ne haïssons pas les races. Tous les hommes sont créatures de Dieu. Nous respectons les étrangers établis chez nous, tant qu’ils nous respectent. Nous ne leur ferons aucun mal s’ils ne portent pas atteinte à nos libertés, à notre dignité et aux richesses de notre pays. S’ils respectent les droits des peuples de céans, nous respecterons leurs droits d’invités. Ils ont les mêmes droits que nous, mais leur incombent aussi les mêmes devoirs. C’est ce qu’ordonne notre sainte religion et nos consciences pures. »Notre patrie est l ’Afrique du Nord, patrie indissociable de l ’Orient arabe dont nous partageons les joies et les peines, les ardeurs et la quiétude. Nous unissent à lui, pour l’éternité, les liens de la langue, de l’arabisme et de l’Islam".

Mais tout le monde aura compris que pour Moufdi Zakaria et ces étudiants musulmans nord-africains de 1935, comme pour nous-mêmes et ceux qui viendront après nous, qu’il n’y a eu, qu’il n’y a et qu’il n’y aura pour l’éternité qu’une seule et véritable patrie : l’Islam.

BEN BELLA Ahmed
*Ce texte est une communication de l’ancien président algérien présentée lors de la conférence du Conseil Islamique tenue à Genève les 10 et 11 mars 1985.
 
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