Takfarinas
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JEUDI - France 2 - 21.00
Magazine. «Envoyé spécial» : «Carnet de route exceptionnel, traversée clandestine».
Un témoignage exceptionnel sur le trafic de clandestins entre le Maroc et l’Espagne.
Passagers clandestins
C’est un document hors du commun que présente « Envoyé spécial » ce soir. De Rabat au Grand Sud marocain, du désert aux îles Canaries, Grégoire Deniau a suivi des clandestins et partagé leurs conditions de vie pendant un mois et demi : 1 300 kilomètres de route entassés à 18 dans une jeep, deux semaines à attendre, cachés dans le désert, le bon vouloir des passeurs, un départ sur une embarcation précaire avec pour guide une simple boussole, un naufrage causant la mort de deux personnes, puis une seconde tentative dans la barque rafistolée, enfin l’arraisonnement par la police espagnole aux abords des côtes des Canaries.
TéléCinéObs. – D’où viennent ces hommes et cette femme ?
Grégoire Deniau. – Pour leur sécurité, on ne peut pas donner leur pays d’origine : si les autorités parviennent à déterminer leur nationalité, elles les renverront d’où ils viennent. Pour l’essentiel, ils sont originaires d’Afrique de l’Ouest. Leur famille a payé le voyage. Ils ne peuvent revenir chez eux sans être allés en Europe. Certains ont déjà tenté plusieurs passages en déboursant à chaque fois 1 000 euros, ils ont été rackettés par les passeurs marocains, ils ont vu des proches mourir. Mais ils n’ont pas d’autre choix.
Dans ces conditions extrêmes, le groupe semble très solidaire... – Chacun aide l’autre, partageant l’eau et la nourriture. Il n’y a aucun geste déplacé envers la seule femme présente – qui se fait passer pour un homme auprès des passeurs pour ne pas risquer d’être violée. Lors du naufrage, ceux qui savaient nager sortaient les autres de l’eau, tous cherchaient, comptaient. Après le désespoir de constater la disparition de deux personnes, très vite, ils ont repris le dessus parce qu’ils avaient encore l’espoir d’aller de l’autre côté. Tout le monde a redonné de l’argent aux passeurs pour avoir un nouveau bateau qu’ils n’ont jamais apporté et finalement nous sommes repartis sur la même embarcation.
Vous attendiez-vous à un périple aussi difficile ? – Non. J’ai beaucoup souffert pendant le trajet en voiture. Je ne pensais pas qu’on puisse être si serrés, souffrir autant, mais surtout avoir autant de difficultés à respirer. On pouvait crier, hurler, les chauffeurs ne s’arrêtaient pas et roulaient huit à dix heures d’affilée. Les clandestins sont, pour eux, du bétail. Dans le désert, nous n’avions qu’un peu d’eau, du pain et des sardines. Les passeurs nous laissaient par peur des hélicoptères de l’armée marocaine. Nous ne savions jamais s’ils allaient revenir ou nous abandonner. Sur le bateau, j’ai ressenti la même joie que les clandestins à voir les côtes espagnoles.
L’accueil des gardes civils est rude… – Des bateaux arrivent tous les jours. Les policiers ne comprennent pas la souffrance de ces hommes. J’ai voulu montrer ce qu’ils endurent. Si on ne veut pas de clandestins chez nous, donnons-leur les moyens de rester chez eux. Mais une fois qu’ils sont en Europe, respecton s-les !
Propos recueillis par Corinne Renou-Nativel
Corinne Renou-Nativel
Magazine. «Envoyé spécial» : «Carnet de route exceptionnel, traversée clandestine».
Un témoignage exceptionnel sur le trafic de clandestins entre le Maroc et l’Espagne.
Passagers clandestins
C’est un document hors du commun que présente « Envoyé spécial » ce soir. De Rabat au Grand Sud marocain, du désert aux îles Canaries, Grégoire Deniau a suivi des clandestins et partagé leurs conditions de vie pendant un mois et demi : 1 300 kilomètres de route entassés à 18 dans une jeep, deux semaines à attendre, cachés dans le désert, le bon vouloir des passeurs, un départ sur une embarcation précaire avec pour guide une simple boussole, un naufrage causant la mort de deux personnes, puis une seconde tentative dans la barque rafistolée, enfin l’arraisonnement par la police espagnole aux abords des côtes des Canaries.
TéléCinéObs. – D’où viennent ces hommes et cette femme ?
Grégoire Deniau. – Pour leur sécurité, on ne peut pas donner leur pays d’origine : si les autorités parviennent à déterminer leur nationalité, elles les renverront d’où ils viennent. Pour l’essentiel, ils sont originaires d’Afrique de l’Ouest. Leur famille a payé le voyage. Ils ne peuvent revenir chez eux sans être allés en Europe. Certains ont déjà tenté plusieurs passages en déboursant à chaque fois 1 000 euros, ils ont été rackettés par les passeurs marocains, ils ont vu des proches mourir. Mais ils n’ont pas d’autre choix.
Dans ces conditions extrêmes, le groupe semble très solidaire... – Chacun aide l’autre, partageant l’eau et la nourriture. Il n’y a aucun geste déplacé envers la seule femme présente – qui se fait passer pour un homme auprès des passeurs pour ne pas risquer d’être violée. Lors du naufrage, ceux qui savaient nager sortaient les autres de l’eau, tous cherchaient, comptaient. Après le désespoir de constater la disparition de deux personnes, très vite, ils ont repris le dessus parce qu’ils avaient encore l’espoir d’aller de l’autre côté. Tout le monde a redonné de l’argent aux passeurs pour avoir un nouveau bateau qu’ils n’ont jamais apporté et finalement nous sommes repartis sur la même embarcation.
Vous attendiez-vous à un périple aussi difficile ? – Non. J’ai beaucoup souffert pendant le trajet en voiture. Je ne pensais pas qu’on puisse être si serrés, souffrir autant, mais surtout avoir autant de difficultés à respirer. On pouvait crier, hurler, les chauffeurs ne s’arrêtaient pas et roulaient huit à dix heures d’affilée. Les clandestins sont, pour eux, du bétail. Dans le désert, nous n’avions qu’un peu d’eau, du pain et des sardines. Les passeurs nous laissaient par peur des hélicoptères de l’armée marocaine. Nous ne savions jamais s’ils allaient revenir ou nous abandonner. Sur le bateau, j’ai ressenti la même joie que les clandestins à voir les côtes espagnoles.
L’accueil des gardes civils est rude… – Des bateaux arrivent tous les jours. Les policiers ne comprennent pas la souffrance de ces hommes. J’ai voulu montrer ce qu’ils endurent. Si on ne veut pas de clandestins chez nous, donnons-leur les moyens de rester chez eux. Mais une fois qu’ils sont en Europe, respecton s-les !
Propos recueillis par Corinne Renou-Nativel
Corinne Renou-Nativel