la femme tamazighte

achelhey

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La femme Amazighe doublement piégée

L'origine reconnue de la journée internationale des femmes est une manifestation officielle appelée Woman's Day ,organisée en 1909 à New york,en faveur du droit de vote. Cette journée est devenue officiellement" journée internationale des femmes"en Août 1910 à Copenhague. Plusieurs décennies après,la vision ,le discours,et les activités féministes ont évolué avec les femmes de toutes les sociétés;mais l'objectif est demeuré le même : l'obtention par les femmes de leurs droits légitimes. Pour la Femme Amazighe ,cette journée est bien sûr une occasion pour faire entendre sa voix au côté de ses soeurs de toutes les races et de toutes les cultures...Mais c'est aussi un moment douloureux qui nous permet de faire le point et de nous apercevoir que la condition de la femme au Maroc n'a pas subi beaucoup de changement.Elle continue à être victime d'injustices et de violences de la part d'une société qui est particulièrement sexiste ,où les hommes sont considérés comme supérieurs aux femmes .La Moudawana est là pour consacrer l'inégalité de l'homme et de la femme ;paradoxalement , le Maroc ratifie en 1993 la convention contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes .Mais cette discrimination juridique n'est que l'aspect visible de cet Apartheid masculin . Si on fait l'état des lieux aujourd'hui ,on s'aperçoit que la femme marocaine n'est ni respectée ni considérée comme un être humain à part entière .Elle se fait agresser tous les jours :verbalement , physiquement ,symboliquement,psychiquement ,juridiquement............ La femme Amazighe qui dans nos anciennes coutumes était respectée comme femme et épouse,se retrouve aujourd'hui reléguée à un stade de "Mineure à vie ", religion musulmane comme alibi...... Au nom d'Allah, elle est devenue l'inférieure de l'homme, une sorte de demi-être humain. Dans la tradition Amazighe, les femmes ont toujours inspiré le plus grand respect de la part de leurs collectivités. Elles participaient aux décisions touchant la famille ,les droits du patrimoine, et l'éducation. C'est à elles qu'est toujours revenu le droit de préserver les traditions culturelles de leurs peuples. Le travail des hommes et des femmes était nettement distinct, mais toujours reconnu d'égale valeur . Dans l'histoire ancienne , les femmes Amazighes ont occupé une place importante et ont été quelquefois à la tête de royaumes. Ce qui fait la particularité de la femme Amazighe aujourd'hui,c'est qu'elle est doublement agressée: agressée dans sa féminité et agressée dans son amazighité. Non seulement elle est femme, inférieur de l'homme mais amazighe, de culture "inférieure". La culture Amazighe étant considérée de fait par les Panarabistes au pouvoir comme une culture primitive, la difficulté pour la femme amazighe est double. Non seulement il lui faudra lutter pour conquérir ses droits légitimes et matrimoniaux mais il lui faudra aussi en tant que principale gardienne et trésorière de la Culture Amazighe lutter contre la culture dominante arabo-musulmane que le pouvoir encourage (Arabisation à outrance, organisation d'une manifestation islamiste anti-féministe en avril 2000).

Dans le mouvement Amazigh, les femmes amazighes ne sont pas encore suffisamment représentées ,comme dans toute vie associative ou politique au Maroc. Les associations amazighes sont essentiellement masculines, et les quelques femmes qui y militent doivent souvent être très motivées et tenaces pour s'imposer dans un milieu où nos frères Amazighs ont parfois des attitudes phallocrates et machistes (éducation musulmane oblige!). Militer pour une femme Amazighe au Maroc n'est pas encore une chose acquise ni évidente ,et pourtant le milieu petit-bourgeois d'où est issu le mouvement amazigh, reste un milieu privilégié. Qu'en est-il de nos soeurs Amazighes du milieu rural ou citadin???? Nombre d'entre elles ne connaissent pas le peu de droits qu'elles ont et se retrouvent souvent impuissantes face à toutes sortes d'agressions masculines.Avec leurs enfants ,elles sont les premières victimes de maladies infectueuses, leur santé dans ces zones est particulièrement menacée. L'analphabétisme et l'ignorance sont le lot de la grande majorité d'entre elles, ce qui défavorise leur intégration dans la société. Lorsqu'enfin on les scolarise;elles se retrouvent face à deux langues étrangères (L'arabe et le français)... ce qui entraine la dévalorisation de leur langue et culture et cause souvent la perte des valeurs autochtones face à des valeurs importées. Face à cette situation de double dominance(masculine et culturelle) ; comment faire pour conquérir sa liberté sans pour cela rompre avec sa culture d'origine???? Il s'agit d'engager un combat à la fois contre une domination masculine qui relègue les femmes à un rang inférieur mais aussi de mener un combat contre la domination culturelle arabo-islamique soutenue par le pouvoir en place. Pour nous, associations amazighes, la question féminine est au centre de nos préoccupations. La femme est le pilier de la famille et de la société. Il faut agir pour sa meilleure intégration dans le système moderne de developpement économique, culturel et social, tout en sauvegardant nos cultures et nos coutumes amazighes. Mais pour y arriver, il nous faut tout d'abord sensibiliser et informer la femme sur ses droits et ses devoirs. C'est une tâche difficile! Difficile parce quil faut beaucoup d'énergie et de ténacité pour que la femme amazighe soit reconnue comme citoyenne à part entière, y compris face à nos propres hommes; une citoyenne qui peut participer et influer sur les décisions qui concernent le groupe. L'homme Amazigh doit prendre conscience d'une chose importante: tant que la femme Amazighe esr marginalisée, la communauté Amazighe dans son ensemble sera marginalisée et en danger. Nombreux sont nos militants Amazighs qui tiennent des discours avant-gardistes, mais qui dans leur comportement quotidien reproduisent des attitudes de discrimination à l'égard du sexe féminin. L'homme Amazigh doit réapprendre à respecter la femme et à la considérer comme son égal ; de ce fait il doit avant tout se débarrasser des préjugés et des comportements phallocrates, indignes de notre peuple Amazigh. Le respect mutuel est une condition primordiale et sine qua non ,si nous aspirons à la construction d'une société Amazighe, constituée de femmes et d'hommes libres Amazighs et dotée de valeurs démocratiques issues de notre grande civilisation millénaire. C'est alors que nous pourrons - réellement - reprendre notre destin en main et imposer la reconnaissance de la langue Amazighe comme langue officielle et d'enseignement, la scolarisation des nos enfants dans leur propre langue, la valorisation de notre patrimoine culturel ; et exiger sans délai l'égalité de femme et de l'homme en matière de droits civiques, et son intégration dans le développement socio-économique de notre pays. Tudert i Tmettot tamazight !!! Tudert i Tmazight !!!

Marrakech le 20 Mars 2001

Demnati Meryam, Membre du comité du Manifeste Amazigh
 
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