L’amazighité : Un choix pédagogique, une option démocr

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C’est la grande nouveauté de cette nouvelle rentrée scolaire, plutôt morose par ailleurs. L’introduction de l’enseignement de la langue amazighe au sein de l’école publique marocaine a constitué en effet la principale attraction des programmes proposés aux apprenants. Les premiers échos qui parviennent de cette phase d’expérimentation sont amplement positifs. D’autant plus que c’est une opération basée sur une des conditions essentielles de la réussite de l’acte d’enseignement apprentissage, à savoir la motivation. Les principaux protagonistes retrouvent enfin une part d’eux-mêmes dans une école longtemps étrangère à son environnement immédiat. Des blocages de nature idéologique et politique ont fait résistance à la réalisation de cette revendication qui réconcilie le système éducatif et ce qui constitue l’un des référents culturels des apprenants. On peut même dire que c’est la première fois dans l’histoire de l’école marocaine moderne qu’une langue maternelle y a droit de cité. Quand le petit Bidaoui, membre d’une classe pilote, récite devant la caméra de 2M les chiffres «yan, sin, krad…», il utilise exactement le même idiome que sa grand-mère ; il a recours pour la première fois à ce qui est véritablement «la langue
des ancêtres ».
Cela malheureusement a pris beaucoup de temps ; cet oubli relève du retard historique caractéristique des politiques mises en place au lendemain de l’indépendance. On a cherché à diluer un refus idéologique dans des considérations tantôt nationalistes, (l’unité du pays) tantôt techniques (l’absence d’une tradition scolaire amazighe et en particulier l’alphabet). Sur les deux fronts, on a tout simplement péché par intégrisme nationaliste. Jamais la langue seule n’a été un fondement de l’unité politique d’une nation. Bien au contraire, des résolutions de l’UNESCO ont très tôt invité les jeunes nations indépendantes à intégrer dans leur politique de développement la dimension culturelle notamment la diversité linguistique. C’est un des facteurs de démocratisation de la société et de l’Etat. Plusieurs pays africains se trouvent aujourd’hui en situation de déliquescence alors même qu’ils se fondent sur l’unité linguistique. La Somalie par exemple n’existe plus. La région des Grands Lacs est meurtrie par une guerre civile sur la base de la même appartenance culturelle. L’Espagne franquiste a décrété dès la victoire des fascistes un mot d’ordre totalitaire «Une seule patrie, une seule langue». Le premier geste inscrit dans la constitution de la démocratie retrouvée à la fin des années 70 est de reconnaître le pluralisme linguistique du pays. Ce fut l’un des carburants du formidable essor qu’a connu l’Espagne, lui permettant de rejoindre rapidement le rang des pays démocratiques avancés.
Avant d’être un choix strictement pédagogique, l’introduction de la langue amazighe au sein de l’école est l’expression d’une option démocratique. C’est même le principal acquis démocratique de ces dernières années. Il corrige un déphasage historique et apporte une cohésion dans le rapport de l’école et son environnement. Il reconnaît surtout la réalité du fonctionnement linguistique au sein de la société caractérisé par le pluralisme.
Mohammed BAKRIM

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