<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" width="555"><tbody><tr height="126"><td height="126" valign="top" width="365">
</td> </tr> </tbody></table> <table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" width="555"><tbody><tr><td>présenté un certificat médial attestant que le vieil homme, plusieurs fois admis en hôpital psychiatrique, était régulièrement atteint de crises de sénilité. Ni le procureur ni le juge n’en ont tenu compte. 3 ans fermes. Ahmed Nasser s’est éteint dans une cellule sombre et humide, loin des siens, privé de toute assistance médicale.
Le 5 février 2008, Fouad Mourtada, informaticien de 26 ans, était enlevé par des policiers et longuement torturé dans un lieu secret sans que personne, famille et collègues de travail, ne sache où il était. 48 heures plus tard, une dépêche de la MAP le citait comme auteur de “pratiques crapuleuses” et “usurpateur de l’identité de son altesse royale le prince Moulay Rachid”… sur Facebook, ce site communautaire aux milliers de faux “profils” de célébrités mondiales, largement plus connues qu’un prince marocain. Qu’une telle “usurpation d’identité” ne puisse aboutir, de par sa nature et son contexte, à rien de méchant, que Fouad, coupable tout au plus d’une plaisanterie de mauvais goût, n’ait aucun antécédent judiciaire, que cet ingénieur d’Etat, soit le fils méritant d’une famille paysanne analphabète… les autorités n’ont rien voulu entendre. Fouad encourt très sérieusement 5 ans de prison, et le juge a déjà rejeté deux demandes de liberté provisoire.
Nous n’en sommes même plus à revendiquer le droit élémentaire à la critique (fût-elle violente) ou à la plaisanterie (fût-elle idiote) envers des personnages publics. La loi, même aberrante, est la loi. Mais la loi offre quand même des garanties minimales aux justiciables : le droit à la présomption d’innocence, le droit d’être bien traité par la police, le droit de bénéficier de circonstances atténuantes s’il y en a… Or dans ce pays, il suffit que le mot “roi” ou “royal” figure dans l’intitulé d’une plainte pour que tout le monde perde la tête : ces policiers, qui n’ont pas hésité à jeter au cachot un vieillard en chaise roulante, ce juge, qui a écarté sans même le consulter un certificat médical plus que probant, ces autres policiers, qui ont fait disparaître un citoyen de la surface de la terre pendant 48 heures, ces autres encore, qui l’ont torturé sans pitié, et jusqu’à cet avocat, engagé dans l’urgence par la famille du jeune informaticien, qui a… fui sans demander son reste, dès qu’il a entendu le chef d’inculpation de son client !
La voilà, la réalité du Maroc d’aujourd’hui. L’Etat de droit, c’est un joli slogan, et on veut bien faire semblant de l’appliquer (parfois). Mais dès qu’il est question de la royauté, on ne rigole plus. La loi devient immédiatement hors sujet, et tous ceux qui sont supposés en garantir le respect n’obéissent plus qu’à une chose : la peur. La peur que quelqu’un, quelque part, puisse les accuser de complaisance envers un “ennemi” de la royauté – même présumé, même considéré tel pour des raisons stupides. Pour éviter cela, l’excès de zèle devient la norme. C’est que, par le même mécanisme qui a fait qu’un vieillard en chaise roulante est mort en prison, ou qu’un jeune naïf a été sauvagement torturé avant même qu’il sache ce qu’on lui reproche… eh bien, le policier, le procureur ou le juge peuvent, eux aussi, se retrouver dans la même situation – et pour des raisons tout aussi ridicules. C’est la logique de “je sauve ma peau avant de sauver la tienne”. C’est la logique de la terreur aveugle, de rigueur dans tous les Etats totalitaires. On avait la faiblesse de penser que le Maroc n’en était plus un. Demandez à Fouad Mourtada et à la famille de Ahmed Nasser ce qu’ils en pensent…</td></tr></tbody></table>
Ahmed R. Benchemsi
Tel Quel
L’Etat de droit, c’est bien joli… Mais dès qu’il est question de royauté, on ne rigole plus !
Le 13 février 2008, Ahmed Nasser est mort en prison. Cet homme avait 95 ans et circulait en chaise roulante. Le 6 septembre dernier, il avait eu une prise de bec avec un chauffeur de car. Ce dernier avait conduit le vieil homme au commissariat, et l’avait accusé d’“insulte au roi”. Ahmed Nasser a été jugé et condamné le jour même. À part le chauffeur du car, personne n’a témoigné de l’altercation, ni des termes exacts employés par les deux protagonistes. La famille de l’inculpé a
</td> <td height="126" valign="top" width="190"> Le 13 février 2008, Ahmed Nasser est mort en prison. Cet homme avait 95 ans et circulait en chaise roulante. Le 6 septembre dernier, il avait eu une prise de bec avec un chauffeur de car. Ce dernier avait conduit le vieil homme au commissariat, et l’avait accusé d’“insulte au roi”. Ahmed Nasser a été jugé et condamné le jour même. À part le chauffeur du car, personne n’a témoigné de l’altercation, ni des termes exacts employés par les deux protagonistes. La famille de l’inculpé a

Le 5 février 2008, Fouad Mourtada, informaticien de 26 ans, était enlevé par des policiers et longuement torturé dans un lieu secret sans que personne, famille et collègues de travail, ne sache où il était. 48 heures plus tard, une dépêche de la MAP le citait comme auteur de “pratiques crapuleuses” et “usurpateur de l’identité de son altesse royale le prince Moulay Rachid”… sur Facebook, ce site communautaire aux milliers de faux “profils” de célébrités mondiales, largement plus connues qu’un prince marocain. Qu’une telle “usurpation d’identité” ne puisse aboutir, de par sa nature et son contexte, à rien de méchant, que Fouad, coupable tout au plus d’une plaisanterie de mauvais goût, n’ait aucun antécédent judiciaire, que cet ingénieur d’Etat, soit le fils méritant d’une famille paysanne analphabète… les autorités n’ont rien voulu entendre. Fouad encourt très sérieusement 5 ans de prison, et le juge a déjà rejeté deux demandes de liberté provisoire.
Nous n’en sommes même plus à revendiquer le droit élémentaire à la critique (fût-elle violente) ou à la plaisanterie (fût-elle idiote) envers des personnages publics. La loi, même aberrante, est la loi. Mais la loi offre quand même des garanties minimales aux justiciables : le droit à la présomption d’innocence, le droit d’être bien traité par la police, le droit de bénéficier de circonstances atténuantes s’il y en a… Or dans ce pays, il suffit que le mot “roi” ou “royal” figure dans l’intitulé d’une plainte pour que tout le monde perde la tête : ces policiers, qui n’ont pas hésité à jeter au cachot un vieillard en chaise roulante, ce juge, qui a écarté sans même le consulter un certificat médical plus que probant, ces autres policiers, qui ont fait disparaître un citoyen de la surface de la terre pendant 48 heures, ces autres encore, qui l’ont torturé sans pitié, et jusqu’à cet avocat, engagé dans l’urgence par la famille du jeune informaticien, qui a… fui sans demander son reste, dès qu’il a entendu le chef d’inculpation de son client !
La voilà, la réalité du Maroc d’aujourd’hui. L’Etat de droit, c’est un joli slogan, et on veut bien faire semblant de l’appliquer (parfois). Mais dès qu’il est question de la royauté, on ne rigole plus. La loi devient immédiatement hors sujet, et tous ceux qui sont supposés en garantir le respect n’obéissent plus qu’à une chose : la peur. La peur que quelqu’un, quelque part, puisse les accuser de complaisance envers un “ennemi” de la royauté – même présumé, même considéré tel pour des raisons stupides. Pour éviter cela, l’excès de zèle devient la norme. C’est que, par le même mécanisme qui a fait qu’un vieillard en chaise roulante est mort en prison, ou qu’un jeune naïf a été sauvagement torturé avant même qu’il sache ce qu’on lui reproche… eh bien, le policier, le procureur ou le juge peuvent, eux aussi, se retrouver dans la même situation – et pour des raisons tout aussi ridicules. C’est la logique de “je sauve ma peau avant de sauver la tienne”. C’est la logique de la terreur aveugle, de rigueur dans tous les Etats totalitaires. On avait la faiblesse de penser que le Maroc n’en était plus un. Demandez à Fouad Mourtada et à la famille de Ahmed Nasser ce qu’ils en pensent…</td></tr></tbody></table>
Ahmed R. Benchemsi
Tel Quel