Talalit
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Entretien avec Abdallah Bounfour
« Tachelhit est capable de faire rire, pleurer, vibrer... nighd ouhou ??? »
Abdallah Bounfour est Professeur de littérature berbère à l’INALCO (Langues’O) à Paris. Il a beaucoup écrit sur les langues du Maghreb. Il effectue actuellement un séjour de recherche à Agadir, rattachée à l’Institut Français, partenaire du festival Timitar qui accueille cette semaine le Festival du film musical et une table-ronde sur "tachelhit, langue de création actuelle". Son ambition : « Je voudrais réaliser un livre sur ce mouvement, témoigner de ce que j’ai pu vivre de l’intérieur, lors de mes séjours, puisque je collabore à Timitar cette année ; je réalise actuellement des entretiens avec des acteurs de ce mouvement et j’observe ». Au milieu de ces entretiens, A. Bounfour répond à ces trois questions du Journal.
--Lors d’un récent débat que vous avez animé à Agadir sur « tachelhit », vous avez qualifié de « movida » le mouvement que connaît actuellement le Maroc. Vous avanciez comme argument la création qui semble foisonner en tachelhit. Mais est-ce suffisant pour parler de « movida » ?
-En réalité, je me suis seulement demandée si on pouvait parler de « movida » pour décrire ce qui est en train de se passer dans la région du Sous depuis 2003. Je ne pense pas que l’on puisse calquer ce terme sur la situation marocaine, mais par contre, je suis sûre qu’il y a une forme de mouvement culturel... Il reste à lui trouver un nom... s tchelhit... Je cherche encore. Pour moi, ce phénomène est initié par des festivals comme Timitar ou celui de Tiznit, c’est-à-dire par une nouvelle scène musicale qui est en émergence et qui est accompagnée par tout un mouvement social et culturel qui invente au quotidien un nouveau mode de fonctionnement, vie associative, bénévolat, sponsoring par de grandes entreprises, etc. Timitar ne se conçoit pas non plus sans l’art de l’image, l’infographie, l’affiche, les T-shirts collectors que tout le monde porte dès les beaux jours venus, le spot, le documentaire. Grâce à Timitar, aux contacts et aux partenariats qu’il a pu tisser à l’étranger avec des Festivals amis (Garorock en France, mais aussi l’Espagne, La Grande-Bretagne ou l’Italie), des groupes de la grande scène internationale viennent désormais à Agadir. L’importance de tachelhit dans les compositions des jeunes groupes montants est essentielle et permet de traduire des émotions artistiques qu’aucune autre langue ne pourrait exprimer. Alors, "movida" ??? Je ne sais pas...
--L’usage de la tachelhit dans toute sa crudité par certains chanteurs de rap notamment ne risque-t-il pas de justifier la désapprobation des ennemis de la tachelhit et de renforcer leur argument considérant la tachelhit (dialecte diront certains) comme « une vulgaire langue de paysans » ?
-Absolument pas... Il ne faut pas s’arrêter à une soi-disant crudité ; ces rappeurs n’utilisent pas ces mots pour choquer, mais parce qu’ils traduisent leurs pensées et qu’ils sont compris de son public... Je le vois quand les gens écoutent son CD. De plus ses textes ont un lyrisme qu’une parole censurée ne saurait sans doute pas exprimer... Cette langue est capable de faire rire, pleurer, vibrer... nighd ouhou ??? Pourquoi l’appeler "langue de paysans" ? Tachelhit, comme toutes les langues, a sa variété du quotidien et sa variété littéraire, avec l'amarg ou les textes des Ousman, Izenzarn et autres Archach. De plus, chaque artiste est libre de faire voyager ses mots entre les deux styles... Nous venons justement de lancer un prix littéraire "Tamazirt-inw, Tamazirt-ngh", pour encourager l’écriture littéraire en prose en tachelhit (voir les conditions sur www.inghmisn-tamazirtngh.org)... Donc, non ! Tachelhit n’est pas que la langue des paysans !!!
--En quoi la réhabilitation de la tachelhit dans la société marocaine pourrait être un vecteur de démocratisation ?
-Si j’ai parlé de démocratisation, c’est parce que le fait d’utiliser tachelhit, tarifit ou tamazight permettrait à tous les Marocains de comprendre et de suivre la vie politique et sociale du pays. Vous connaissez les chiffres de l’analphabétisme au Maroc et les chiffres réels sur la connaissance de l’arabe standard ou du français.
(Cet entretien est bien entendu une fiction, M.Abdallah Bounfour n'a rien à voir avec ce canular, il s'agit d'une réécriture d'un entretien accordé par Dominique Caubet, professeur d'arabe maghrébin à l'INALCO, à Mohamed Zainabi journaliste à l'hebdo Reporter.
Il m'a paru intéressant de remplacer les termes "darija" par "tachelhit", l'entretien prend alors une tournure diférente qui peut faire réfléchir).
« Tachelhit est capable de faire rire, pleurer, vibrer... nighd ouhou ??? »
Abdallah Bounfour est Professeur de littérature berbère à l’INALCO (Langues’O) à Paris. Il a beaucoup écrit sur les langues du Maghreb. Il effectue actuellement un séjour de recherche à Agadir, rattachée à l’Institut Français, partenaire du festival Timitar qui accueille cette semaine le Festival du film musical et une table-ronde sur "tachelhit, langue de création actuelle". Son ambition : « Je voudrais réaliser un livre sur ce mouvement, témoigner de ce que j’ai pu vivre de l’intérieur, lors de mes séjours, puisque je collabore à Timitar cette année ; je réalise actuellement des entretiens avec des acteurs de ce mouvement et j’observe ». Au milieu de ces entretiens, A. Bounfour répond à ces trois questions du Journal.
--Lors d’un récent débat que vous avez animé à Agadir sur « tachelhit », vous avez qualifié de « movida » le mouvement que connaît actuellement le Maroc. Vous avanciez comme argument la création qui semble foisonner en tachelhit. Mais est-ce suffisant pour parler de « movida » ?
-En réalité, je me suis seulement demandée si on pouvait parler de « movida » pour décrire ce qui est en train de se passer dans la région du Sous depuis 2003. Je ne pense pas que l’on puisse calquer ce terme sur la situation marocaine, mais par contre, je suis sûre qu’il y a une forme de mouvement culturel... Il reste à lui trouver un nom... s tchelhit... Je cherche encore. Pour moi, ce phénomène est initié par des festivals comme Timitar ou celui de Tiznit, c’est-à-dire par une nouvelle scène musicale qui est en émergence et qui est accompagnée par tout un mouvement social et culturel qui invente au quotidien un nouveau mode de fonctionnement, vie associative, bénévolat, sponsoring par de grandes entreprises, etc. Timitar ne se conçoit pas non plus sans l’art de l’image, l’infographie, l’affiche, les T-shirts collectors que tout le monde porte dès les beaux jours venus, le spot, le documentaire. Grâce à Timitar, aux contacts et aux partenariats qu’il a pu tisser à l’étranger avec des Festivals amis (Garorock en France, mais aussi l’Espagne, La Grande-Bretagne ou l’Italie), des groupes de la grande scène internationale viennent désormais à Agadir. L’importance de tachelhit dans les compositions des jeunes groupes montants est essentielle et permet de traduire des émotions artistiques qu’aucune autre langue ne pourrait exprimer. Alors, "movida" ??? Je ne sais pas...
--L’usage de la tachelhit dans toute sa crudité par certains chanteurs de rap notamment ne risque-t-il pas de justifier la désapprobation des ennemis de la tachelhit et de renforcer leur argument considérant la tachelhit (dialecte diront certains) comme « une vulgaire langue de paysans » ?
-Absolument pas... Il ne faut pas s’arrêter à une soi-disant crudité ; ces rappeurs n’utilisent pas ces mots pour choquer, mais parce qu’ils traduisent leurs pensées et qu’ils sont compris de son public... Je le vois quand les gens écoutent son CD. De plus ses textes ont un lyrisme qu’une parole censurée ne saurait sans doute pas exprimer... Cette langue est capable de faire rire, pleurer, vibrer... nighd ouhou ??? Pourquoi l’appeler "langue de paysans" ? Tachelhit, comme toutes les langues, a sa variété du quotidien et sa variété littéraire, avec l'amarg ou les textes des Ousman, Izenzarn et autres Archach. De plus, chaque artiste est libre de faire voyager ses mots entre les deux styles... Nous venons justement de lancer un prix littéraire "Tamazirt-inw, Tamazirt-ngh", pour encourager l’écriture littéraire en prose en tachelhit (voir les conditions sur www.inghmisn-tamazirtngh.org)... Donc, non ! Tachelhit n’est pas que la langue des paysans !!!
--En quoi la réhabilitation de la tachelhit dans la société marocaine pourrait être un vecteur de démocratisation ?
-Si j’ai parlé de démocratisation, c’est parce que le fait d’utiliser tachelhit, tarifit ou tamazight permettrait à tous les Marocains de comprendre et de suivre la vie politique et sociale du pays. Vous connaissez les chiffres de l’analphabétisme au Maroc et les chiffres réels sur la connaissance de l’arabe standard ou du français.
(Cet entretien est bien entendu une fiction, M.Abdallah Bounfour n'a rien à voir avec ce canular, il s'agit d'une réécriture d'un entretien accordé par Dominique Caubet, professeur d'arabe maghrébin à l'INALCO, à Mohamed Zainabi journaliste à l'hebdo Reporter.
Il m'a paru intéressant de remplacer les termes "darija" par "tachelhit", l'entretien prend alors une tournure diférente qui peut faire réfléchir).