Entretien de Ali Atmane accordé à Kabyle.com

aksel

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Ali ATMANE : « Le Berbère est une langue riche et structurée mais pas toujours comprise "



Ali ATMANE, natif du Haut-Atlas marocain, a mis à profit sa période de détention, de 26 ans, après sa capture, en 1977, au cours du « conflit » algéro-marocain, pour essayer de mettre au point une grammaire pour la langue berbère, incluant toutes ses variantes.
Il vient de rendre public ses propositions, en les éditant dans un livre intitulé : « Grammaire de la langue berbère », Kabyle.com revient avec lui, dans cet entretien, sur sa vie, ses recherches et certaines de ses théories grammaticales.


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Ali ATMANE

Kabyle.com : Pour commencer, parlez-nous de vous, présentez-vous à nos lecteurs ?
Ali ATMANE :Ali ATMANE, je suis Berbère originaire du Haut-Atlas au Maroc. En tant qu’ancien pilote de chasse, dans les forces aériennes marocaines, j’avais fait la guerre au Sahara, j’ai y été capturé, en 1977, suite à quoi, j’ai passé 26 ans en détention, en Algérie, dans les prisons de Blida, d’Alger, de Boufarik, de Boughar et dans les camps de Tindouf. Je n’ai retrouvé la liberté que le 1er septembre 2003.
Vous êtes sur le point d’éditer un livre intitulé « Grammaire de la langue berbère », pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit au juste ?
Dans mon livre intitulé « Grammaire de la langue berbère », j’essaie de mettre au point des règles grammaticales précises pour bien écrire le Berbère.
Comment êtes-vous arrivés à travailler dans ce domaine alors qu’il n’est pas le vôtre ?
Malgré ma formation de scientifique, j’ai toujours eu un penchant pour tout ce qui est littéraire, de plus, par amour pour ma langue maternelle, j’ai recherché, dans ma solitude en prison, le moyen de mieux comprendre ma langue pour mieux l’écrire.
Parlez-nous de la manière avec laquelle vous avez travaillé et effectué vos recherches ?
Dans une prison prés de Tindouf, un camarade prisonnier arabophone m’avait demandé, en 1985, de lui apprendre le Berbère. C’est à partir de ce moment-là que je me suis intéressé à la structure des mots et des phrases dans notre langue.
Combien de temps vous a-t-il fallut pour arriver à boucler votre ouvrage ?
Vingt ans de travail.
Vous affirmez, dans votre préface, que votre grammaire est applicable à toutes les variantes du Berbère (Kabyle, Rifain, Chleuh…), comment êtes-vous arrivés à cette conclusion ?
Je pense, effectivement, que ma grammaire est applicable à toutes les variantes du Berbère. La structure de la phrase en Kabyle, Rifain, Chleuh (…etc.) est la même, il n’y à que la prononciation et l’usage de certains mots qui diffère légèrement d’une région à une autre.
C’est pour cela aussi que je souhaite, vivement, travailler avec un groupe d’intellectuels représentant toutes les variantes du Berbère pour mettre au point un dictionnaire commun.
Le mot « Tamazight », vous le transcrivez « Ta Mazight », en quelque sorte, vous suggérez que le « Ta » joue le rôle d’un article isolé, par quoi ou comment pouvez-vous justifier cela ?
Le problème de l’article est bien étudié dans mon livre. Ceux qui refusent la séparation logique de l’article du nom ne veulent pas que le Berbère « redevienne » une véritable langue à part entière.
L’utilisation des caractères spéciaux, utilisés dans certaines langues européennes, notamment, ne vous convainc pas, pourquoi ?
De par sa structure, notre langue ne diffère en rien des langues européennes. C’est pour cela qu’il faut l’écrire avec l’alphabet latin.
A votre avis, quel alphabet devrait être, définitivement, adopté pour la transcription du Berbère ?
Les caractères latins.
Pouvez-vous nous dire sur quels critères l’alphabet Tifinagh se trouve-t-il disqualifié ?
Écrire notre langue en utilisant « Ti Finagh » (*), c’est, en quelque sorte, la mettre au musée.
Savez-vous qu’il existe, chez-nous, une autre personne, M. Lahcène Bahboub (Académie Ta Mazipt), qui a mis au point une grammaire assez proche de la vôtre ?
Ayant passé 26 ans en prison, sans aucune possibilité de lire, je n’ai donc pas eu l’honneur de connaître M. Lahcène Bahboub.
Votre grammaire contient-elle d’autres nouveautés (ou différences) par rapport à celle utilisée actuellement que vous pouvez citer ?
Mon livre apporte certainement du nouveau pour faire avancer la connaissance de notre langue.
Quand, votre ouvrage, sera-t-il disponible et où le sera-t-il ?
Mon livre est déjà disponible, il sera bientôt distribué en France notamment à travers votre site.
Si vous aviez à donner une définition du Berbère, vous diriez quoi ?
Le Berbère est une langue riche et structurée mais pas toujours comprise.
Un mot sur la situation de la langue berbère au Maroc ! Où en sont les choses ?
On ne peut pas parler de la situation du Berbère dans un pays donné, mais de la situation du Berbère tout court, qui reste assez inconfortable, je dois dire.
Qu’est-ce qui devrait être fait, selon vous, pour améliorer la situation du Berbère au Maroc et même en Afrique du Nord ?
Des groupes d’intellectuels, représentant toutes les variantes du Berbère, devraient, selon moi, se rencontrer et travailler ensemble, en synergie, pour donner à cette langue les moyens de se développer, des dictionnaires par exemple !
Avez-vous quelque chose à ajouter pour conclure ?
Travailler pour savoir le maximum sur notre langue est notre devoir, celui qui arrive à un résultat doit communiquer son savoir aux autres et non le garder pour soi.
* Nous avons écrit « Ti Finagh », au lieu et place de « Tifinagh » pour respecter la pensée de M. Ali ATMANE.

Pour Kabyle.com – Rédaction Tizi Ouzou – 02 février 2006
Entretien et transcription : Djamel B. (Rédaction de Tizi Ouzou)
source: Kabyle.com
 
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