Des écoles nomades
· Un programme adapté à la vie du transhumant
· Des boîtes de sardines pour… attirer les élèves
Si les enfants enclavés ne vont pas à l’école, eh bien c’est l’école qui va désormais vers eux. Un concept-pilote d’école mobile est lancé par le Projet de conservation de la biodiversité par la transhumance dans le versant sud du Haut Atlas.
Dans le parcours d’Aguercif, tribu des Aït Zekri, vivent plusieurs familles de transhumants dans un froid glacial au milieu des montagnes et de la neige.
Ici, dès ses premières années, l’enfant s’improvise berger. C’est un pacte coutumier et ancestral. Inutile d’en dissuader les parents. Pour eux, un enfant qui va à l’école est une autre contrainte à gérer, un surcoût… c’est inconcevable! La nature de leurs déplacements entre les plaines, les collines et les hautes montagnes, l’éloignement des villages et des souks hebdomadaires rendent impossible la scolarité de leurs enfants. En plus, la vocation d’enfant-transhumant, et donc de berger-né, rend velléitaire le droit à l’éducation. Il y a quelques mois, le taux de scolarisation de ces enfants particuliers était presque nul. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Une trentaine d’élèves sont déjà sur les bancs de cette école pas comme les autres. Les concepteurs du projet ambitionnent d’arriver à 500. Une prouesse!
Une école mobile va vers les transhumants. C’est une tente dressée au milieu d’une plaine, à proximité d’un point d’eau. Le choix du site n’est pas fortuit: «il répond au plus grand nombre de lieux d’implantation des transhumants qui ne vivent pas en communauté. Chaque famille est repliée sur elle-même. Les élèves les plus éloignés parcourent 6 à 7 kilomètres», témoigne l’instituteur. C’est souvent cet enseignant, trentenaire, qui transporte les plus éloignés à bord de son vélomoteur. D’autres arrivent à dos de mulet ou accompagnés de leurs frères et sœurs.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles: la grande particularité de l’école mobile, c’est qu’elle initie un programme adapté au mode transhumant et à sa nature. Des modules validés par le ministère de l’Education nationale (MEN). Ce sont des solutions pédagogiques pour intégrer les élèves dans leur environnement et, en même temps, passer des messages avec des notions de sensibilisation sur la biodiversité, l’environnement, la vie pastorale. «L’élève transhumant a ses spécificités, son imaginaire et ses représentations iconiques liées à son environnement immédiat. Les figurines reprennent ce milieu naturel de l’élève. «Au lieu de leur parler du train que les élèves n’arrivent pas à conceptualiser, je leur montre le chameau ou le mulet, au lieu de la plage, la montagne, un berger à la place du policier…», précise l’instituteur. En dépit de leur inscription à la délégation de l’Education nationale la plus proche, ces élèves n’ont jamais vu à quoi ressemble un inspecteur.
Le cycle de leur année scolaire est aussi différent. Il est adapté au mode transhumant: ce sont des cycles (de décembre à mars et de juillet à septembre, le mois de mai étant une période de vacances, car il correspond à une phase de mobilité chez les transhumants. Malgré les efforts, l’instituteur se plaint des absences répétées des élèves, surtout lorsqu’il neige ou pendant les vagues de froid. Du coup, il valide l’année scolaire selon le nombre d’unités suivies. Au total, il enseigne 8 unités (arabe, amazigh, français, calcul, orthographe, coran…). L’astuce de l’école mobile est de ne pas tenir compte des absences, en validant le cursus par le cumul des unités. Ce qui peut se faire sur deux ans des fois. Une manière de motiver les enfants. Autre source de motivation, la restauration à l’école. L’objectif de cette école pas comme les autres est d’améliorer les taux de scolarité, de lutter contre l’analphabétisme, mais aussi de remédier à la malnutrition des enfants.
Ainsi, chaque jour vers midi, l’instituteur prépare lui-même à manger à ses élèves! Au menu: des lentilles ou des conserves de sardines. Un régal pour les enfants de transhumants. «Certains ne viennent que pour cela et c’est tant mieux si cela peut les inciter à étudier», ajoute l’enseignant. Seul bémol, les portions sont chiches: 100 grammes de pain par élève et 40 grammes de poisson le lundi. Le lendemain, c’est 100 grammes de pain, 50 g de lentilles et autant de tomate. Un menu qui se répète dans cet ordre 6 jours sur 7.
La nuit tombée, l’instituteur dort dans une tente mitoyenne de celle faisant office de classe. Chaque soir, il caresse le vœu que d’autres instituteurs consacrent au moins une année de leur carrière à ce type de mission enclavée.
Amin RBOUB
L'Economiste
· Un programme adapté à la vie du transhumant
· Des boîtes de sardines pour… attirer les élèves
Si les enfants enclavés ne vont pas à l’école, eh bien c’est l’école qui va désormais vers eux. Un concept-pilote d’école mobile est lancé par le Projet de conservation de la biodiversité par la transhumance dans le versant sud du Haut Atlas.
Dans le parcours d’Aguercif, tribu des Aït Zekri, vivent plusieurs familles de transhumants dans un froid glacial au milieu des montagnes et de la neige.
Ici, dès ses premières années, l’enfant s’improvise berger. C’est un pacte coutumier et ancestral. Inutile d’en dissuader les parents. Pour eux, un enfant qui va à l’école est une autre contrainte à gérer, un surcoût… c’est inconcevable! La nature de leurs déplacements entre les plaines, les collines et les hautes montagnes, l’éloignement des villages et des souks hebdomadaires rendent impossible la scolarité de leurs enfants. En plus, la vocation d’enfant-transhumant, et donc de berger-né, rend velléitaire le droit à l’éducation. Il y a quelques mois, le taux de scolarisation de ces enfants particuliers était presque nul. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Une trentaine d’élèves sont déjà sur les bancs de cette école pas comme les autres. Les concepteurs du projet ambitionnent d’arriver à 500. Une prouesse!
Une école mobile va vers les transhumants. C’est une tente dressée au milieu d’une plaine, à proximité d’un point d’eau. Le choix du site n’est pas fortuit: «il répond au plus grand nombre de lieux d’implantation des transhumants qui ne vivent pas en communauté. Chaque famille est repliée sur elle-même. Les élèves les plus éloignés parcourent 6 à 7 kilomètres», témoigne l’instituteur. C’est souvent cet enseignant, trentenaire, qui transporte les plus éloignés à bord de son vélomoteur. D’autres arrivent à dos de mulet ou accompagnés de leurs frères et sœurs.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles: la grande particularité de l’école mobile, c’est qu’elle initie un programme adapté au mode transhumant et à sa nature. Des modules validés par le ministère de l’Education nationale (MEN). Ce sont des solutions pédagogiques pour intégrer les élèves dans leur environnement et, en même temps, passer des messages avec des notions de sensibilisation sur la biodiversité, l’environnement, la vie pastorale. «L’élève transhumant a ses spécificités, son imaginaire et ses représentations iconiques liées à son environnement immédiat. Les figurines reprennent ce milieu naturel de l’élève. «Au lieu de leur parler du train que les élèves n’arrivent pas à conceptualiser, je leur montre le chameau ou le mulet, au lieu de la plage, la montagne, un berger à la place du policier…», précise l’instituteur. En dépit de leur inscription à la délégation de l’Education nationale la plus proche, ces élèves n’ont jamais vu à quoi ressemble un inspecteur.
Le cycle de leur année scolaire est aussi différent. Il est adapté au mode transhumant: ce sont des cycles (de décembre à mars et de juillet à septembre, le mois de mai étant une période de vacances, car il correspond à une phase de mobilité chez les transhumants. Malgré les efforts, l’instituteur se plaint des absences répétées des élèves, surtout lorsqu’il neige ou pendant les vagues de froid. Du coup, il valide l’année scolaire selon le nombre d’unités suivies. Au total, il enseigne 8 unités (arabe, amazigh, français, calcul, orthographe, coran…). L’astuce de l’école mobile est de ne pas tenir compte des absences, en validant le cursus par le cumul des unités. Ce qui peut se faire sur deux ans des fois. Une manière de motiver les enfants. Autre source de motivation, la restauration à l’école. L’objectif de cette école pas comme les autres est d’améliorer les taux de scolarité, de lutter contre l’analphabétisme, mais aussi de remédier à la malnutrition des enfants.
Ainsi, chaque jour vers midi, l’instituteur prépare lui-même à manger à ses élèves! Au menu: des lentilles ou des conserves de sardines. Un régal pour les enfants de transhumants. «Certains ne viennent que pour cela et c’est tant mieux si cela peut les inciter à étudier», ajoute l’enseignant. Seul bémol, les portions sont chiches: 100 grammes de pain par élève et 40 grammes de poisson le lundi. Le lendemain, c’est 100 grammes de pain, 50 g de lentilles et autant de tomate. Un menu qui se répète dans cet ordre 6 jours sur 7.
La nuit tombée, l’instituteur dort dans une tente mitoyenne de celle faisant office de classe. Chaque soir, il caresse le vœu que d’autres instituteurs consacrent au moins une année de leur carrière à ce type de mission enclavée.
Amin RBOUB
L'Economiste