Voici un article sur l’histoire du phénomène Harki. Les quelques accusations non fondées sur quelques sites marocaines envers le Souss – et ce n’est pas la première fois que je rencontre de pareilles accusations - m’ont poussé à chercher dans l’histoire le terme Harki. Je partage cet article avec les intéressés. Après tout, il est absolument stupide de ma part en tant que natif du Souss - au lieu de m’occuper de choses utiles - de me voir obligé à repousser des accusations d’un ignorant, à me sentir responsable des actes humains qui auraient eu soit disant lieu dans un passé lointain qui m’échappent complètement, à passer mon temps à répondre à des délires - même s’ils provoquent parfois des questions d’histoire peu connues. De même, il est tout à fait acceptable que les délires de cet ignorant ne soient ni seront les derniers en direction de toute une région et de toute une population aussi bien au Maroc qu’à la diaspora. Et il faut être conscient du fait que nous étions et sommes encore peu populaires chez certains en dehors de notre région, très probablement par manque de bon sens mais surtout par manque d’une conscience nationale qui dépasse l’état assez primitif du régionalisme chez les autres. En revanche je ne peux accepter des bémols de n’importe qui, quelles que soit leur authenticité présupposés! Il faut être conscient du fait que les préjugés anti-Chleuhs – parfois très anciens comme vous pouvez en lire dans la poésie d’Abderahmane Majdoub au 16ème siècle - sont largement admis et supportés par une frange de la population. Ironiquement, là où les autres ont du mal à s’adapter à la complexité d’une vie moderne, à résoudre leurs problèmes socio-économiques, à subvenir à leurs besoins en matière d’éducation et de l’embauche; l’essor du Souss - en voie de développement - et de ses populations dynamiques et créatives, qu’ils soient au pays ou à l’étranger, n’échappe pas aux autres. L’immigration des marocains nordiques en Europe de l’Ouest par exemple est un échec douloureux. Il y’a là un problème socio-ethique à anticiper. Il faut absolument réviser nos positions, adapter nos stratégies à des milieux parfois hostiles pour éviter les conflits, résultas de contacts intensifs et d’heurts de mentalités différentes avec les autres aussi bien au pays qu’en terre d’immigration. Il faut se redéfinir vis-à-vis des autres sans pourtant perdre son honneur et son sens de patriotisme. Il y’a là pour chacun une tâche à accomplir. Vos commentaires ou suggestions sont les bienvenues !
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Qui sont les Harkis?
Il est légitime de se demander quel peut bien être le point commun entre les Harkis et les Berbères tant ces deux termes ont des sens différents. Le premier regroupant une population qui se distingue par sou statut militaire d'abord puis par sou histoire, le second désignant différents groupes liés par une langue. Cependant, nombre de points sans communs à l'histoire de ces deux populations, qui parfois ne font qu'une.
Des définitions en kaléidoscope
Il s'agit avant tout de définir le terme exact de Harki Nous reprendrons la définition de Mohand Hamoumou :
Il s'agit de I'ensemble des personnes de souche arabe ou berbère qui out eu un comportement profrançais durant la guerre d' AIgérie, en raison duquel elles out dû quitter le pays lors de sou accession à I'indépendance en optant pour la citoyenneté française. (Mohammed Hamoumou, 1987).
Nous devons rappeler quelques éléments de définition à propos de ce jargon tout en nuances. Le terme générique de "Harkis" désigne une population qui comprend une grande diversité de cas: harkis supplétifs de l'armée, moghaznis ou mokhaznis employés par les Sections Administratives Spécialisées, Groupes Mobiles de Sécurité qui sont une police supplétive rurale et mobile, Groupes d'Auto-Défense non soldés, appelés et militaires de carrière et du contingent musulmans, notables et fonctionnaires civils; quasiment tous ces hommes out femme et enfants qui soul aussi appelés Harkis. Le colonel Méliani (1993), a eu l'idée de distinguer le terme générique par un "H" initiale majuscule des supplétifs de l'armée qui n'en sont qu'une partie (avec un "h" minuscule).
Tous les Harkis ne sont pas berbérophones même si ceux-ci représentent un
pourcentage largement supérieur à celui qu'ils occupent dans l'ensemble de la
population algérienne. En effet, il y a beaucoup de Harkis qui sont arabophones, et, bien entendu, tous les Berbères ne sont pas Harkis, déjà il faut se limiter aux Berbères algériens par définition et encore à ceux des domaines Nord. Ici nous nous limiterons seulement à nous interroger sur les effets de la berbérité, au sens d'appartenance à une unité socio-culturelle berbère, sur l'histoire des Harkis berbérophones.
À l'origine des Harkis berbérophones
Un élément joue dès le départ un rôle en ce qui concerne cette relation Berbères Harkis. Il s'agit du fait paradoxal que des régions - des massifs montagneux généralement - peuplées de berbérophones aient été parmi les théâtres majeurs de cette guerre, bien qu'il ne taille pas généraliser, l' Algérois arabophone en est un aussi. La rébellion a pris sou essor dans ces régions, souvent isolée (Aurès), sur peuplée (Kabylie) et dont les populations sont souvent en difficulté économique, sans parler des conditions de vie délicates dû au climat. Et enfin, ces régions et leurs populations out eu une "histoire d'insoumission" qui marque leur identité ("conscience kabyle" liée à un développement de l'enseignement), que l'on retrouve dans leur culture à travers le souvenir de personnages mi-historiques, mi-légendaires Gugurtha, Koceila, Kahéna.. .). D'ailleurs l'administration coloniale se heurtera souvent aux révoltes (1849, 1858-1859, 1879, 1916-1920 dans l'Aurès); ce à quoi il faut ajouter la présence de bandits d'honneur (Messaoud Azelmad de 1917 à 1921, Belkacem Grine en Aurès; Arezki Ben Bachir de 1890 à 1895, Oumeri en 1945 en Grande Kabylie). Il est donc logique que ces régions, dont montagnes et forêts souvent impénétrables convenaient parfaitement aux maquis, aient été un terrain de prédilection pour la révolte. Ce fut le cas dans I' Aurès par exemple où le chef historique de la Wilaya 1, Mostéfa Ben Boulaïd*, après avoir participé à la création du FLN et à la mise sur pied de I'insurrection, organisa la "Toussaint rouge" dans sa région.
Le paradoxe apparaît clairement donc, comment des régions si propices à la
rébellion out pu être parmi les premières et les plus enclines à fournir des Harkis?
Dans le cas de I' Aurès, voici comment se sont déroulés les faits. Dès le lendemain de l'insurrection, out été recrutés les premiers supplétifs. Jean Servier, un ethnologue qui préparait sa thèse dans les Aurès, va avoir un rôle déterminant dans la ville d' Arris encerclée, il raconte :
"Il reste cinquante fusils, me dit l'administrateur. Mes instructions, en cas d'attaque, prévoient que nous devons armer les hommes valides. Le premier qui vint à nous fut l' Agha Merchi des Touabas, maïs sou geste avait une autre portée, car sou autorité s'étendait à plusieurs villages, et les hommes de sou clan vinrent le rejoindre. [...] Dans le crépuscule qui s'établissait en mauve et pourpre sur les montagnes, l' Agha Merchi, le capitaine Lakhal et moi assistions à un extraordinaire défilé de visages trous hérissés de barbes noires, de profils d'aigles rehaussés de moustache, de burnous en haillons et de djellabas déteintes sur lesquelles se détachait le ruban délavé d'une médaille militaire ou d'une croix de guerre effilochée, alourdie d'étoiles. Chaque homme se présente, reconnu par sou chef de tribu. À chacun, je donne un fusil et trente cartouches. À la
fin de la distribution, les cinquante fusils sont partis; d'autres hommes attendent encore, les mains vides et devant nous, dans un alignement impeccable se dresse la troupe qui pendant des mois devait donner la chasse aux rebelles et prendre le nom de "Harka de l'Aurés". G. Servier, 1955).
Dans les semaines qui suivent, les effectifs se gonflent. M.B., actuellement retraité à Louvrois (Nord), en a fait partie:
Moi, j'étais berger et je surveillais man troupeau quand un gays déjà engagé, vient me trouver et me dire que l'Agha Merchi me donne rendez-vous le lendemain à Arris. En fait, le caïd nous avait appelés car il avait confiance en nous. De route façon, si je ne m'étais pas engagé, j'aurai été inquiété car j'étais de la fraction de tribu de l'Agha. Pourtant dans la tribu des Touabas dont j'étais i1 y avait des maquisards - et pas des moindres : le chef Ben Boulaïd en était. A Arris, il y avait un rassemblement de 200 gays (dont de nombreux sont ici à Louvrois maintenant).
En effet, l'administration coloniale française - et c'est là un particularisme berbère qui influe sur l'origine des Harkis de l'Aurès, les premiers - a joué sur la rivalité traditionnelle qui oppose les deux grandes tribus des deux vallées de l' Aurès :
les Aït Daoud ou Touaba, de l'agha Sebti Merchi, qui out choisi un camp, sont devenus en majorité Harkis; les Ah Abdi out plutôt majoritairement rejoint les rangs de la rébellion bleu que dirigée par un Touaba, Mostéfa Ben Boulaïd. D'autre part, il est logique de trouver nombre de Harkis dans ces régions car l'origine de leur engagement est liée aux conséquences de la guerre sur les civils. Il y a donc une géographie de l'engagement Harki correspondant à celle de la guerre intensive et bleu souvent aux régions berbérophones.
La nature même de la guérilla menée par le FLN., et la riposte de l'armée française, a fait des civils un objectif dont il est prioritaire de s'attacher la collaboration; organisation politique clandestine d'un coté, section administrative spécialisées de l'autre. Les excès, compromissions out été inévitables et ils out, ainsi que les destructions, heurté le sens de l'honneur développé chez les populations berbères. Ainsi le chaoui Messaoud M. témoigne:
"Nous avons sous-estimé le FLN. Pour nous c'était normal que l'Algérie soit française. Il faut dire que la propagande nous a bernés: on nous disait qu'il fallait chasser les bandits. Mais c'était vrai aussi qu'ils se comportaient en bandits; on était pas contre l'Algérie mais contre les bandits qui égorgeaient les musulmans qui travaillaient dans l'administration (parfois de notre famille) comme des moutons. C'était vraiment injuste."
Ce sens de l'honneur si fort chez les Berbères - bleu qu'il ne soit pas leur apanage exclusif - fait aussi que la fidélité des anciens combattants à l'armée ou l'attachement affectif à un officier particulièrement admiré sont également des facteurs non négligeables.
De même dans ces régions, les déplacements de population qui retirent une certaine sécurité liée à l'enracinement traditionnel dans le terroir, aggravent des conditions de vie déjà précaires font et que des mobiles économiques peuvent être avancés pour expliquer l'engagement de ces Berbères dans l'armée française.
Enfin, en Kabylie notamment ou l'instruction est plus avancée, il nous faut signaler une certaine "élite francisée" (selon l'expression de Hamoumou, 1987) même s'il s'agit d'une minorité parmi les Harkis. Il nous faut également évoquer brièvement les Harkis de l'Ouarsenis berbérophone du Bachaga Bou Alem, vice-président de l'Assemblée nationale, qui out mirent fin au maquis communiste local.
Les Harkis berbérophones après le cessez-Ie-feu
Le 18 mars 1962, est annoncée la fin du conflit qui met les Harkis dans une position délicate, ils sont bleu souvent abandonnés, par instructions officielles, le sens de l'honneur berbère évoqué ci-dessus subit encore une entorse. C'est aussi dans les régions berbérophones les plus concernées par la guerre, nous l'avons Vil, ou les Harkis, nombreux, out le plus entravé l'action de l' A.L.N., en Kabylie surtout ou le sous-préfet d' Akbou a fait un rapport sur ces événements, qu'ils sont massacrés parfois dans des conditions à la limite du soutenable. Notons qu'en revanche, les Harkis out été relativement épargnés en Aurès et beaucoup out été rapatriés via le camp militaire de Télerghema.
Suite à ces rapatriements, berbérophones et arabophones out été mélangés dans les camps du Sud de la France (St-Maurice l'Ardoise, Rivesaltes, Bias, Larzac, camps forestiers.. .) sans tenir compte de leurs régions d'origine, leurs affinités triba1es et familiales. Aucune étude d'ensemble n'a, à ma connaissance, été réalisée sur les filières et regroupements communautaires maïs des études ponctuelles permettent d'affirmer que de nombreuses régions out vu l'installation collective de Harkis des même régions d' Algérie, souvent berbérophones. En ce qui concerne les Harkis aurasiens, "en un au, la quasi-totalité d'entre eux a quitté les villages de forestage, camps et cités d'accueil. Outre Chàteau-Renault, les Touabas (ou Aït Daoud) sant allés s'installer à Rouen (Seine-Maritime) ou ils représentent les 4/5 des réfugiés algériens de 1'agglomération, à Orléans (Loiret), Hautrnont et Valenciennes (Nord), et dans une moindre mesure en Moselle et en Meurthe-etMoselle. On compte enfin une dizaine de familles à Limoux (Au de) et quelques-unes dans l'Ariège. À Saint-Laurent-des-Arbres (commune abritant le camp de St Maurice) ne résident plus que quelques vieillards. Quand à leur rivaux Ouled-Abdi, ils sont pour une part installés à Grand Couronne (banlieue rouennaise) et pour une autre à Dreux, ou résident aussi 35 familles originaires d'Oued Labiod." (M. Roux).
Ces réseaux et auto-regroupements en communautés "socioculturelles" out été nécessaires pour les Harkis qui le pouvaient pour s'appuyer sur les anciennes solidarités et c'est dans ces cas-la qu'ils sont le moins marginalisés. La question, route idéologique, est de savoir si ces regroupements, s'ils out été bénéfiques pour affronter les difficultés immédiates du début, n'entravent pas l"'intégration" dans 1e creuset français. Quoiqu'il en soit, certaines communautés de Harkis berbérophones, comme celle chaouie de la région de Maubeuge -, perpétuent leur culture (langue, religion, coutumes, cuisine...) dans des microcosmes ou l'endogamie entre chaouis prédomine encore, ou les relations sociales sont extrêmement fortes.
La berbérité de certains joue un rôle dans les associations, domaine spécifique à l'actualité des Harkis. En effet, le particularisme kabyle réunit les Harkis originaires de cette région dans des associations ; rares sont les associations ou la coexistence Arabes/Berbères se fait sans accrocs sans affaiblir par la même les représentations de Harkis. D'autre part, les associations dont les adhérents sont majoritairement Berbères jouent parfois un rôle, quoique moindre que celui des associations purement culturelles amazigh, dans la diffusion de la culture berbère (expositions, concerts...).
En définitive, il convient, de ne pas généraliser le lien entre la berbérité et l’histoire des Harkis mais intéressant parallèle se dégage, pendant la guerre où les régions berbérophones sont parmi les plus impliquées, il en résulte que les berbérophones sont sur-représentés parmi la population des Harkis.
Source:
Encyclopédie berbère. Tome XXI. PP. 3397-3401.
[ Edité par Tafart le 13/2/2004 14:36 ]
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Qui sont les Harkis?
Il est légitime de se demander quel peut bien être le point commun entre les Harkis et les Berbères tant ces deux termes ont des sens différents. Le premier regroupant une population qui se distingue par sou statut militaire d'abord puis par sou histoire, le second désignant différents groupes liés par une langue. Cependant, nombre de points sans communs à l'histoire de ces deux populations, qui parfois ne font qu'une.
Des définitions en kaléidoscope
Il s'agit avant tout de définir le terme exact de Harki Nous reprendrons la définition de Mohand Hamoumou :
Il s'agit de I'ensemble des personnes de souche arabe ou berbère qui out eu un comportement profrançais durant la guerre d' AIgérie, en raison duquel elles out dû quitter le pays lors de sou accession à I'indépendance en optant pour la citoyenneté française. (Mohammed Hamoumou, 1987).
Nous devons rappeler quelques éléments de définition à propos de ce jargon tout en nuances. Le terme générique de "Harkis" désigne une population qui comprend une grande diversité de cas: harkis supplétifs de l'armée, moghaznis ou mokhaznis employés par les Sections Administratives Spécialisées, Groupes Mobiles de Sécurité qui sont une police supplétive rurale et mobile, Groupes d'Auto-Défense non soldés, appelés et militaires de carrière et du contingent musulmans, notables et fonctionnaires civils; quasiment tous ces hommes out femme et enfants qui soul aussi appelés Harkis. Le colonel Méliani (1993), a eu l'idée de distinguer le terme générique par un "H" initiale majuscule des supplétifs de l'armée qui n'en sont qu'une partie (avec un "h" minuscule).
Tous les Harkis ne sont pas berbérophones même si ceux-ci représentent un
pourcentage largement supérieur à celui qu'ils occupent dans l'ensemble de la
population algérienne. En effet, il y a beaucoup de Harkis qui sont arabophones, et, bien entendu, tous les Berbères ne sont pas Harkis, déjà il faut se limiter aux Berbères algériens par définition et encore à ceux des domaines Nord. Ici nous nous limiterons seulement à nous interroger sur les effets de la berbérité, au sens d'appartenance à une unité socio-culturelle berbère, sur l'histoire des Harkis berbérophones.
À l'origine des Harkis berbérophones
Un élément joue dès le départ un rôle en ce qui concerne cette relation Berbères Harkis. Il s'agit du fait paradoxal que des régions - des massifs montagneux généralement - peuplées de berbérophones aient été parmi les théâtres majeurs de cette guerre, bien qu'il ne taille pas généraliser, l' Algérois arabophone en est un aussi. La rébellion a pris sou essor dans ces régions, souvent isolée (Aurès), sur peuplée (Kabylie) et dont les populations sont souvent en difficulté économique, sans parler des conditions de vie délicates dû au climat. Et enfin, ces régions et leurs populations out eu une "histoire d'insoumission" qui marque leur identité ("conscience kabyle" liée à un développement de l'enseignement), que l'on retrouve dans leur culture à travers le souvenir de personnages mi-historiques, mi-légendaires Gugurtha, Koceila, Kahéna.. .). D'ailleurs l'administration coloniale se heurtera souvent aux révoltes (1849, 1858-1859, 1879, 1916-1920 dans l'Aurès); ce à quoi il faut ajouter la présence de bandits d'honneur (Messaoud Azelmad de 1917 à 1921, Belkacem Grine en Aurès; Arezki Ben Bachir de 1890 à 1895, Oumeri en 1945 en Grande Kabylie). Il est donc logique que ces régions, dont montagnes et forêts souvent impénétrables convenaient parfaitement aux maquis, aient été un terrain de prédilection pour la révolte. Ce fut le cas dans I' Aurès par exemple où le chef historique de la Wilaya 1, Mostéfa Ben Boulaïd*, après avoir participé à la création du FLN et à la mise sur pied de I'insurrection, organisa la "Toussaint rouge" dans sa région.
Le paradoxe apparaît clairement donc, comment des régions si propices à la
rébellion out pu être parmi les premières et les plus enclines à fournir des Harkis?
Dans le cas de I' Aurès, voici comment se sont déroulés les faits. Dès le lendemain de l'insurrection, out été recrutés les premiers supplétifs. Jean Servier, un ethnologue qui préparait sa thèse dans les Aurès, va avoir un rôle déterminant dans la ville d' Arris encerclée, il raconte :
"Il reste cinquante fusils, me dit l'administrateur. Mes instructions, en cas d'attaque, prévoient que nous devons armer les hommes valides. Le premier qui vint à nous fut l' Agha Merchi des Touabas, maïs sou geste avait une autre portée, car sou autorité s'étendait à plusieurs villages, et les hommes de sou clan vinrent le rejoindre. [...] Dans le crépuscule qui s'établissait en mauve et pourpre sur les montagnes, l' Agha Merchi, le capitaine Lakhal et moi assistions à un extraordinaire défilé de visages trous hérissés de barbes noires, de profils d'aigles rehaussés de moustache, de burnous en haillons et de djellabas déteintes sur lesquelles se détachait le ruban délavé d'une médaille militaire ou d'une croix de guerre effilochée, alourdie d'étoiles. Chaque homme se présente, reconnu par sou chef de tribu. À chacun, je donne un fusil et trente cartouches. À la
fin de la distribution, les cinquante fusils sont partis; d'autres hommes attendent encore, les mains vides et devant nous, dans un alignement impeccable se dresse la troupe qui pendant des mois devait donner la chasse aux rebelles et prendre le nom de "Harka de l'Aurés". G. Servier, 1955).
Dans les semaines qui suivent, les effectifs se gonflent. M.B., actuellement retraité à Louvrois (Nord), en a fait partie:
Moi, j'étais berger et je surveillais man troupeau quand un gays déjà engagé, vient me trouver et me dire que l'Agha Merchi me donne rendez-vous le lendemain à Arris. En fait, le caïd nous avait appelés car il avait confiance en nous. De route façon, si je ne m'étais pas engagé, j'aurai été inquiété car j'étais de la fraction de tribu de l'Agha. Pourtant dans la tribu des Touabas dont j'étais i1 y avait des maquisards - et pas des moindres : le chef Ben Boulaïd en était. A Arris, il y avait un rassemblement de 200 gays (dont de nombreux sont ici à Louvrois maintenant).
En effet, l'administration coloniale française - et c'est là un particularisme berbère qui influe sur l'origine des Harkis de l'Aurès, les premiers - a joué sur la rivalité traditionnelle qui oppose les deux grandes tribus des deux vallées de l' Aurès :
les Aït Daoud ou Touaba, de l'agha Sebti Merchi, qui out choisi un camp, sont devenus en majorité Harkis; les Ah Abdi out plutôt majoritairement rejoint les rangs de la rébellion bleu que dirigée par un Touaba, Mostéfa Ben Boulaïd. D'autre part, il est logique de trouver nombre de Harkis dans ces régions car l'origine de leur engagement est liée aux conséquences de la guerre sur les civils. Il y a donc une géographie de l'engagement Harki correspondant à celle de la guerre intensive et bleu souvent aux régions berbérophones.
La nature même de la guérilla menée par le FLN., et la riposte de l'armée française, a fait des civils un objectif dont il est prioritaire de s'attacher la collaboration; organisation politique clandestine d'un coté, section administrative spécialisées de l'autre. Les excès, compromissions out été inévitables et ils out, ainsi que les destructions, heurté le sens de l'honneur développé chez les populations berbères. Ainsi le chaoui Messaoud M. témoigne:
"Nous avons sous-estimé le FLN. Pour nous c'était normal que l'Algérie soit française. Il faut dire que la propagande nous a bernés: on nous disait qu'il fallait chasser les bandits. Mais c'était vrai aussi qu'ils se comportaient en bandits; on était pas contre l'Algérie mais contre les bandits qui égorgeaient les musulmans qui travaillaient dans l'administration (parfois de notre famille) comme des moutons. C'était vraiment injuste."
Ce sens de l'honneur si fort chez les Berbères - bleu qu'il ne soit pas leur apanage exclusif - fait aussi que la fidélité des anciens combattants à l'armée ou l'attachement affectif à un officier particulièrement admiré sont également des facteurs non négligeables.
De même dans ces régions, les déplacements de population qui retirent une certaine sécurité liée à l'enracinement traditionnel dans le terroir, aggravent des conditions de vie déjà précaires font et que des mobiles économiques peuvent être avancés pour expliquer l'engagement de ces Berbères dans l'armée française.
Enfin, en Kabylie notamment ou l'instruction est plus avancée, il nous faut signaler une certaine "élite francisée" (selon l'expression de Hamoumou, 1987) même s'il s'agit d'une minorité parmi les Harkis. Il nous faut également évoquer brièvement les Harkis de l'Ouarsenis berbérophone du Bachaga Bou Alem, vice-président de l'Assemblée nationale, qui out mirent fin au maquis communiste local.
Les Harkis berbérophones après le cessez-Ie-feu
Le 18 mars 1962, est annoncée la fin du conflit qui met les Harkis dans une position délicate, ils sont bleu souvent abandonnés, par instructions officielles, le sens de l'honneur berbère évoqué ci-dessus subit encore une entorse. C'est aussi dans les régions berbérophones les plus concernées par la guerre, nous l'avons Vil, ou les Harkis, nombreux, out le plus entravé l'action de l' A.L.N., en Kabylie surtout ou le sous-préfet d' Akbou a fait un rapport sur ces événements, qu'ils sont massacrés parfois dans des conditions à la limite du soutenable. Notons qu'en revanche, les Harkis out été relativement épargnés en Aurès et beaucoup out été rapatriés via le camp militaire de Télerghema.
Suite à ces rapatriements, berbérophones et arabophones out été mélangés dans les camps du Sud de la France (St-Maurice l'Ardoise, Rivesaltes, Bias, Larzac, camps forestiers.. .) sans tenir compte de leurs régions d'origine, leurs affinités triba1es et familiales. Aucune étude d'ensemble n'a, à ma connaissance, été réalisée sur les filières et regroupements communautaires maïs des études ponctuelles permettent d'affirmer que de nombreuses régions out vu l'installation collective de Harkis des même régions d' Algérie, souvent berbérophones. En ce qui concerne les Harkis aurasiens, "en un au, la quasi-totalité d'entre eux a quitté les villages de forestage, camps et cités d'accueil. Outre Chàteau-Renault, les Touabas (ou Aït Daoud) sant allés s'installer à Rouen (Seine-Maritime) ou ils représentent les 4/5 des réfugiés algériens de 1'agglomération, à Orléans (Loiret), Hautrnont et Valenciennes (Nord), et dans une moindre mesure en Moselle et en Meurthe-etMoselle. On compte enfin une dizaine de familles à Limoux (Au de) et quelques-unes dans l'Ariège. À Saint-Laurent-des-Arbres (commune abritant le camp de St Maurice) ne résident plus que quelques vieillards. Quand à leur rivaux Ouled-Abdi, ils sont pour une part installés à Grand Couronne (banlieue rouennaise) et pour une autre à Dreux, ou résident aussi 35 familles originaires d'Oued Labiod." (M. Roux).
Ces réseaux et auto-regroupements en communautés "socioculturelles" out été nécessaires pour les Harkis qui le pouvaient pour s'appuyer sur les anciennes solidarités et c'est dans ces cas-la qu'ils sont le moins marginalisés. La question, route idéologique, est de savoir si ces regroupements, s'ils out été bénéfiques pour affronter les difficultés immédiates du début, n'entravent pas l"'intégration" dans 1e creuset français. Quoiqu'il en soit, certaines communautés de Harkis berbérophones, comme celle chaouie de la région de Maubeuge -, perpétuent leur culture (langue, religion, coutumes, cuisine...) dans des microcosmes ou l'endogamie entre chaouis prédomine encore, ou les relations sociales sont extrêmement fortes.
La berbérité de certains joue un rôle dans les associations, domaine spécifique à l'actualité des Harkis. En effet, le particularisme kabyle réunit les Harkis originaires de cette région dans des associations ; rares sont les associations ou la coexistence Arabes/Berbères se fait sans accrocs sans affaiblir par la même les représentations de Harkis. D'autre part, les associations dont les adhérents sont majoritairement Berbères jouent parfois un rôle, quoique moindre que celui des associations purement culturelles amazigh, dans la diffusion de la culture berbère (expositions, concerts...).
En définitive, il convient, de ne pas généraliser le lien entre la berbérité et l’histoire des Harkis mais intéressant parallèle se dégage, pendant la guerre où les régions berbérophones sont parmi les plus impliquées, il en résulte que les berbérophones sont sur-représentés parmi la population des Harkis.
Source:
Encyclopédie berbère. Tome XXI. PP. 3397-3401.
[ Edité par Tafart le 13/2/2004 14:36 ]