Jean Lacouture. "Hassan II ? Aussi fascinant que terrifiant"

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Jean Lacouture. "Hassan II ? Aussi fascinant que terrifiant"

(DR)
Dans son dernier livre, le biographe et journaliste français Jean Lacouture passe en revue plusieurs personnalités qu’il a côtoyées. Les bâtisseurs du Maroc indépendant y tiennent une place de choix.


L’image que vous donnez de Mohammed V est celle d’un roi bienveillant et protecteur. Qu’est-ce qui vous fascinait le plus chez lui ?
Il ne me fascinait pas. Je trouvais qu’il avait été traité injustement par la France, surtout depuis le coup de force d’août
1953. De fait, il avait ma sympathie. Il respirait une vive intelligence. J’ai gardé un très bon souvenir de notre seule rencontre en juin 1957. Ce qui m’a frappé c’est que j’étais face à un roi étranger qui régnait sur un pays libre. Il pouvait très bien se lever et arrêter brusquement un entretien qui lui déplaisait et prendre congé de son interlocuteur. C’était le chef de la nation.

Mohammed V vous semblait-il alors conscient de tous les enjeux de l’époque ?
Il avait pris conscience de son rôle de " Malik " victorieux bien avant sa déposition et son exil à Antsirabé par le puissant Parti Colonial français, qui voulait sa perte. Le futur Roi se voyait comme un homme indépendant, avant même le discours de Tanger. Alors que le général Guillaume, lui, ne savait pas que la décolonisation avait déjà commencé… Mohammed V a tout fait pour la fin de la tutelle française et le dégagement de la souveraineté marocaine. Concernant le jeu politique intérieur des premières années de l’indépendance, Mohammed V a longtemps cru qu’il pouvait faire équipe avec l’Istiqlal. Il considérait le Hizb, comme son parti et son allié. On l’appelait d’ailleurs le Roi de l’Istiqlal. Il n’y a d’ailleurs pas eu, sous son règne, de réelle dissidence. Le roi Mohammed V réprouvait jusqu’à l’idée de heurts.

Comment a-t-on jugé en 1961, à Paris, l’arrivée au pouvoir de son fils, Hassan II ?
Au début de 1961, on sentait Moulay Hassan comme électrisé par l’action, et impatient d’opérer à la fois une nouvelle reprise en main du pouvoir, face à la gauche, et un changement de cap diplomatique, d’est en ouest. La France entretenait de bonnes relations avec le prince Moulay Hassan. La IVe République, De Gaulle et Paris avaient bien accueilli Hassan II. Seule une partie de l’opposition, la gauche démocrate dont je faisais partie, s’inquiétait de son arrivée au pouvoir. Disons que s’il existait un parti français à Rabat, il en aurait été le chef. En fait, d’un côté, les relations marocaines avec Washington étaient nuancées, de l’autre celles avec Paris étaient au beau fixe. Pour les sphères dirigeantes françaises, Hassan II était un ami sûr. Tant qu’il serait au pouvoir, nous n’aurions rien à craindre.

En tant que journaliste étranger, que retenez vous du règne de Hassan II ?
Je l’ai rencontré une douzaine de fois, surtout entre 1958 et 1965. Ce n’était pas le même homme que son père ! Hassan II avait une remarquable intelligence, une vivacité intellectuelle incomparable et était doté d’un tempérament dominateur très fort. L’exercice du " droit divin ", par lui, n’était pas susceptible de connaître la moindre entrave. Et beaucoup l’ont payé très cher… J’ai subi moi-même à diverses reprises ses foudres, notamment lors de l’affaire Ben Barka où mes articles l’avaient fâché. Il a alors exigé de l’ambassadeur français de me convoquer et de me signifier de quitter le pays illico. Dès lors, nos relations ont été rompues. Il était fascinant par ses qualités intellectuelles mais terrifiant par sa conception cynique du pouvoir. Pour autant, je mets à son crédit trois accomplissements qui sont ceux d’un chef d’état. D’abord, la consolidation de l’état marocain. Il a été le bâtisseur de l’armée et de la police, tout comme l’ont été les rois des anciennes monarchies anglaise, française et espagnole. Ensuite, la Marche verte de 1975, qui allait permettre l’agrandissement du pays, sans effusion de sang. Enfin, l’ouverture du dialogue avec Israël qui a été un acte très courageux et est devenu un fait historique. Et Hassan II a été le premier à le reconnaître. Le risque eut été pour lui d’être désavoué par une partie de la population. Il ne dénigrait pas la classe politique marocaine. Il divisait pour mieux régner en montant les dirigeants les uns contre les autres. Il voulait être l’arbitre suprême. Il avait de la considération pour certains de ses adversaires comme Bouabid et Ben Barka tout en se méfiant parfois d’eux.

Votre rencontre avec Mehdi Ben Barka en 1957 vous a-t-elle laissé l’image d’un homme tenu par l’Istiqlal, d’un côté, et les syndicalistes de l’autre ?
Ben Barka était doué d’une extraordinaire agilité intellectuelle et d’une étonnante capacité d’analyse. Il avait une volonté implacable quand il s’agissait de l’intérêt du Maroc. On peut critiquer ses choix face à l’affaire saharienne, sa vision politique hégémonique, ses différends avec ses amis politiques syndicalistes et Istiqlaliens. Beaucoup de dirigeants de partis se méfiaient de lui, le trouvant trop intelligent et trop rusé. Lui, vivait pour le Maroc. Dans la dernière période de sa vie, il s’était investi dans l’organisation des divers mouvements révolutionnaires du tiers-monde, à travers la Tricontinentale. Il voulait trouver un rôle à son pays entre l’Amérique Latine, la Chine, Cuba et l’Inde. J’en conserve l’image d’un patriote marocain et militant tiers-mondiste.

Vous semblez plus proche de son ami Bouabid au sujet duquel vous écrivez qu’il "eut été le stratège idéal de l’ouverture à gauche". En quoi l’aurait-il été ?
Il était plus l’homme de la cohabitation que Mehdi Ben Barka. De par sa gentillesse naturelle, il était parvenu à établir une certaine coopération avec le Roi. C’était l’homme des bons offices, qui avait été envoyé pour rencontrer Mohammed V à Antsirabé puis qui a représenté les nationalistes à Aix-les-Bains. Il est ensuite devenu ministre des Finances sous Hassan II. C’est probablement celui qui a le moins subi l’usure du pouvoir et qui a gardé intacte sa popularité auprès des masses. Abderrahim Bouabid était le seul Marocain capable de dialoguer avec le souverain, de prononcer ce " oui, mais… " qui était l’unique forme d’opposition concevable.

Quelle image gardez-vous de votre rencontre avec Allal El Fassi.
Je l’ai rencontré au Caire, chez un libraire trotskyste, dans les années 50. Il me faisait penser à un personnage de la monarchie française ou de la Fronde. C’était un aristocrate, un homme de droite, d’une grande élégance morale. Humainement, j’appréciais l’homme, mais j’étais en désaccord avec ses concepts et ses idées. C’était un homme aux multiples facettes et ses revirements étaient nombreux. Il voulait conserver son indépendance de jugement et apparaître au-dessus des intérêts et des compromis, être la "conscience" du parti. Il avait un ascendant sur l’Armée de Libération, son talent d’orateur, ses écrits et ses amitiés syriennes et irakiennes lui ont toujours valu d’être une autorité morale dans le Parti.





Le biographe des grands

Grand journaliste, Jean Lacouture a toujours été attiré par le mystère qui animait les démiurges, fussent-ils des monstres (Staline, Mao, Hitler, etc.). Dans son dernier livre, Une vie de rencontres*, ce biographe inclassable retrace son parcours d’homme et évoque ses rencontres avec les plus grands de ce monde, de Sadate à Nasser en passant par Mitterrand et Kennedy. Il revient aussi sur ses années passées au Maroc quand il exerçait de1947 à 1949 dans l’administration officielle, comme membre du service d’Information de la Résidence générale de Rabat. "J’ai fait des émissions à Radio Maroc et écrit pour Le Journal de Tanger. J’y ai plus découvert le Maroc que les Marocains" explique-t-il. Ce n’est qu’à Paris ensuite, qu’il a connu les Marocains et les nationalistes Ben Barka et Bouabid, une fois passés dans l’opposition. Ensuite, il est revenu au Maroc quasiment chaque année jusqu’en 1965, puis plus rarement, en tant que journaliste à Combat puis ensuite au Monde.






Hassan II : Un cas de libido dominandi

Hassan II était un homme de pouvoir, doté de la houkouma, la poigne informée, quand son père était un virtuose de la siassa (…) Il avait pour lui une élocution d’une exceptionnelle élégance. Jovial ou cassant, disert, concis, imaginatif, d’un cynisme spontané, il irradiait de libido dominandi (…) Mais il n’y avait ni pal ni étrivière dont il ne savait user pour corriger les quelques récalcitrants, étudiants notamment. "Je leur ferai porter des brodequins trop petits et ils verront alors ce que c’est que de marcher !", glissait-il.






Mohammed V : le trône retrouvé

En cette fin de juin 1957, Mohammed V revient du Tafilalet, dans le Sud : "Tous les maux du Maroc y sont concentrés avec le maximum d’intensité : misère, ignorance et maladie…" Il dit son projet de consacrer désormais aux provinces du royaume des visites partiellement officielles, mais plus longuement officieuses, qui lui permettront de "photographier" le Maroc.






Mehdi Ben Barka : la dynamo

J’ai rencontré pour la première fois celui que mon ami Aherdane, appelait "Chitane" à Paris vers 1952, au temps où on murmurait que si le Maroc pouvait enfanter un Lénine, ce serait ce petit prof… C’était un homme d’une grande vitalité. Dormait-il seulement ? Du temps perdu. Il courait son chemin, vers quel Maroc, quel Maghreb, quel Tiers-Monde, quelle révolution ? Dans ce royaume tenu d’une main de fer, y avait-il place pour un autre ? Il lui arrivait devant moi d’envisager une forme de coopération avec l’autocrate. D’autres monarchies avaient su transiger, dialoguer.






Abderrahim Bouabid : le visage de la liberté

Il savait par un battement de cils, vous faire comprendre que la remise en question de la monarchie n’était pas à l’ordre du jour, qu’un Marocain digne de ce nom ne pouvait tolérer la présence de bases militaires françaises. Il pouvait aussi se démarquer du cynisme "à la Bismark" de son camarade Ben Barka. Et il ne se gênait pas non plus pour critiquer telle ou telle gesticulation de Gamal Ab
 
Oui, bon, mais qu'est- ce qu'on en a faire de ces figures de l'Histoire arabo- baathiste du Maroc? Qui d'entre eux s'est préoccupé de l'amazighité du Maroc? Du dévellopement durable du pays? Hormis peut- être Mohamed V tous les autres sont des ennemis des Imazighens, des éradicateurs de l'identité réelle du MAROC, à commencer par Ben berka, allal el fassi; quant à H2, n'en parlons pas.
 
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